Tous les Québécois auront-ils accès à l’internet haute vitesse d’ici 2022 ? Le gouvernement Legault veut toujours réaliser sa promesse électorale, mais il admet qu’il pourrait avoir de la difficulté à brancher à temps les 100 000 derniers foyers.

« On va tout faire pour convaincre, avec de l’argent, des incitatifs, pour que les télécommunicateurs puissent livrer le 100 000 [foyers] qu’il manque, mais on ne peut pas le promettre aujourd’hui », a dit le ministre de l’Économie du Québec, Pierre Fitzgibbon, lors des débats à l’Assemblée nationale mercredi.

Actuellement, environ 10 % des foyers québécois n’ont pas accès à l’internet haute vitesse. Québec a donné mercredi une meilleure idée de l’échéancier pour brancher ces 340 000 foyers : 110 000 foyers seront branchés d’ici l’été 2021 avec l’aide d’un programme québécois (les contrats de Québec Branché 1 sont déjà attribués) ; entre 50 000 et 60 000 foyers seront branchés d’ici 2022 en vertu d’un programme fédéral, et de 60 000 à 70 000 foyers seront branchés d’ici 2022 en vertu d’un deuxième programme québécois (les contrats de Québec Branché 2 seront attribués d’ici un mois).

Pour les 100 000 derniers foyers à brancher, il pourrait être difficile de conclure les travaux en 2022, comme l’avait promis la Coalition avenir Québec aux dernières élections. Québec espère brancher ces 100 000 foyers avec des subventions et des contrats de gré à gré avec les entreprises existantes de télécoms (ex. : Bell, Cogeco, Vidéotron, Telus, Rogers).

On n’a pas le choix que de travailler avec tous les télécommunicateurs. Tout le monde va avoir ses contrats. Ce qu’on va essayer de faire, c’est de convaincre les télécommunicateurs de mettre la connexion en 2022 parce que c’est ça que tout le monde veut.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie du Québec

Trop long, l’accès aux poteaux de téléphone ?

Pourquoi les délais s’allongent-ils ?

Tout d’abord, les gouvernements doivent attribuer les subventions pour ces projets qui sont souvent dans des régions rurales ou éloignées, où il n’est pas rentable pour une entreprise de télécommunications d’installer un réseau internet haute vitesse. De 2016 à 2020, seulement environ 10 000 foyers ont été branchés à l’internet haute vitesse avec ces programmes.

Mais il y a aussi l’épineuse – et complexe – question de l’accès aux traditionnels poteaux de téléphone.

Pour avoir l’internet haute vitesse dans les régions, on passe presque exclusivement par des poteaux de Bell et d’Hydro-Québec (la réglementation interdit d’en construire des nouveaux). La majorité du temps, on rattache l’accès internet haute vitesse à la ligne téléphonique existante de Bell. Parfois, c’est simple. Parfois, c’est complexe et long : obtenir l’accès aux poteaux peut prendre jusqu’à deux ans et demi, se plaint Vidéotron à l’égard de Bell.

Vidéotron demande une enquête du Bureau de la concurrence, en plus de poursuivre Bell au civil pour 12 millions de dollars. L’entreprise demande à Québec de « serrer la vis » à Bell pour accélérer l’accès à ses poteaux.

« Les manœuvres anticoncurrentielles de Bell doivent cesser. C’est tout simplement inacceptable », a indiqué Jean-François Pruneau, président et chef de la direction de Vidéotron, par communiqué de presse la semaine dernière.

Cogeco est aussi insatisfaite des délais pour avoir accès aux poteaux. L’entreprise de télécoms estime que 50 % de ses demandes chez Bell et Hydro-Québec sont en attente depuis plus de six mois.

Une question de sécurité, dit Bell

Bell explique ces délais par la nécessité de faire des travaux sur certains poteaux, notamment pour des raisons de sécurité. « On s’efforce de donner accès et de faire les travaux dans les meilleurs délais possible tout en respectant la sécurité », dit Charles Gosselin, directeur des affaires gouvernementales de Bell au Québec.

Chaque année, Bell reçoit environ 100 000 demandes d’accès à ses poteaux, la plupart du temps pour l’accès internet haut vitesse. Environ 90 % de ces demandes sont autorisées en moins de 55 jours (le délai du CRTC), 6 % d’entre elles sont refusées, et 4 % nécessitent des travaux sur les poteaux. Ce sont ces derniers 4 % qui posent problème.

Bell réfute les allégations de Vidéotron. « On peut comprendre que Vidéotron ne manque pas une occasion de montrer qu’elle est fâchée après Bell », dit Charles Gosselin, de Bell.

Nous partageons cette frustration [sur les délais]. Sur certains de ses propres projets, Bell doit attendre de un an et demi à deux ans pour avoir accès à des poteaux [de Bell]. On vit les mêmes embûches [logistiques] sur nos projets.

Charles Gosselin, directeur des affaires gouvernementales de Bell au Québec

En mai, une table de concertation a été créée avec le gouvernement du Québec, Bell, Hydro-Québec (qui gère environ 25 000 demandes d’accès par an pour ses poteaux), ainsi que les MRC et les entreprises de télécoms qui demandent des accès. Un rapport remis la semaine dernière contient des recommandations pour alléger certains travaux.

Bell explique aussi certains délais par le fait que certains bénéficiaires du programme Québec Branché 1 sont des organismes ou des MRC n’ayant pas ou peu d’expérience en télécoms. « On peut se questionner sur la solidité des échéanciers soumis, dit Charles Gosselin, de Bell. Mais nous voulons les aider à finir leurs affaires. Bell, Hydro, les MRC, le gouvernement du Québec, nous avons tous un objectif commun : que de plus en plus de Québécois aient accès à internet haute vitesse, peu importe qui l’amène. »