Il est 10h à la station Lionel-Groulx, jonction des lignes verte et orangée du métro de Montréal. André, un camelot employé au journal 24h, s'installe au pied d'un escalier du deuxième étage de la station. Il vient terminer sa journée de travail, après avoir distribué des journaux à la station De l'Église aux aurores. «J'y étais de 6h à 9h et j'ai distribué environ 600 journaux, dit-il. À Lionel-Groulx, on peut toujours faire des heures supplémentaires, car c'est une grosse station.»

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Depuis lundi, soit le 3 janvier, André peut travailler à l'intérieur des 68 stations du métro de Montréal, depuis que Quebecor, propriétaire du 24h, a hérité du contrat de distribution exclusif de sa publication gratuite dans le métro. Cette entente avec la Société de transport de Montréal (STM) est de cinq ans. Elle déloge le journal Métro, l'autre quotidien gratuit de Montréal, disponible depuis 2001 dans le métro. «Les usagers sont surpris de nous voir à l'intérieur», constate André.

Avant son arrivée à Lionel-Groulx, trois autres camelots du 24h ont distribué des journaux, soit un à l'intérieur et deux à l'extérieur. Ils ont côtoyé Marcel*, un camelot du Métro, posté dehors à l'entrée de la station de 6h à midi. Contrairement au début des années 2000, époque de frictions entre employés sur le terrain du 24h et du Métro, les relations sont courtoises entre camelots des deux quotidiens.

Désormais, un camelot de Métro surpris à distribuer des journaux dans le métro risque une contravention de 100$. «Il n'y a pas de frictions, assure André. On se connaît tous. On n'est pas là pour bousculer les usagers. Ce sont eux qui décident s'ils prennent ou non un journal.»

Comme Christina Kolokas, qui a récupéré un 24h à la station Lionel-Groulx hier matin, avant de se diriger vers Longueuil. «Je lis en alternance le Métro et le 24h, confie-t-elle. Le premier qui passe, en fait. Mais je vais peut-être lire plus souvent le Métro, car c'est le premier que je trouve à l'extérieur.»

Les exemplaires du Métro distribués par Marcel n'ont effectivement aucune difficulté à trouver preneur. «Ce n'est pas le journal, mais la personne qui le donne qui fait la différence, estime cependant le camelot. Si tu n'as pas de sourire, les gens ne viendront pas prendre ton journal. Tout est dans l'approche.»

Métro accuse-t-il durement le coup depuis qu'il est uniquement au grand air? «Ça fonctionne très bien, affirme Daniel Barbeau, éditeur de Métro Montréal. On va continuer de servir nos lecteurs de la même façon.»

Et du côté des annonceurs? Ils n'auraient pas quitté le navire, selon Daniel Barbeau. «Plusieurs ont posé des questions en apprenant la nouvelle, mais on ne sent pas de peur de leur côté. On leur a garanti qu'on conserverait notre lectorat (337 000 lecteurs quotidiennement pour un tirage de 170 000 exemplaires).»

Depuis lundi, Métro (détenu en partie par Transcontinental et Gesca, propriétaire de La Presse) a plus que doublé son nombre de camelots, de moins de 100 à plus de 200. «Les gens ont pris l'habitude de prendre le journal des mains des camelots», note Daniel Barbeau, qui garde par contre secret le budget investi en distribution. «On double le budget camelot, mais on ne paye plus rien à la STM, Pour nous, c'est du pareil au même par rapport à notre proposition d'affaires à la STM (non acceptée).»

Hier matin, en visitant sept stations de métro sur les lignes jaune, orangée, verte et bleue, La Presse Affaires n'a trouvé des présentoirs de journaux 24h qu'à l'extérieur de la station Longueuil-Université-de-Sherbrooke. Elle a aussi constaté que les bacs à recyclage commandités sur lesquels sont affichés les logos de Cascades et Métro étaient encore disposés le long des rames. «Pour l'instant, ceux-ci ne seront pas forcément enlevés, dit Isabelle Tremblay, direction principale, affaires publiques de la STM. On a une politique de développement durable, donc le recyclage va être maintenu.»

Quebecor n'a pas répondu à l'appel de La Presse Affaires hier. En début de semaine, Christianne Benjamin, éditrice et vice-présidente du 24h, transmettait toutefois ce mot aux lecteurs du quotidien: «Nous procéderons graduellement à l'installation de nos nouveaux présentoirs. Nous espérons être complètement opérationnels dès la mi-janvier 2011».

*Le camelot, dont le nom est fictif, a demandé à garder l'anonymat.