Le sanglant conflit dans l'est de l'Ukraine et le bras de fer diplomatique entre l'Occident et la Russie risquent de priver le fournisseur canadien de satellites MacDonald, Dettwiler and Associates (MDA) de dizaines de millions de dollars en futurs contrats.

L'entreprise, qui compte une importante usine à Sainte-Anne-de-Bellevue, tire une croix sur le marché des satellites russes à moyen terme. «Les Russes ont besoin de plus de satellites. Mais avec la situation politique actuelle, nous ne voyons aucun moyen d'en vendre plus à la Russie dans un futur proche, surtout d'une perspective canadienne», a déclaré le chef de la direction de MDA Daniel Friedmann lors d'une téléconférence avec les analystes, le 31 juillet dernier. MDA a refusé d'accorder une entrevue à La Presse sur «ce sujet trop délicat».

La vente de satellites en Russie représente des revenus de 50 millions par année pour MDA. L'entreprise canadienne vend en moyenne une charge utile de satellite - un de ses principaux composants - par année à des sociétés russes. Trois charges utiles sont en cours d'acquisition.

Petite portion des revenus

Mais pour Thanos Moschopoulos, de BMO Marchés des capitaux, la fermeture de ce marché ne devrait pas avoir «d'impact pour MDA puisque la Russie et l'Ukraine représentent une petite portion des revenus de l'entreprise au cours des derniers mois. MDA a environ 2 milliards en revenus annuels. Je regarde ça comme une source potentielle de croissance future qui n'est plus accessible et qui fait partie des nombreuses occasions de croissance visées par MDA».

L'analyste, qui recommande l'achat du titre, ne s'avance pas sur les raisons qui expliquent la fermeture du marché russe pour MDA. «Je ne suis pas sûr si c'est la Russie qui est réticente à leur donner des contrats en raison des sanctions canadiennes, ou bien si c'est le Canada qui ne donne probablement pas à MDA les approbations nécessaires pour exporter le matériel à la Russie, ou bien s'il s'agit d'une combinaison des deux.»

Selon M. Moschopoulos, MDA aurait été beaucoup plus touchée par ce revers il y a quelques années. «La Russie et l'Ukraine représentaient une part beaucoup plus importante de leur chiffre d'affaires en 2011-2012, avant l'acquisition de Space Systemes/Loral (SSL), qui a plus que doublé la taille de l'entreprise et diversifié considérablement sa base de revenus.»

L'entreprise de technologies de communication a décroché de lucratifs contrats avec l'Agence spatiale canadienne et la NASA ces dernières années. Elle construit aussi notamment des composants de satellites pour des sociétés asiatiques, espagnoles et israéliennes.

MacDonald, Dettwiler and Associates fait aussi les frais des combats qui font rage depuis des mois dans l'est de l'Ukraine. L'entreprise de technologies de communication a dû suspendre sur le terrain les travaux de son programme de satellite de télécommunication en Ukraine en raison de «force majeure». MDA a déjà été payée pour ce contrat d'une valeur de 50 millions, mais ne peut l'inclure à son bilan jusqu'à la fin du conflit.

Satellites en orbite

«Le montant est pertinent, mais l'impact sur le prix de l'action est neutre puisqu'il a déjà été pris en compte par les analystes. C'est une part importante de leur revenu, mais petite en tenant compte de leur revenu d'environ 2 milliards», explique l'analyste de BMO Thanos Moschopoulos.

De nombreux satellites construits en partie par MDA ou sa filière américaine SSL sont déjà en orbite autour de la Terre. L'un d'eux, le satellite de télécommunication Express-AM5, a été lancé en décembre dernier pour l'entreprise Russian Satellite Communications Company. Son grand frère, l'Express-AM6, doit être lancé cet automne en Russie. Les antennes et le répéteur des deux engins ont été conçus et construits à l'usine de Sainte-Anne-de-Bellevue, qui emploie 850 travailleurs. Ils ont une espérance de vie de 15 ans.

Au deuxième trimestre, 2014, MDA a rapporté des revenus consolidés de 552,7 millions. Son bénéfice d'exploitation s'est élevé à 51,5 millions, ou 1,43$ par action, en hausse de 19% par rapport à l'an dernier au même trimestre.