Stephen Harper et son homologue chinois Hu Jintao ne donnent pas l'impression de s'entendre comme larrons en foire. Et ce sont les grandes entreprises, davantage que les PME, qui risquent d'en souffrir en cas de refroidissement des relations.

Stephen Harper et son homologue chinois Hu Jintao ne donnent pas l'impression de s'entendre comme larrons en foire. Et ce sont les grandes entreprises, davantage que les PME, qui risquent d'en souffrir en cas de refroidissement des relations.

C'est en tout cas l'opinion de Mathieu Ouellet, vice-président de Taktik-China, filiale de la firme Secor qui aide les entreprises d'ici à faire face à la Chine.

L'analyse fait suite aux critiques qu'essuie actuellement le gouvernement Harper pour son attitude envers la Chine. Après avoir dénoncé le bilan du gouvernement chinois en matière de droits de l'homme, M. Harper s'est vu refuser un face-à-face avec le président Hu Jintao... pour finalement le rencontrer durant 15 petites minutes samedi soir lors du sommet de l'APEC.

Les gens d'affaires ont dit craindre qu'une dégradation des relations entre la Chine et le Canada n'affecte le commerce entre les deux pays. Et pour M. Ouellet, ce sont les grandes entreprises qui auraient le plus à perdre d'une telle situation.

Il explique que, pour un petit entrepreneur canadien, la façon traditionnelle de faire des affaires en Chine est de s'associer à un partenaire chinois pour former une coentreprise. "Et ce n'est pas l'entrepreneur chinois dans le Guangdong qui va commencer à questionner l'entrepreneur de Saint-Georges de Beauce sur les politiques de son gouvernement", dit-il.

"On n'a pas de grandes craintes à ce sujet", confirme Jonathan Cyr, directeur de projet chez Hydronov, petite entreprise de Mirabel qui vend des équipements de serres hydroponiques aux Chinois.

Malaise chez les grands

Selon M. Ouellet, cependant, les géants comme Alcan et Bombardier sont probablement plus nerveux en voyant M. Harper faire la leçon au deuxième partenaire commercial du Canada après les États-Unis. "Ça devient beaucoup plus politisé pour les entreprises de grande envergure. Elles ont besoin de beaucoup de contacts politiques pour rafler les contrats."

Signe de malaise? En tout cas, toutes les grandes entreprises canadiennes qui font des affaires en Chine contactées hier par La Presse Affaires ont refusé de commenter l'attitude du gouvernement Harper, de la Banque de Montréal au CN en passant par SNC-Lavalin.

"Si vous êtes une entreprise qui fait beaucoup d'affaires avec la Chine et que vous comptez sur le gouvernement pour certains dossiers, je comprends que vous soyez circonspect, et vous vous devez de l'être", justifie Françoise Bertrand, présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). C'est avec circonspection qu'elle-même se risque à critiquer l'attitude du gouvernement Harper. "On peut toujours faire plus et mieux", dit-elle prudemment.

Une réserve qui tranche avec les propos de la grande soeur fédérale de la FCCQ, la Chambre de commerce du Canada. L'organisme n'a toujours pas digéré la façon dont M. Harper a abordé la question des droits de l'homme avec le président chinois. "Cet enjeu est important, mais c'est une question d'équilibre dans le message, de ton aussi", dit Nancy Hughes Anthony, présidente et chef de la direction de l'organisation.

"On a vraiment l'impression que le Canada est en retard face à nos relations avec la Chine. Il faut donner au gouvernement chinois une indication claire que le Canada est là et qu'il est ouvert à faire plus. Et il faut que ce signe vienne de nos politiciens", continue Mme Hughes Anthony, soulignant que des questions comme la protection des investissements canadiens en Chine ou les ententes touristiques entre les deux pays sont "en suspend depuis trop longtemps".

Si les leçons de M. Harper sur les droits de l'homme irritent les gens d'affaires, certains experts y voient cependant des avancées d'un point de vue éthique. "M. Harper doit d'abord protéger ses citoyens et l'un d'eux est en prison, souligne Roderick-James MacDonald, professeur à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM et spécialiste en éthique des affaires, faisant allusion au Sino-Canadien Huseyin Celil, emprisonné à Pékin. La vie des citoyens vient avant la richesse."