(Washington) La banque centrale américaine s’apprête à lancer une série de hausses de ses taux directeurs pour lutter contre l’inflation, un mouvement dont l’ampleur fait débat parmi les responsables de l’institution, bien que l’idée d’un premier relèvement en douceur semble gagner du terrain.

« Personnellement, je ne vois aucun argument convaincant pour y aller fort au début », a déclaré vendredi le président de la Fed de New York, John Williams, à des journalistes en marge d’une conférence en ligne à l’Université de New Jersey City.

Il est ainsi, favorable à une petite hausse pour commencer, puis, selon l’évolution de la situation, « ralentir ou accélérer ».

« Je prévois qu’il sera approprié lors de notre prochaine réunion […] de lancer une série de hausses des taux », a souligné vendredi, lors d’une conférence à New York, la gouverneure Lael Brainard, nommée par Joe Biden pour être numéro deux de la Fed.

Face à une inflation au plus haut depuis 40 ans, le débat n’est désormais plus de savoir si la puissante Réserve fédérale commencera ou non en mars à relever ses taux qui se trouvent, depuis deux ans, entre 0 et 0,25 %, mais quelle sera l’ampleur de la hausse.

Optera-t-elle pour l’habituelle hausse d’un quart de point, pour faire passer les taux à 0,25-0,50 % ? Ou frappera-t-elle plus fort, pour les relever directement à 0,50-0,75 % ?

C’est en mai 2000 que la Fed avait, pour la dernière fois, eu recours à une forte hausse d’un demi-point.

« Une inflation plus forte et des risques d’inflation plus élevés entraîneront la Réserve fédérale à relever ses taux plus agressivement que ce que nous envisagions auparavant », ont commenté Nancy Vanden Houten et Kathy Bostjancic, économistes pour Oxford Economics, dans une note. Elles tablent sur une hausse d’un demi-point directement le mois prochain.  

Les trois-quarts des acteurs sur les marchés, cependant, s’attendent à ce que la Fed avance à pas de loup lors de sa réunion des 15 et 16 mars, selon l’évaluation des produits à terme de CME Group.

Crédibilité en jeu

Un autre responsable de l’institution monétaire a ravivé le débat ces dernières semaines sur l’ampleur de la hausse à prévoir, en plaidant pour frapper un grand coup dès le mois de mars.

James Bullard, président de l’antenne de St. Louis de la Fed, voudrait ainsi voir les taux relevés d’un point d’ici le 1er juillet.

« Nous avons été surpris par la forte inflation. […] Notre crédibilité est en jeu », avait-il indiqué lundi, mettant en avant la nécessité de « réagir aux chiffres », mais « de manière organisée et sans perturber les marchés ».

La première économie du monde s’est rétablie des dommages causés par la pandémie de COVID-19. Mais elle est à présent menacée par un danger qu’elle n’avait plus vu depuis 40 ans : une inflation trop forte.

La hausse des prix a atteint 5,8 % en 2021, selon l’indice PCE qui est privilégié par la Fed, son rythme le plus élevé depuis 1982, et surtout bien supérieur aux 2 % à long terme que vise l’institution monétaire.

L’inflation sous-jacente, qui exclut les prix volatils de l’énergie et de l’alimentation, s’est élevée à 4,9 %.  

Réduction du bilan

Relever les taux directeurs permet de faire baisser l’inflation. En effet, ils rendent le crédit plus onéreux pour les ménages et entreprises, ce qui fait ralentir la demande et la consommation, allégeant la pression sur les prix.

Mais pour Lael Brainard, cela doit s’accompagner de la réduction du bilan, c’est-à-dire se séparer petit à petit des millions de dollars de bons du Trésor et autres actifs qui avaient été achetés par la Réserve fédérale depuis mars 2020, pour soutenir le fonctionnement de l’économie.

« Mon sentiment est que la combinaison d’une série de hausses des taux d’intérêt » avec la réduction du bilan « fera ralentir l’inflation au fil du temps tout en soutenant une reprise inclusive », a-t-elle souligné.

Le processus pourrait commencer « plus tard cette année », a également souligné John Williams.

Il s’attend à ce que, d’ici fin 2022, « l’inflation des prix PCE revienne à environ 3 %, avant de baisser encore l’année prochaine alors que les problèmes d’approvisionnement continueront de s’atténuer ».

Il table par ailleurs sur « une croissance du PIB d’un peu moins de 3 % cette année » et un taux de chômage « autour de 3,5 % » fin 2022.