Le prix du pétrole, dévastateur pour l'économie canadienne? Pas vraiment. Tout au plus, un ajustement raisonnable pour le budget des familles.

Le prix du pétrole, dévastateur pour l'économie canadienne? Pas vraiment. Tout au plus, un ajustement raisonnable pour le budget des familles.

Telle est l'étonnante conclusion d'une étude de Statistique Canada, parue hier. Les économistes Philip Cross et Ziad Ghanem ont mesuré l'impact de la multiplication par deux du prix du baril de pétrole depuis un an. Plus précisément, ils ont analysé l'effet de cette augmentation sur les coûts des entreprises et les prix à la consommation.

Résultat: la catastrophe appréhendée n'a pas lieu. Certes, la forte hausse du prix de l'essence augmente la composante «transport» du budget des ménages, comme on pouvait s'y attendre. Un baril de pétrole deux fois plus coûteux augmente globalement de 12,5% cette portion du budget des ménages.

«Mais à part ça, il n'y a pas d'aussi grands effets pour les consommateurs qu'on l'aurait pensé. J'ai été surpris, nous dit M. Cross, un des directeurs de l'analyse économique de Statistique Canada.

La deuxième composante budgétaire la plus affectée par le phénomène est l'alimentation. Un pétrole deux fois plus cher fait augmenter les prix des aliments de 2,4% durant l'année où se produit le choc. La hausse s'explique par le fait que la production alimentaire requiert de la machinerie agricole et des serres, par exemple, dont les coûts énergétiques augmentent avec le prix du pétrole.

Pour les autres composantes, la hausse annuelle des prix varie entre 1,2% (logement) et 1,6% (vêtement). Globalement, le modèle économique sophistiqué du duo Cross-Ghanem calcule une hausse annuelle de l'ensemble des prix à la consommation de 2,9% dans un univers où le prix du pétrole est doublé. Les Canadiens, faut-il dire, consacrent moins de 4% de leur budget à l'essence.

Évidemment, ce modèle élaboré ne peut tout prévoir. Par exemple, il ne mesure pas la flambée des prix des aliments importés que cause la forte demande internationale. Ou le changement de comportement des entreprises et des consommateurs devant la hausse du pétrole, qui pourraient très bien trouver des solutions de rechange pour diminuer leurs coûts.

Plus dur pour les entreprises

Cela dit, bien que l'impact ne soit que de 2,9% pour l'ensemble de l'économie canadienne, les effets d'une hausse des prix de l'essence demeurent difficiles pour certaines entreprises. C'est le cas du secteur manufacturier, où la hausse se traduit par des coûts plus élevés de 7,9% durant l'année de la hausse. Le secteur des pêcheries et du voyage écopent également, avec des hausses respectives de coûts de 7% et 4,7%.

L'industrie la plus durement frappée est le secteur minier, avec une hausse de coût de 40%. Néanmoins, cette augmentation peut souvent être refilée aux étrangers, en fonction de l'offre et de la demande, puisqu'une bonne partie de la production minière est exportée.

Ce n'est pas nécessairement le cas de toutes les entreprises, fait valoir Jean-Michel Laurin, vice-président de l'association Manufacturiers et Exportateurs du Canada. «La hausse des coûts est en partie refilé aux clients, mais pas toujours, en raison de la forte concurrence. Depuis quelques années, les hausses de coûts de nos membres sont de loin supérieures aux augmentations des prix», dit-il.

C'est ce qui explique que la hausse du prix du pétrole est LE sujet de préoccupation des entreprises, nous explique Corinne Pohlman, vice-présidente de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), un regroupement de PME.

Mme Pohlman fait remarquer que le choc est facile à absorber pour les entreprises de services, comme le secteur financier, mais plus douloureux pour les secteurs agricoles, du tourisme ou du transport. À défaut d'augmenter la productivité ou de réduire les coûts, il faut parfois diminuer les profits ou reporter l'embauche d'un employé, dit-elle.

En somme, à elle seule, la hausse du prix du pétrole ne fera pas couler l'économie canadienne, bien qu'elle requière des ajustements.