L'action d'Apple (AAPL) a perdu 12% de sa valeur jeudi pour retomber à son plus bas niveau depuis près d'un an, le marché craignant la fin de la croissance insolente des ventes et des bénéfices à laquelle le groupe informatique l'avait habitué ces dernières années.

Le titre n'a jamais été aussi bas depuis début février 2012.

Le marché boude Apple depuis quelques mois, s'inquiétant de sa capacité à continuer d'innover sans son patron visionnaire Steve Jobs, décédé l'an dernier, et à maintenir ses parts de marché face à des concurrents de plus en plus agressifs, comme le sud-coréen Samsung.

L'action a désormais perdu plus du tiers de sa valeur par rapport au sommet historique de 702$ enregistré le 19 septembre dernier.

Et rien que dans la nuit de mercredi à jeudi, une cinquantaine de milliards de dollars de capitalisation boursière sont partis en fumée.

Apple a choqué le marché en livrant mercredi soir une prévision de chiffre d'affaires pour le trimestre en cours nettement inférieure aux attentes, douchant en outre les espoirs de bonne surprise en indiquant qu'elle était plus réaliste que celles faites par le passé.

Beaucoup d'analystes ont dans la foulée abaissé leurs propres prévisions. Certains ont aussi revu drastiquement leur objectif de cours pour l'action Apple, à l'image de la banque Jefferies passée de 800 à 500$.

«Le ralentissement des ventes de l'iPhone est réel et important», et «nous pensons que les marges vont continuer de baisser», se justifient les analystes de Jefferies dans une note à leurs clients.

Ils expliquent que la croissance du marché des tablettes et des téléphones intelligents se concentre désormais sur des produits moins chers, et que «la plus forte concurrence va entraîner des cycles de produits plus courts», avec «moins de temps pour engranger les bénéfices» après leur lancement.

«Tout en étant à des niveaux record, les ventes d'iPhone représentent une perte de part de marché dans les téléphones intelligents au quatrième trimestre 2012. Et l'iPad mini, malgré son succès sans conteste, réduit le prix moyen de vente de l'iPad et compromet au passage la croissance de l'entreprise», relève aussi Citibank.

Les ventes d'iPhone et d'iPad ont encore permis au groupe à la pomme d'afficher au dernier trimestre de l'année 2012 un chiffre d'affaires «record», en hausse de 18%. Mais son bénéfice net a stagné, à un niveau malgré tout très respectable de 13,1 milliards de dollars.

Pour la banque RBC, Apple devient simplement une «entreprise à croissance normale». «L'écosystème subsiste et Apple a conservé un solide portefeuille de produits», note-t-elle.

Beaucoup d'analystes estiment que l'action pourrait retrouver la faveur des investisseurs après le lancement de nouveaux produits d'ici quelques mois.

Des rumeurs circulent ainsi depuis longtemps sur une «iTV», et pour Jefferies, Apple pourrait lancer en mars un produit lié à la télévision, qui serait potentiellement un «catalyseur».

Plusieurs autres analystes jugent inévitable la sortie d'un iPhone moins haut de gamme, et donc moins cher, probablement cet été.

La banque d'investissement Canaccord souligne que l'appareil pourrait viser des marchés internationaux où les consommateurs privilégient les téléphones commercialisés sans abonnement, utilisés avec des cartes prépayées.

«Apple peut générer une forte croissance des ventes d'iPhone sur de grands marchés où la pénétration est encore basse comme l'Europe de l'Est, l'Amérique latine et l'Asie du Sud-Est», dit-elle.

La vraie question étant de savoir si ces nouveautés susciteront le même engouement que leurs prédécesseurs. La banque Barclays a ainsi prévenu qu'elle évaluerait désormais Apple «en regardant si ses produits et services créent la même excitation que celle à laquelle nous avons été habitués».