Le Québec aurait besoin de 300 000 immigrants par année, soit sept fois plus qu'à l'heure actuelle, pour parer le choc démographique brutal qui frappera le marché de l'emploi d'ici cinq ans.

Le Québec aurait besoin de 300 000 immigrants par année, soit sept fois plus qu'à l'heure actuelle, pour parer le choc démographique brutal qui frappera le marché de l'emploi d'ici cinq ans.

C'est l'un des constats, tirés des calculs de Statistique Canada, qui ressort d'une étude publiée hier par le Mouvement Desjardins. L'institution reconnaît que cette cible d'immigration est «hors de portée», mais elle suggère du même souffle plusieurs moyens pour amoindrir la pénurie de main-d'oeuvre anticipée.

«Il faut s'y prendre un peu à l'avance, explique Hélène Bégin, économiste principal chez Desjardins. À un moment donné, ça semblait bien loin ce problème-là, quand on parlait des années 2010. Mais 2013, c'est dans cinq ans.»

L'année 2013 sera justement critique pour le marché de l'emploi, selon Desjardins. Pour la première fois, le bassin de main-d'oeuvre commencera à décroître au Québec, tandis que la population de personnes âgées, elle, grossira d'environ 3% par année.

Cette diminution du nombre de travailleurs potentiels - soit les gens âgés de 15 à 64 ans- «risque d'entraîner une croissance anémique, voire une stagnation du marché de l'emploi au cours de la prochaine décennie», avertit l'étude.

Pour renverser la tendance, Desjardins insiste sur l'importance d'intégrer le plus de gens possible au marché du travail. En premier lieu les gens de 55 ans et plus, déjà retraités ou en fin de carrière.

«Si on retardait de deux ans l'âge de la retraite, ça augmenterait énormément le bassin de travailleurs potentiels», souligne Hélène Bégin.

De plus en plus d'employeurs mettent le paquet pour attirer les retraités dans leurs rangs. La chaîne de restauration McDonald's, par exemple, mène ces jours-ci un blitz de recrutement pour combler les postes de jour qui seront laissés vacants à l'automne par les étudiants.

Le géant Wal-Mart mise aussi très gros sur les gens de l'âge d'or. Quelque 10% des salariés du groupe au Canada sont nés avant 1945. «La porte est toute grande ouverte pour les gens du troisième âge, dit le porte-parole Yanik Deschênes. Ils cadrent très bien avec le type d'employés qu'on recherche.»

La Fédération des chambres de commerces du Québec (FCCQ), qui constate de première main les effets néfastes de la pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs, prône elle aussi une participation accrue des travailleurs plus âgés. Mais la partie est loin d'être gagnée.

«Présentement, la fiscalité fait en sorte qu'il est désavantageux de repousser sa retraite après 65 ans, dit Jean Laneville, économiste principal à la FCCQ. Les gouvernements ont tout un travail à faire pour cesser de pénaliser ceux qui veulent continuer à travailler.»

Québec a fait un premier pas en ce sens à la mi-juin. L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité le projet de loi no 68, qui favorisera la retraite progressive chez les travailleurs qui ont un régime complémentaire de leur employeur.

À l'heure actuelle, 29,3% des Québécois de 55 ans et plus travaillent, comparativement à 33,3% pour l'ensemble du Canada, note Desjardins.

Immigration... et intégration?

Comme plusieurs autres organismes, Desjardins prône une augmentation du nombre d'immigrants pour affronter la pénurie de main-d'oeuvre anticipée, du moins en partie. La cible annuelle astronomique de 300 000 - un chiffre avancé par Statistique Canada en mai dernier - est certes irréaliste, mais il faut tout de même accueillir plus d'étrangers, note l'étude. Ce que le gouvernement est déterminé à faire.

Le Québec a attiré 45 221 immigrants l'an dernier, un gain de 1,2% par rapport à l'année précédente. La province espère en recevoir 55 000 en 2010, selon les nouveaux seuils établis l'automne dernier.

Tout cela est bien beau, mais encore faudrait-il bien intégrer les immigrants qui vivent déjà au Québec, tonne Mustapha Chelfi, rédacteur en chef d'Alfa, journal destiné à la communauté maghrébine.

Le taux de chômage des Maghrébins installés au Québec depuis moins de cinq ans frôle les 30%, quatre fois plus que la moyenne provinciale. Une situation difficile à expliquer, dit M. Chelfi, d'autant plus qu'une bonne proportion des arrivants nord-africains détient un diplôme universitaire.

«Il y a une injustice quelque part, et c'est cette injustice-là qui fait que les gens sont excédés et ne comprennent pas pourquoi on les a fait immigrer au Canada, lance-t-il. Car le Canada est demandeur d'immigration: ce ne sont pas des gens qui ont forcé la porte.»

Desjardins prône dans son étude une meilleure reconnaissance des diplômes et de l'expérience de travail des nouveaux arrivants.