Le procès pour fraude de l'ex-patron de presse canadien Conrad Black en est à sa dernière étape, avant que les jurés commencent leurs délibérations pour parvenir à un verdict.

Le procès pour fraude de l'ex-patron de presse canadien Conrad Black en est à sa dernière étape, avant que les jurés commencent leurs délibérations pour parvenir à un verdict.

Au palais de justice de Chicago, ce matin, les avocats de part et d'autre entament leurs exposés finaux devant la juge fédérale Amy St. Eve et les jurés.

Le procès de M. Black et de trois coaccusés, tous d'anciens hauts dirigeants du groupe de presse déchu Hollinger, dure depuis trois mois.

Ils sont accusés d'avoir détourné au moins 60 M$ US de la filiale principale de Hollinger, qui était basée à Chicago, lors des reventes de journaux pour une valeur de trois milliards, de 1998 à 2001.

Conrad Black est aussi accusé d'obstruction de justice pour avoir déplacé des documents financiers et légaux de Hollinger, malgré un interdit de la cour.

S'il est reconnu coupable, M. Black serait passible de plusieurs années de prison et de très lourdes amendes.

Son ex-associé de longue date, David Radler, a déjà plaidé coupable. Il a même collaboré à l'enquête des autorités américaines et comparu comme leur témoin principal en cour, en échange d'une peine de prison réduite.

Mais après 50 jours d'audience, on s'attend dans le milieu judiciaire à Chicago à ce que les exposés finaux des avocats soient terminés rapidement.

«Ils ont tout intérêt à être succincts et à aller droit au but car les jurés frôlent le trop-plein d'arguments financiers, fiscaux et juridiques entourant ces accusations», a commenté Hugh Totten, avocat spécialisé en plaidoirie de causes d'affaires à Chicago.

Il a suivi le procès de Conrad Black et ses coaccusés.

Après les arguments finaux des avocats, ce sera au tour de la juge St.Eve, de la Cour fédérale du District nord de l'Illinois, de livrer ses directives aux jurés, avant leurs délibérations.

À moins d'un retard, cette étape décisive pourrait débuter dans une semaine. Et sauf embûche parmi les jurés, leurs verdicts contre M. Black et ses coaccusés pourraient survenir juste avant les fêtes nationales du Canada et des États-Unis, les 1er et 4 juillets.

Arguments finaux

Entre-temps, les spéculations abondent sur la teneur des arguments finaux des avocats et, surtout, sur le sort de Conrad Black et ses coaccusés.

D'autant que la juge St.Eve a rendu jeudi dernier une décision qui, de l'avis d'experts, pourrait peser lourd en défaveur des accusés.

Elle a décidé d'inclure dans son avis aux jurés ce que les avocats surnomment la «directive de l'autruche», à l'image du gros oiseau qui se cache la tête dans le sable pour ignorer une situation périlleuse.

En d'autres termes, même si les jurés doutaient de la teneur criminelle des actes reprochés à M. Black et ses coaccusés, ils pourraient néanmoins les déclarer coupables pour avoir délibérément omis de corriger une situation qu'ils savaient douteuse, sinon illégale.

«Que la juge St.Eve ait décidé d'inclure la directive de l'autruche dans ses prochaines instructions aux jurés est un élément très négatif pour les avocats de la défense, et de Conrad Black en particulier», selon l'avocat Hugh Totten.

«Ça ouvre la porte à un verdict de culpabilité qui reposerait sur la négligence délibérée des accusés pour empêcher les actes reprochés, plutôt que sur les éléments centraux des accusations.

Dans ce cas-ci, peu importe que M. Black et ses adjoints aient manigancé ou non pour frauder Hollinger et ses actionnaires. Chose certaine, ils étaient au courant des transactions douteuses et des millions qu'elles amenaient dans leurs comptes personnels, mais ils n'ont rien fait pour corriger la situation.»

Selon M. Totten, un tel scénario judiciaire ressemblerait à celui qui a mené à la condamnation des ex-dirigeants de l'entreprise d'énergie Enron, qui s'est écroulée après une énorme fraude comptable.

«Ils ont été condamnés surtout parce qu'ils n'ont rien fait pour corriger une situation qu'ils connaissaient, même si la justice n'a pu établir hors de tout doute qu'ils avaient orchestré la fraude», a rappelé l'avocat de Chicago.