Combien de banquiers auraient voulu être des artistes? En tout cas, plusieurs, comme Tom Bywater, ont la fibre musicale. L'ancien financier de Citigroup a longtemps été imprésario à ses heures.

Combien de banquiers auraient voulu être des artistes? En tout cas, plusieurs, comme Tom Bywater, ont la fibre musicale. L'ancien financier de Citigroup a longtemps été imprésario à ses heures.

Dans un élan d'inspiration, le Britannique a eu l'idée de Power Amp Music en 2005. Le fonds d'investissement lui est apparu comme le modèle idéal pour l'industrie musicale. «Remplacez les produits financiers par des artistes et le tour est joué», dit-il en entrevue.

Aujourd'hui, Tom Bywater et son équipe sont en pourparlers avec une dizaine d'artistes, dont quelques poids lourds de la musique pop.

Déjà, d'importants fonds spéculatifs («hedge funds») se pressent à leur porte, dont celui du célèbre investisseur Pierre Lagrange, le fondateur de GLG Partners, qui a encaissé 750 millions de dollars en 2007.

L'enthousiasme est si fort que la caisse de départ de Power Amp Music est passée de 10 à 100 millions de livres sterling (200 millions de dollars). «Je suis certain que nous pourrons démarrer à l'automne», dit le directeur du fonds. L'investissement minimum est fixé à 10 000£ (20 000$).

La relève

L'idée est séduisante. Le portefeuille comprendra une majorité d'artistes bien établis (les deux tiers) et des jeunes de la relève qui pourraient rapporter gros, question d'équilibrer les risques.

Les investisseurs et les artistes se partageront les revenus dans trois domaines. Tom Bywater explique:

«Pour la vente d'albums et les partenariats avec des marques, notre part oscillera entre 30% pour nos vedettes et 50% pour nos poulains. Pour les concerts et les produits dérivés (t-shirts, DVD, etc.), nous récolterons entre 10% et 40%. Enfin, nous toucherons 10% des droits d'auteur pour l'ensemble du portefeuille.»

En eau trouble

Power Amp Music arrive au bon moment. Les règles du jeu de l'industrie musicale subissent de grands changements. Bien sûr, les téléchargements illégaux plombent les ventes d'albums (elles ont baissé de 11% en Grande-Bretagne en 2007).

Beaucoup d'étiquettes de disque sont prises dans la tempête. Le numéro 3 mondial, EMI, a été racheté en mai 2007 par le fonds Terra Firma au moment où il annonçait une perte de 15% de son chiffre d'affaires.

Pendant ce temps, plusieurs artistes, comme Radiohead, tentent de reprendre les choses en main en diffusant eux-mêmes leur musique en ligne. Le chanteur Prince a signé une entente avec le Daily Mail l'année dernière pour que le tabloïd distribue gratuitement son nouvel album.

Power Amp Music propose donc une solution de rechange aux artistes las des maisons de disques.

À l'abri des fluctuations

Le fonds permet aussi aux investisseurs de se mettre à l'abri des fluctuations des marchés, selon l'expert Jean-Bernard Tanqueray.

«L'idée est astucieuse dans un contexte de crise économique», dit l'investisseur à La Presse Affaires.

L'aventure est tout de même risquée, rappelle le spécialiste Eamonn Forde. «Seulement 10% des nouveaux artistes rapportent de l'argent», explique l'éditeur de la publication musicale Five Eight.

Tom Bywater espère que le trio Mancini, qui enregistrera son premier album en septembre, en fera partie.

Or, le mode de vie des stars du rock est rarement un long fleuve tranquille. Qu'arrivera-t-il si un chanteur associé au fonds flirte avec les drogues dures et plonge dans une spirale autodestructrice?

«Ironiquement, ça pourrait aider les ventes d'albums. C'est ce qui est arrivé avec Amy Winehouse. Mais nous n'offrons aucune garantie à cet égard. De toute façon, les pertes causées par la mort d'un artiste seraient compensées par les profits de l'ensemble du portefeuille», assure avec confiance Tom Bywater.