(OTTAWA) La Banque du Canada et le gouvernement Trudeau ont appuyé de concert sur l’accélérateur vendredi pour stabiliser l’économie canadienne. Cela survient au moment où trois grandes banques prévoient que le Canada tombera en récession à cause des impacts de la pandémie de COVID-19 et de la chute des prix du pétrole.

La Banque du Canada a en effet abaissé son taux d’intérêt directeur d’un demi-point de pourcentage pour la deuxième fois en un peu plus d’une semaine, le fixant désormais à 0,75 %, en réponse aux turbulences économiques à l’échelle mondiale.

De son côté, le gouvernement Trudeau a annoncé l’injection de 10 milliards de dollars dans un programme de facilitation du crédit afin de soutenir les petites et les moyennes entreprises qui pourraient avoir de la difficulté à obtenir des prêts. Le programme relèvera de deux organismes fédéraux : la Banque de développement du Canada et Exportation et Développement Canada.

Parallèlement, Ottawa compte annoncer des mesures de relance économique « importantes » la semaine prochaine qui auront toutes les allures d’un mini-budget, même si la Chambre des communes a suspendu ses travaux jusqu’au 20 avril. Le coût de ces mesures pourrait friser les 20 milliards de dollars, selon certains médias, et elles viseront principalement à venir rapidement en aide aux travailleurs et aux entreprises durement touchées par la crise.

Conférence de presse commune

Fait rarissime qui illustre le défi que représente cette tempête économique parfaite, le ministre des Finances Bill Morneau et le gouverneur de la Banque du Canada Stephen Poloz ont tenu une conférence de presse conjointement pour exposer en détail leur plan d’attaque respectif.

Cette concertation presque sans précédent a un objectif : atténuer les effets du ralentissement à venir en maintenant la confiance des ménages et des entreprises – un ingrédient essentiel à toute reprise.

Le surintendant des Institutions financières, Jeremy Rudin, qui était aussi à leurs côtés, a quant à lui annoncé une réduction des obligations des principales institutions financières en matière de liquidité. Le taux de réserve pour stabilité intérieure auquel elles doivent s’astreindre passe de 2,25 % à 1 % – le taux qui était en vigueur durant la crise financière de 2008. Cette mesure devrait donner aux institutions prêteuses une marge de manœuvre supplémentaire de près de 300 milliards de dollars.

« Nous sommes dans une période sans précédent. Cela veut dire que nous devons prendre des mesures sans précédent pour affronter les défis qui se dressent devant nous. Il faut coordonner nos décisions et nos gestes », a affirmé Bill Morneau.

Le ministre des Finances ne pourra pas déposer son prochain budget comme prévu le 30 mars à la suite de la suspension des travaux parlementaires. Une nouvelle date devrait être annoncée plus tard.

Qu’à cela ne tienne, « notre priorité est de protéger la santé et la sécurité des Canadiens. […] Nous savons que ce virus va avoir des impacts sur notre économie. Et nous sommes prêts à nous y attaquer », a-t-il ajouté.

Alliés du G7

Le grand argentier du pays a indiqué que le Canada souhaitait coordonner l’exécution de son plan de relance avec ses alliés du G7 (États-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne, Japon et Italie). Le premier ministre Justin Trudeau doit d’ailleurs s’entretenir avec ses homologues du G7 lundi à ce sujet. Le ministre Morneau et le gouverneur Poloz demeurent quant à eux en communication étroite avec leurs homologues respectifs des pays membres de ce club sélect.

M. Morneau a indiqué que le Canada utiliserait toute la marge de manœuvre que lui confère son faible taux d’endettement (environ 31 % du PIB) pour soutenir l’économie canadienne. Selon les calculs du directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, le gouvernement fédéral pourrait augmenter ses dépenses de 40 milliards par année et maintenir un ratio de dette comparable au cours des prochaines années.

« Nos états financiers sont solides et nous sommes prêts et en mesure d’affronter les défis économiques qui se dressent devant nous, quels qu’ils soient », a-t-il avancé.

À partir de maintenant, M. Morneau compte faire le point sur l’état de santé de l’économie chaque semaine avec ses homologues des provinces.

Vendredi, M. Morneau s’est d’ailleurs entretenu avec le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, qui a déposé son budget mardi, et le ministre des Finances de l’Ontario, Rod Phillips, qui doit en principe présenter son plan budgétaire le 25 mars.

Pour sa part, le gouverneur Poloz a indiqué que la Banque du Canada pourrait intervenir à nouveau si les circonstances l’exigent au cours des prochains jours, même si le taux directeur est déjà très bas.

« La Banque du Canada contribue à l’effort et prend des mesures concertées pour soutenir l’économie canadienne et le système financier en cette période de tensions économiques. […] Il est déjà clair que la propagation du nouveau coronavirus a des conséquences sérieuses pour les familles canadiennes et l’économie du Canada », a affirmé M. Poloz.

Il a aussi souligné que la chute des prix du pétrole aura un effet important sur le taux de croissance de l’économie canadienne non seulement dans les provinces productrices, mais dans l’ensemble du pays. D’où sa décision de revenir à la charge rapidement pour réduire le taux directeur d’un autre demi-point.

La Banque Royale, la CIBC et Bank of America ont dit s’attendre vendredi à ce que le Canada tombe en récession plus tard cette année.