Ce matin-là, sur le parquet du NYMEX, la «corbeille» où se négocie le prix du pétrole était presque vide et plutôt silencieuse.

Ce matin-là, sur le parquet du NYMEX, la «corbeille» où se négocie le prix du pétrole était presque vide et plutôt silencieuse.

Quelques courtiers, debout ou assis, effectuaient leurs transactions à l'aide d'un écran électronique tenant dans le creux du bras, sans hausser le ton ou gesticuler.

Les fameux échanges à la criée, avec leurs voix fiévreuses et leurs gestes abscons, n'ont pas complètement disparu du New York Mercantile Exchange (NYMEX), première Bourse mondiale de l'énergie, située à l'intérieur du World Financial Center, au One North End Avenue.

Mais l'informatisation a transformé les échanges de la matière-vedette du NYMEX, le pétrole, ou plus précisément le baril de light sweet crude, une qualité de pétrole à faible teneur en soufre dont le prix augmente à un rythme qui affole la planète. Plus de 85% de ces transactions se font désormais par voie électronique, un changement commencé en 2006.

«Les enchères à la criée sont devenues quasiment obsolètes», déclare Raymond Carbone, un des 816 membres du NYMEX, une Bourse qui ne traitait à l'origine que le lait et les fromages.

Aujourd'hui, le NYMEX est une société cotée en Bourse qui n'intervient pas seulement sur l'énergie -pétrole, gaz naturel, mazout- mais également, depuis sa fusion le Comex en 1994, sur les métaux -or, argent, cuivre et aluminium.

Et, à l'ère des plateformes électroniques, rien ne s'échange plus vite ces jours-ci que les contrats à terme sur le pétrole au NYMEX.

«Avant, on négociait aussi vite qu'on pouvait écrire nos contrats sur le papier. Aujourd'hui, il suffit d'appuyer sur l'écran pour effectuer une transaction. Le volume des échanges a augmenté de façon exponentielle», dit Raymond Carbone, dont la maison de courtage, Paramount Options, occupe un "siège" au NYMEX depuis 1991.

Les données du NYMEX lui donnent raison. Au cours du mois de mai, la Bourse new-yorkaise a enregistré une moyenne quotidienne de 1,9 million de contrats négociés, une augmentation de 38% par rapport à la même époque l'année dernière. Des transactions à terme sur l'énergie, seulement 225 000 ont été effectuées à la criée.

Cette nouvelle réalité explique pourquoi la présence humaine sur le parquet du NYMEX est fluctuante. À certaines périodes de l'année ou du jour, plusieurs intervenants tiennent à être au coeur de l'action plutôt que de négocier de leur bureau du World Financial Center. Il y a des jours, cependant, où le marché est plus calme, comme c'était le cas récemment lors de la visite de La Presse.

Ce jour-là, le cours du pétrole brut s'était maintenu aux alentours de 137$US.

«Je n'ai pas eu l'occasion de tirer souvent sur la détente», a raconté Joe Marshall, courtier chez McNamara Options, vers la fin de la matinée. «Tout le monde attend la publication de l'état des stocks américains, qui aura lieu demain.»

Les courtiers du NYMEX dévorent toutes les informations susceptibles d'affecter le cours du pétrole -et les décisions de leurs clients. Cela peut aller des données concrètes comme l'état des stocks américains de brut et de distillats, aux dernières rumeurs faisant état d'un raid mené par Israël contre des installations nucléaires iraniennes, en passant par l'annonce faite par le Koweït, membre de l'OPEP, d'une hausse de production d'au moins 300 000 barils par jour dans le courant de 2009.

Mais c'est souvent l'instinct qui les pousse à vendre ou à acheter à un moment donné.

«Je ne sais pas si je peux expliquer ça, mais je le sens dans mes os quand c'est le temps de passer à l'action", dit Joe Marshall, qui a négocié de l'or avant de passer au pétrole brut. "Je dois dire que c'est intéressant ces jours-ci de travailler au NYMEX.»

De fait, quand ils parlent du cours du baril de pétrole, plusieurs courtiers ne cachent pas leur surprise, même s'ils contribuent à la hausse du prix et connaissent par coeur les facteurs de cette hausse. Ils ne sont pas encore revenus non plus de cette séance du 8 juin au cours de laquelle les cours du brut ont connu une hausse record de plus de 10$US.

«Tout le monde retenait son souffle sur le parquet, se souvient Anthony Grisanti, courtier chez GRZ Energy. La dernière fois que j'ai vécu une chose semblable, c'est le jour où le cours du baril a atteint 120$US. Je n'aurais jamais pensé que le prix doublerait en un an. Mais je sais que je ne suis pas au bout de mes surprises.»