Sans surprise aucune, la Banque du Canada reconduit pour la sixième fois son taux cible de financement à un jour, mais prévient cette fois-ci qu'elle devra resserrer le crédit avant longtemps.

Depuis septembre dernier, elle fixe le taux directeur à 1%. Pourtant, la progression annuelle de l'Indice des prix à la consommation (IPC) a dépassé les 3%, soit la limite supérieure de sa fourchette cible, pour le deuxième mois d'affilée en avril.

Les autorités monétaires canadiennes estiment que ce dépassement devrait perdurer quelques mois encore avant que la marche des prix ne ralentisse, jusqu'à converger vers la cible de 2% à la mi-2012.

À la différence de ses communiqués précédents, la Banque ouvre cette fois-ci prudemment la porte à une hausse prochaine de son taux. «Dans la mesure où l'expansion se poursuit et l'offre excédentaire notable au sein de l'économie se résorbe graduellement, la Banque réduira en partie, le moment venu, la détente monétaire considérable en place, d'une façon compatible avec l'atteinte de la cible d'inflation de 2%, lit-on dans le communiqué. Une telle réduction devra être évaluée avec soin.»

L'expression «en partie» est matière à débat. La Banque laisse entendre que la normalisation de son taux maintiendra un degré de détente.

«Cela suggère clairement la nécessité d'une normalisation de la politique monétaire d'ici un an», analyse Craig Alexander, économiste en chef de TD. Il ajoute: «TD croit qu'un taux directeur de 3% environ serait adéquat au milieu de 2012. Cependant, notre interprétation du commentaire de la Banque sur l'état de l'économie suggère qu'elle croit peut-être qu'un taux inférieur à 3% soit suffisant.»

Son vis-à-vis chez CIBC, Avery Shenfeld, abonde dans son sens et apporte cette précision: «Cela semble rendre beaucoup plus vraisemblable une hausse en septembre que ce que le marché escompte, a-t-il écrit à sa clientèle dans les minutes suivant la publication du communiqué. Cela reflète aussi l'inconfort de la Banque devant le fait que les marchés ont quasiment écarté toute nouvelle hausse du taux directeur en 2011.»

La plupart des économistes misent sur une première hausse en septembre ou octobre, mais Desjardins parie plutôt sur un premier tour de vis dès juillet. «En adoptant un ton un peu plus hawkish qu'en avril, la Banque a signalé qu'elle ne fermait pas la porte à cette possibilité», juge Mathieu D'Anjou, économiste principal de Desjardins.

Scénarios conformes

Les autorités monétaires indiquent aussi que les risques à son scénario de croissance sont conformes à ceux évoqués en avril: intensifications des risques de défaillance de quelques économies européennes et reprise américaine modérée.

D'ailleurs, les mauvaises nouvelles se multiplient depuis un mois au sud de la frontière. Hier encore, on a appris que le prix des maisons sur le marché de la revente avait baissé pour un neuvième mois d'affilée le niveau de 2009 et que la confiance des consommateurs avait chuté en avril à son niveau de novembre.

La Banque réitère que les catastrophes de Tohoku au Japon entraîneront des perturbations temporaires dans les chaînes d'approvisionnement qui «devraient freiner considérablement la croissance au cours du présent trimestre». Son scénario actuel table sur une croissance annualisée de 2% d'avril à juin, une cible que d'aucuns jugent ambitieuse à la lumière des éléments qui ont propulsé la croissance de 3,9% au premier trimestre et des signes peu rassurants d'essoufflement de l'expansion américaine.

Le crédit disponible et bon marché pourrait inciter les ménages canadiens à continuer d'emprunter, ce qui représente un risque à la hausse pour l'inflation. En revanche, la vigueur persistante du huard qui est stimulé par les prix élevés des matières premières exercera des pressions à la baisse sur les prix des biens importés. Hier, il a gagné plus de trois quarts de cent face au billet vert.

Chose certaine, «la voie de l'inflation commence à dévier sensiblement du cap fixé. Cela laisse entrevoir que la capacité inutilisée est moins grande que ce que supposait la Banque, signale Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Banque Nationale. Les rapports sur l'inflation selon l'IPC seront déterminants pour influencer les décisions de la Banque au cours des prochains mois».

Les chiffres de l'IPC pour mai seront publiés par Statistique Canada le 29 juin.

La prochaine date de fixation du taux directeur est le 19 juillet. Le lendemain, la Banque publiera sa nouvelle projection pour l'économie et l'inflation.