Les déboires du marché des hypothèques à risque aux États-Unis ont dégénéré en une crise de liquidités mondiale.

Les déboires du marché des hypothèques à risque aux États-Unis ont dégénéré en une crise de liquidités mondiale.

Au Canada, l'impact s'est fait ressentir à l'endroit le plus surprenant: dans les fonds du marché monétaire. Ironiquement, ce sont les investisseurs les plus prudents qui investissent dans ces produits de placement très sûrs.

Pour protéger leur réputation, la Banque Nationale et le Mouvement Desjardins ont dû lancer hier une opération de sauvetage inusitée afin d'immuniser leur clientèle.

Q Qu'est-ce qu'un fonds du marché monétaire?

R Les fonds du marché monétaire sont des véhicules de placement très sûrs. Les investisseurs particuliers les utilisent pour «stationner» leurs épargnes en attendant d'investir à plus long terme.

Ces fonds investissent dans des bons du Trésor ou du papier commercial, c'est-à-dire des obligations à court terme (30 à 90 jours) émises par des entreprises solides.

Au Canada, les fonds du marché monétaire renferment 49 milliards de dollars, soit 7% de l'actif total des fonds communs de placement qui s'élève à 703 milliards, selon l'Institut des fonds d'investissement du Canada (IFIC).

Q En quoi est-ce différent d'un compte en banque?

R Les fonds du marché monétaire sont considérés comme une solution de rechange intéressante aux traditionnels comptes bancaires. Ils sont légèrement plus payants: sur un an, ils ont versé en moyenne 3,3% d'intérêt, malgré leurs frais de gestion relativement élevés (1,1%).

Mais contrairement aux comptes en banque, les fonds du marché monétaire ne sont pas couverts par la Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC) qui assure les épargnes des Canadiens en cas de faillite d'une banque. En effet, les comptes chèques, les comptes d'épargne et les certificats de placement garanti sont garantis.

Mais ce n'est pas le cas des fonds communs de placement. Qu'à cela ne tienne. Jusqu'à maintenant, les investisseurs étaient convaincus qu'ils ne pouvaient pas perdre d'argent dans un fonds du marché monétaire, dont le prix de l'unité reste invariablement fixé à 10$.

Q Comment les fonds de marché monétaire se sont-ils retrouvés à risque?

R Avec l'assainissement des finances publiques, le Canada est moins endetté. Le gouvernement emprunte de moins en moins, ce qui rend les bons du Trésor plus rares.

Pour garnir leurs portefeuilles, certains gestionnaires de fonds du marché monétaire se sont tournés vers un produit similaire: le papier commercial adossé à des actifs (PCAA). Ces titres jouissaient d'une cote de crédit AAA, et rapportaient un rendement légèrement supérieur (0,05% à 0,1% de plus).

Q Qu'est-ce que du papier commercial adossé à des actifs?

R Ce sont des produits structurés à l'aide de la titrisation. L'opération consiste d'abord à acheter les actifs de différents prêteurs (hypothèques, prêts-bail auto, créances sur cartes de crédit, etc.) pour les regrouper dans une fiducie.

Pour financer l'achat de ce portefeuille d'actifs, on émet ensuite du papier commercial, soit des titres de dettes à court terme (30 à 90 jours). Lorsqu'une émission arrive à échéance, d'autres investisseurs réinvestissent. Ainsi, la roue tourne. Sauf s'il n'y a plus de demande

Q Qu'est-ce qui a déclenché la crise?

R L'explosion des défauts de paiements sur les hypothèques à risque (subprime) aux États-Unis a asséché la demande pour le papier commercial adossé à des actifs qui en contiennent (même s'il est difficile de savoir jusque dans quelles proportions).

Faute de nouveaux investisseurs, la firme torontoise Coventree a annoncé la semaine dernière qu'elle n'était plus en mesure de racheter les émissions arrivant à échéance, forçant les détenteurs à les conserver. Il est important de souligner que ce n'est pas le défaut de paiement sur les créances des PCAA qui a fait craquer le marché, mais plutôt le manque de liquidité.

Q Qui structure le marché du papier commercial?

R Au Canada, le marché du papier commercial adossé à des actifs s'élève à environ 120 milliards. On estime que les deux tiers de ces produits ont été structurés par les grandes banques. Leurs produits n'ont pas été victimes de la crise de liquidité.

Ce sont les PCAA émis par des promoteurs indépendants qui ont été coincés. Coventree est le chef de file, avec environ 16 milliards d'actifs. La Caisse de dépôt et de placement du Québec a déjà été le plus important actionnaire de Coventree. Mais elle refuse de confirmer si elle détient toujours des actions.

Parmi les autres promoteurs indépendants de PCAA, on retrouve Newshore Capital, ainsi que la firme montréalaise Quanto (Metcalfe & Mansfield Capital Corporation) dont les principaux actionnaires sont la Banque Nationale, Deutsche Bank Financial et la firme montréalaise Redfern Equity Capital Partners.

Q En quoi consiste l'entente parrainée par la Caisse?

R La semaine dernière, la Caisse de dépôt et placement du Québec a lancé une autre intervention visant à rétablir le bon fonctionnement des marchés financiers.

Avec neuf autres intervenants du marché financier, la Caisse a signé une entente de principe en vue de restructurer le marché du papier commercial adossé à des actifs émis par des promoteurs indépendants. La Banque Nationale et le Mouvement Desjardins étaient du nombre.

D'autres banques canadiennes étaient présentes à la rencontre, a indiqué hier Louis Vachon, président de la Banque Nationale. Elles n'ont pas signé l'entente, mais elles ont assuré qu'elle participeraient à la mise en place d'une solution.

L'idée maîtresse est de transformer ce papier commercial en obligations à plus long terme, de manière à faire coïncider les échéances avec celles des créances des actifs sous-jacents. C'est Pierre Laporte, d'Ernst & Young, qui supervise le processus de restructuration.