(Washington) Le Canada a encore de la latitude dans ses efforts pour empêcher qu’un crédit d’impôt de l’administration Biden proposé pour les véhicules électriques ne frappe l’industrie automobile au nord de la frontière, a déclaré vendredi la ministre du Commerce international Mary Ng.

La ministre concluait sa deuxième visite officielle dans la capitale américaine depuis que le premier ministre Justin Trudeau s’est rendu à la Maison-Blanche le mois dernier.

Mary Ng a dirigé une mission multipartite d’Équipe Canada à Capitol Hill pendant plusieurs jours de réunions avec des législateurs américains pour discuter d’un certain nombre d’irritants persistants.

En tête de liste se trouve un crédit d’impôt proposé pour les véhicules électriques fabriqués aux États-Unis qui, selon des chefs d’entreprise canadiens, pourrait être dévastateur pour l’industrie automobile au nord de la frontière.

Le crédit, qui vaudrait jusqu’à 12 500 $ sur les véhicules américains fabriqués par des travailleurs syndiqués, fait partie du projet de loi Reconstruire en mieux (Build Back Better) de l’administration Biden, qui fait actuellement son chemin au Congrès.

De nombreux membres du Congrès qui ont participé aux réunions ont déclaré qu’ils étaient encore loin d’avoir décidé comment ils allaient voter, a déclaré Mme Ng lors d’une entrevue à l’ambassade du Canada.

« Il y a toujours du travail à faire, [mais] je dirais qu’il y a encore de la latitude », a-t-elle déclaré.

« J’ai entendu de sénateurs qu’ils n’étaient pas prêts à voter là-dessus, qu’ils ont du travail à faire. Pour moi, cela continue donc d’être une opportunité pour le Canada de continuer à s’efforcer de trouver une solution », a-t-elle ajouté.

Le crédit d’impôt pour les véhicules électriques est pour le président Joe Biden un élément important de sa stratégie pour lutter contre le changement climatique, relancer le secteur manufacturier moribond de son pays et créer des emplois stables et bien rémunérés pour les Américains de la classe ouvrière.

Mme Ng a reconnu que ces rencontres étaient plus « granulaires » que les discussions de haut niveau qui ont eu lieu à la mi-novembre avec M. Trudeau et elle-même, ainsi que la vice-première ministre Chrystia Freeland, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly et le ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino.

Mais comme lors de ces réunions, le propos sur les préoccupations du Canada couvrait toute la gamme, a-t-elle affirmé.

« Je dirais que lors de certaines réunions, je faisais un peu de rattrapage », a dit Mme Ng.

« Certains avaient plus de connaissances, d’autres en avaient moins, [mais] il y avait une réceptivité à faire plus de travail de leur part, puis à poursuivre la conversation avec le Canada, ce qui, je pense, est vraiment bien. Il y avait une réceptivité à trouver des solutions avec le Canada », a-t-elle poursuivi.

Décision avant Noël ?

Le chef de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, a déclaré publiquement qu’il s’attend à ce que le projet de loi Reconstruire en mieux soit mis aux voix avant les vacances de Noël, mais un certain nombre de sénateurs clés, dont le sénateur démocrate de Virginie-Occidentale Joe Manchin, ont exprimé leur scepticisme quant à ce calendrier.

M. Manchin, dont le vote sera critique dans un Sénat également divisé, a exprimé ces dernières semaines des doutes sur l’idée du crédit d’impôt, notamment parce que Toyota est un employeur majeur dans son État.

Cependant, ces jours-ci, ses inquiétudes ont tendance à tourner autour du véritable prix du programme de dépenses sociales et de lutte au changement climatique de 1750 milliards, ainsi que de son effet potentiel sur un taux d’inflation dépassant déjà les 6 %.

La délégation canadienne comprenait le député conservateur Randy Hoback, son homologue néo-démocrate Daniel Blaikie et Sébastien Lemire du Bloc québécois, ainsi que Flavio Volpe, président de l’Automotive Parts Manufacturers’Association.

Les membres de la délégation contestent également la décision des États-Unis de presque doubler les droits sur le bois d’œuvre canadien et une menace d’interdire les expéditions de pommes de terre en provenance de l’Île-du-Prince-Édouard en raison d’inquiétudes concernant un champignon rare.

« Le temps en face à face a été utile », a déclaré M. Volpe, attendant sur le tarmac le décollage de son vol à destination de Toronto, avant que le panneau de ceinture de sécurité ne s’allume et qu’il ne soit obligé de passer à la messagerie texte.

« Chaque fois que nous assistons en personne et exprimons nos préoccupations et proposons des solutions de rechange coopératives, nous leur rappelons à quel point cela est important pour nous et leur faisons comprendre que nous devrons réagir s’ils vont de l’avant », a-t-il poursuivi.

L’approche d’Équipe Canada, bien qu’efficace sur le plan politique à domicile, a probablement peu de poids auprès des législateurs américains, sauf sur un point important, a-t-il ajouté : « Si cela accomplit quelque chose, c’est probablement de dire qu’il n’y a pas de bretelle de sortie pour les États-Unis s’ils flouent le Canada là-dessus — nous sommes tous déterminés à défendre notre position. »

La pièce législative a encore un long chemin à parcourir au Sénat, notamment pour surmonter la règle Byrd — un processus du Sénat qui s’applique aux projets de loi de finances et est conçu pour empêcher des dispositions de dépenses superflues de se retrouver dans la loi.

Si le crédit d’impôt devait survivre, des contestations en vertu de l’Accord Canada – États-Unis – Mexique (ACEUM) — le Mexique et le Canada ont déclaré publiquement que la proposition viole la lettre et l’esprit de l’accord — seraient probables, ainsi que d’autres « mesures de rétorsion », a déclaré M. Volpe.

Pour l’instant, cependant, « la diplomatie est toujours le meilleur moyen d’éviter une guerre, commerciale ou autre ».