L'acquisition de la firme de télévision et de cinéma Alliance Atlantis par CanWest Global et un géant financier new-yorkais, Goldman Sachs, pourrait défier comme jamais auparavant les normes canadiennes de contrôle des médias.

L'acquisition de la firme de télévision et de cinéma Alliance Atlantis par CanWest Global et un géant financier new-yorkais, Goldman Sachs, pourrait défier comme jamais auparavant les normes canadiennes de contrôle des médias.

Et ce, au moment où l'agence fédérale responsable, le CRTC, déjà mal-aimé du gouvernement Harper, attend la nomination d'un nouveau président et de deux des 13 membres de son conseil.

Telle est la lecture que font des analystes de la situation après l'annonce, mercredi dernier, d'une offre de 2,3 milliards de dollars pour Alliance Atlantis, de Toronto.

CanWest Global, déjà la plus grande entreprise de médias au Canada anglais, a concocté cette offre avec Goldman Sachs, un géant de Wall Street, qui sera le principal bailleur de fonds.

L'offre prévoit la prise de contrôle d'Alliance Atlantis par une nouvelle filiale de CanWest, où aboutiraient ses 13 chaînes de télé spécialisées.

En contrepartie, Goldman Sachs obtiendrait les actifs de production de télévision (série à succès CSI) et de distribution de films d'Alliance Atlantis.

Toutefois, l'aspect final de ce partenariat complexe et inusité demeure imprécis, de même que le contrôle effectif de la nouvelle société de télévision.

Pour réduire au minimum son investissement, et ne pas grossir sa dette déjà lourde, CanWest Global a convenu avec Goldman Sachs de transférer plus tard son réseau Global TV parmi les actifs de la société créée pour acheter Alliance Atlantis.

Ce transfert pourrait survenir d'ici quatre ans, à un prix qui dépendra des prochains résultats financiers de Global TV.

Entre-temps, Goldman Sachs, déjà un important investisseur dans le secteur des médias aux États-Unis, sera aussi le principal investisseur dans la nouvelle entreprise de télévision affiliée à CanWest Global.

Et c'est là, selon des analystes, que des problèmes de contrôle canadien pourraient émerger du point de vue du CRTC.

"CanWest Global est connue pour ses revendications de longue date auprès du fédéral pour qu'il assouplisse les restrictions de participation étrangère à la propriété des médias canadiens. Or, avec son offre pour Alliance Atlantis avec Goldman Sachs, tout indique que CanWest pourrait avoir trouvé un moyen de défier ces restrictions canadiennes, sinon de les contourner", a commenté Daniel Giroux, du Centre d'analyse des médias de l'Université Laval, à Québec.

Cette opinion rejoint celles émises ces derniers jours dans la presse d'affaires torontoise par des avocats spécialisés en médias et des universitaires canadien-anglais.

Pour l'essentiel, les normes administrées par le CRTC limitent à 20 % la part des actions à droit de vote d'une entreprise de médias qui peuvent être détenue pas des non-Canadiens. Cette limite est de 33 % dans le cas des sociétés de gestion (holding) qui détiennent divers médias.

Par ailleurs, outre les actions votantes, le CRTC examine le statut de "contrôle effectif" de la gestion d'une entreprise de médias. "C'est un critère plus difficile à cerner, qui découle de l'examen détaillé des ententes entre les actionnaires. Nous pouvons exiger des changements, comme ça c'est déjà fait", a indiqué Denis Carmel, porte-parole du CRTC.

Le «gestionnaire véritable»

Pour la société de télévision proposée par CanWest et Goldman Sachs, le président de CanWest, Leonard Asper, affirme depuis jeudi dernier que son groupe sera le «gestionnaire véritable» de la nouvelle entreprise.

Quant au statut de Goldman Sachs, bailleur de fonds essentiel, il aurait convenu avec CanWest d'un rôle d'investisseur passif, sans intervention dans la gestion de l'entreprise télévisuelle.

Selon M. Asper, cette situation demeurerait ainsi même en cas de prochains résultats mitigés chez Global TV, qui en réduirait la valeur de transfert futur dans l'entreprise détenue avec Goldman Sachs. Pareil scénario pourrait diluer davantage la part effective de CanWest face à Goldman Sachs, au capital de leur coentreprise.

Mais pour le moment, les détails de ce partenariat complexe demeurent enfouis dans les documents juridiques et financiers de Goldman Sachs et CanWest. " Cette offre (pour Alliance Atlantis) est pas mal plus confuse que tout ce à quoi on s'attendait à Bay Street ", a commenté Robert Bek, analyste en médias chez Marchés mondiaux CIBC, dans une note à ses clients.

Pour Carl Bayard, spécialiste en médias chez Valeurs Mobilières Desjardins, " nous devrons attendre plus de divulgation d'informations au cours des prochaines semaines. Pour l'instant, toute analyse financière demeure très préliminaire. "

Car en cas de feu vert du CRTC, on croit que ce partenariat inusité entre CanWest et Goldman Sachs pourrait inspirer d'autres entreprises de médias au Canada, qui souhaitent attirer des investisseurs étrangers.

Et pareil scénario, s'il s'avère, pourrait susciter des sursauts de leur valeur boursière.