(Ottawa) L’économie canadienne a affiché sa pire performance trimestrielle depuis 2009 au cours des trois premiers mois de 2020, et elle pourrait se diriger vers une baisse encore plus marquée, puisque les mesures prises pour ralentir la propagation de la COVID-19 ont forcé la fermeture d’entreprises et la mise à pied de travailleurs.

Le produit intérieur brut (PIB) canadien a chuté à un taux annualisé de 8,2 % au premier trimestre, ce qui comprend une baisse de 7,2 % pour le seul mois de mars, au cours duquel les restrictions imposées par les responsables de la santé publique ont commencé à se déployer, incluant les fermetures d’écoles, les fermetures de frontières et les restrictions de voyage.

Les évènements survenus plus tôt au cours du trimestre ont également pesé sur le PIB, Statistique Canada ayant évoqué la grève des enseignants en Ontario et les barrages ferroviaires de février, ainsi qu’une baisse des prix du pétrole.

La chute importante du PIB ne reflète probablement pas pleinement l’expérience de tous les Canadiens pendant cette période, a souligné l’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter.

« On n’obtient pas un tableau complet uniquement à partir du PIB, ni même à partir du marché de l’emploi, parce que les décideurs politiques sont intervenus avec des actions si inhabituelles et dynamiques que plusieurs mesures habituelles ne s’appliquent tout simplement pas à 100 % dans cet épisode », a affirmé M. Porter lors d’une entrevue.

Selon une estimation préliminaire publiée par le ministère des Finances, le gouvernement fédéral a affiché un déficit de 21,8 milliards pour l’exercice qui s’est terminé en mars. Ce chiffre fera encore l’objet de révisions, ce qui pourrait le rapprocher de la dernière estimation du gouvernement, qui était de 26,6 milliards. Dans le budget fédéral présenté au printemps 2019, ce déficit avait été estimé à 19,8 milliards.

La revue financière du ministère des Finances indique que les revenus ont atteint 334,3 milliards lors de l’exercice, ce qui représente une hausse de 1,8 % par rapport à l’exercice précédent. Les dépenses ont augmenté de 4,7 % pour atteindre plus de 331,4 milliards, tandis que les frais de la dette publique ont augmenté de 5,1 % pour atteindre près de 25,9 milliards.

La dette nette fédérale a dépassé 794,4 milliards.

Les dépenses supplémentaires déployées au cours des dernières semaines devraient faire grimper la dette encore davantage, car le bureau du budget a averti que le déficit pour cet exercice pourrait atteindre 260 milliards en raison des mesures de soutien du revenu versées par le gouvernement aux ménages canadiens.

Baisse des dépenses des ménages

Selon Statistique Canada, les dépenses des ménages, pilier de l’économie canadienne, ont diminué de 2,3 % au premier trimestre de 2020, enregistrant leur plus forte baisse trimestrielle jamais enregistrée.

La baisse des dépenses des ménages a été généralisée, affectant tant les biens que les services.

Selon l’agence fédérale, les achats de voitures neuves ont diminué de 8,8 %, celles de camions, de fourgonnettes et de véhicules utilitaires sport neufs de 9,4 % et celles de véhicules automobiles d’occasion de 10,1 %. Face à ces reculs, Statistique Canada a évoqué « l’incertitude reliée au revenu », le fait que davantage de personnes travaillent à domicile et la fermeture de concessionnaires dans certaines provinces, dont l’Ontario et Québec.

Les dépenses des ménages pour les articles d’habillement et les chaussures ont également baissé de 16,4 %, tout comme celles pour les services de restauration et d’hébergement, qui ont reculé de 10,9 %, et celles du transport aérien, qui ont baissé de 15,7 %.

Les dépenses habituellement réservées aux restaurants et aux bars ont migré vers les d’autres catégories de dépenses pour des biens non durables, a noté Statistique Canada.

Les dépenses pour les aliments et les boissons non alcoolisées ont augmenté de 7,2 % au premier trimestre, tandis que celles pour les boissons alcoolisées ont augmenté de 6,0 %.

En raison de la baisse globale des dépenses, le taux d’épargne a augmenté pour le trimestre à 6,1 %, par rapport à celui de 3,6 % enregistré au quatrième trimestre de 2019, avec des taux plus élevés enregistrés à des niveaux de revenu plus élevés.

Les économies que certains ménages ont accumulées pendant la période de fermeture pourraient se traduire par des dépenses supplémentaires à mesure que les restrictions sont assouplies et que les entreprises rouvrent, a estimé Royce Mendes, un économiste principal pour la Banque CIBC.

Signes de reprise dès l’été ?

« Dans l’ensemble, l’économie a probablement atteint un creux, du moins pour l’instant, les entreprises commençant à rouvrir », écrit-il dans une note. « Il faut s’attendre à voir les données économiques montrer des signes de reprise au cours des mois d’été, même si elles ne représentent que les gains faciles attribuables à l’assouplissement des restrictions. »

De même, Brian DePratto, économiste principal à la Banque TD, a écrit dans une note qu’il n’était pas déraisonnable de penser qu’une reprise modeste pourrait déjà se préparer.

« La question clé est de savoir de quel type de reprise il s’agira. Compte tenu des impacts importants sur les revenus et des impacts à plus long terme sur certaines industries, un marathon semble plus probable qu’un sprint », a-t-il écrit.

Selon les observations préliminaires de Statistique Canada, les données semblent annoncer une baisse de 11 % du PIB pour avril, mais ce chiffre devrait être révisé à mesure que de nouvelles informations seront disponibles.

« Néanmoins, les diminutions enregistrées pour les mois de mars et d’avril seront probablement les plus importantes baisses mensuelles consécutives jamais enregistrées », a indiqué l’agence.

De même, l’agence a indiqué que les chiffres du premier trimestre devraient connaître des révisions plus importantes que d’habitude dans les publications de données ultérieures, puisque certains chiffres ont dû être estimés parce qu’ils n’étaient pas disponibles à temps.