Réduire les impôts pour relancer l'économie est loin de faire l'unanimité chez les économistes. Cette obsession du ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, trouve toutefois des défenseurs... à certaines conditions.

Réduire les impôts pour relancer l'économie est loin de faire l'unanimité chez les économistes. Cette obsession du ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, trouve toutefois des défenseurs... à certaines conditions.

Cette mesure est principalement critiquée parce qu'elle donnerait le choix aux contribuables d'épargner cet argent plutôt que le dépenser. Or, si les contribuables épargnent 50% de ce qui leur est retourné, c'est autant d'argent qui ne sera pas utilisé pour relancer l'économie, comme le souhaiterait le gouvernement.

Les économistes s'accordent donc généralement pour dire que les investissements dans les ponts, les routes et les bâtiments publics sont la première mesure à prendre pour soutenir l'économie. Dans de tels cas, l'argent investi sert presque à 100% à relancer l'économie plutôt qu'à 50%.

«Dans les manuels d'économie, on dit que ce n'est pas une bonne idée de réduire les impôts. Dans la pratique, ce n'est pas aussi clair», fait valoir Marc Van Audenrode, économiste de l'Université de Sherbrooke.

Pourquoi? Parce que les gouvernements ont finalement un nombre limité de projets à lancer rapidement. Entre le désir de construire une route et le moment de passer à l'action, il faut plusieurs mois. Certes, les gouvernements peuvent remplacer les vieux meubles des écoles ou des locaux de bureaux, mais les gouvernements n'ont pas une multitude de projets pertinents.

«Laisser les politiciens dépenser comporte un gros risque, surtout quand ça fait des années qu'ils se retiennent. C'est comme lâcher des enfants dans un magasin de bonbons. Tant qu'à se creuser la tête pour trouver des projets qui pourraient mener à du gaspillage, aussi bien baisser les impôts», soutient M. Van Audenrode.

L'économiste fait valoir qu'une baisse d'impôts a au moins l'avantage de pouvoir être faite rapidement.

L'économiste Claude Montmarquette, du CIRANO, croit également que la réduction de l'impôt sur le revenu peut être une avenue intéressante. D'abord les infrastructures, ensuite les impôts. «Et même si les consommateurs se servent de cet argent pour réduire leur dette, ce sera bon pour l'avenir», dit-il.

L'autre problème avec la réduction d'impôts, c'est qu'elle peut entraîner un déséquilibre permanent dans les finances des gouvernements. Ainsi, à moins de réduire la taille de l'État une fois la récession passée, le gouvernement devra réaugmenter les impôts qu'il avait baissés. Politiquement, c'est suicidaire.

Claude Montmarquette convient donc qu'un versement ponctuel de l'État aux contribuables serait plus souhaitable, par exemple un chèque de 500$ pour tous à un moment précis. Pour le fédéral, une telle mesure coûterait environ six milliards de dollars et ne serait pas récurrente.

Marc Van Audenrode fait remarquer que c'est exactement ce qu'a fait George W. Bush aux États-Unis. «La mesure a fonctionné, mais seulement pour un trimestre», dit-il.

Non à la baisse de la TPS

La baisse de la taxe de vente n'est pas vue comme une bonne mesure, puisqu'il n'est pas clair qu'une réduction d'un dollar (1%) sur un article de 100$ incitera les consommateurs à acheter davantage.

Pour sa part, l'économiste en chef de l'Institut économique de Montréal, Marcel Boyer, remet carrément en question l'idée même des interventions gouvernementales pour relancer l'économie.

Au Canada, les dépenses des ménages et des entreprises ont totalisé quelque 800 milliards de dollars en 2007. Quant aux investissements et aux dépenses publiques, ils se sont élevés respectivement à 316 milliards et 260 milliards au cours de la même période. Les montants sont exprimés en dollars constants de 2002.

«Une baisse d'impôts de 10 milliards, par exemple, est relativement marginale sur des dépenses de 800 milliards. Et pour ce qui est des dépenses publiques et des déficits, il va falloir rembourser un jour», dit-il.

L'économiste n'est pas totalement en défaveur des investissements dans les infrastructures, mais il croit que la solution passe davantage par les interventions de la Banque du Canada. Ainsi, en plus de la baisse des taux d'intérêt, la banque centrale pourrait racheter des titres d'entreprises qui sont gelées dans le bilan des banques. «Il faut s'assurer que les banques aient des liquidités pour prêter», dit-il.

«La solution n'est pas facile, mais elle risque moins de créer des problèmes à moyen terme. Il faut donner aux interventions de la Banque du Canada le temps de faire leurs effets», dit-il.