"Non merci, l'offre tombe à un mauvais moment pour moi. "

"Non merci, l'offre tombe à un mauvais moment pour moi. "

" Je ne peux pas accepter, j'ai des obligations familiales à respecter. "

À leur grand étonnement, les patrons du Québec sont de plus en plus nombreux à se faire répondre ainsi quand ils offrent une promotion à un employé.

Alors que les baby-boomers acceptaient avec empressement tout avancement professionnel, les jeunes sont maintenant beaucoup plus sélectifs. Ils donnent la priorité à leur qualité de vie au détriment de leur carrière, à un point tel que plusieurs refuse d'accéder à de plus hautes fonctions.

"Les employés d'aujourd'hui veulent avoir un bel équilibre entre leur travail et leur famille. Certains vont même jusqu'à accepter des baisses de salaire pour avoir une meilleure qualité de vie", dit Sylvie Leroux, qui a été directrice des ressources humaines pendant 24 ans dans différentes compagnies et qui dirige maintenant son cabinet-conseil en développement organisationnel.

Pour avoir plus de temps à consacrer à leur famille, les travailleurs privilégient les emplois situés non loin de leur domicile.

"Les gens ne veulent plus se taper le trafic. Même si on leur offre un poste très alléchant, certains vont le refuser s'ils ont à traverser un pont!" dit Michèle Perryman, conseillère en recherche de cadres.

Selon elle, cette situation est en constante progression depuis cinq ans. "Si le salaire est vraiment intéressant, certains vont déménager près de leur nouveau lieu de travail. Mais c'est rare", ajoute-t-elle.

Ces refus, quoique bénéfiques pour la qualité de vie des travailleurs, ne risquent-ils pas de mettre en danger leur carrière? Pas du tout, croit Sylvie Leroux. Selon elle, les patrons sont rarement fâchés d'apprendre qu'un employé ne veut pas être promu. "C'est que si la personne accepte de le faire contre son gré, elle ne rendra pas service à l'entreprise. Avoir quelqu'un de malheureux dans une équipe nuit au rendement de la compagnie et la plupart des présidents le savent", explique-t-elle.

Preuve que les directions tolèrent plutôt bien cette situation, les employés qui rejettent un avancement sont rarement congédiés pour cette raison. Ils s'exposent toutefois à être boudés quelque temps par leurs supérieurs. "C'est que même si les patrons ne sont pas fâchés, ils sont souvent énormément déçus, dit Nicole Fauré, qui dirige l'entreprise Fauré Gestion Conseil. Même si l'employé a les meilleures raisons du monde de ne pas accepter, les patrons regrettent d'avoir cru en cette personne et d'avoir investi dans sa formation, pour rien."

Les employés qui refusent une promotion ont d'ailleurs tout avantage à justifier leur choix, sous peine d'être mal vus par leurs employeurs. Sylvie Leroux garde en mémoire le cas d'un employé qui ne voulait pas être augmenté, par crainte de devoir travailler plus. "Il se contentait de ce qu'il avait, ce qui n'est pas mal en soit. Son refus a toutefois été bizarrement perçu dans l'entreprise. Il a été vu comme quelqu'un qui manquait d'ambition", se rappelle-t-elle. Cet étiquette de "paresseux" peut facilement être collé à un travailleur qui refuse un avancement sans s'expliquer, croit-elle.

Par ailleurs, les dirigeants d'entreprise remarquent qu'il est de plus en plus difficile de prévoir leur succession, car les employés sont de moins en moins fidèles. "Les jeunes se savent talentueux. S'ils s'ennuient, ils partent et savent qu'ils pourront se placer ailleurs", témoigne Rachel Houde, directrice des ressources humaines à l'agence de publicité Palm Arnold Communication.

Selon elle, les entreprises devront dorénavant motiver leur personnel et offrir des promotions qui tiennent compte de la qualité de vie des employés, comme la semaine de quatre jours. "Les patrons devront faire jouer leur imagination. Ils devront s'ajuster aux exigences de leurs employés tout en ne nuisant pas à la productivité de leur compagnie, avertit Mme Houde. Car qu'on se le tienne pour dit, les promotions traditionnelles sont définitivement moins alléchantes qu'avant."