Vos jeunes collègues en sont peut-être à leur premier vrai emploi, mais ils savent très bien quel type de rétroaction ils espèrent : opportune, collaborative, empathique et équilibrée.

Si vous leur parlez juste quand ils ont fait une erreur, si vous attendez des semaines avant de leur en parler et si vous les corrigez sans discuter, ils risquent de partir vers un emploi plus proche de leurs attentes.

Les gens de la génération Z, nés entre 1997 et 2012, bousculent les normes de vie au travail, et cela inclut la façon de leur parler. Selon les experts en main-d’œuvre multigénérationnelle, il peut y avoir un choc culturel quand les travailleurs qui se sont débrouillés sans grande attention en début de carrière corrigent les jeunes sur leur travail : sans le vouloir, ils peuvent les décourager ou se les aliéner.

La proportion des Z dans la main-d’œuvre augmente et devrait dépasser les 32 % d’ici 2032, selon les statistiques du gouvernement américain. Et ils demandent aux employeurs de les écouter.

Insatisfaits

Le sondeur Gallup leur a demandé s’ils se sentent appréciés au travail, s’ils peuvent apprendre et se développer, s’ils peuvent discuter de leurs progrès avec leurs supérieurs et si leur opinion compte : cette génération est la plus insatisfaite à ces chapitres. Or, souvent, les travailleurs insatisfaits s’en vont.

« Plutôt que de me dire : “Hé, ça, c’est mal fait”, dites-moi plutôt : “J’aimerais avoir une conversation sur ton processus de réflexion et sur ce que tu as mal fait” », explique Yatri Patel.

« Aidez-moi à comprendre », dit cette ingénieure en logiciel de 24 ans à la Tennessee Valley Authority, l’agence de l’énergie où elle a obtenu son premier emploi à temps plein.

Les Z sont la première génération internet dès l’enfance : ils sont habitués à avoir un accès instantané à l’information, notent les experts. S’ils ne comprennent pas ou ne savent pas quelque chose, ils cherchent la réponse en ligne. Ils transposent ces attentes au travail, où l’information n’est pas aussi facile d’accès, explique Megan Gerhardt, professeure à l’Université de Miami.

Google, Siri et Alexa leur ont donné des réponses à toutes leurs questions. Au travail, l’information sur le pourquoi et le comment des choses est moins claire et pas toujours accessible ni instantanée.

Megan Gerhardt, professeure à l’Université de Miami

À ce sujet, les Z s’attendent à ce que la rétroaction soit immédiate. Même quand ils regardent la télé, ils ont l’habitude de l’accès à la demande, tout de suite, explique Jake Aguas, expert générationnel et professeur de ressources humaines à l’Université Biola : « Les générations précédentes n’ont pas grandi avec la diffusion en continu. Il fallait attendre l’heure de diffusion, ça faisait partie du processus. »

Mme Patel sait qu’il faut de la rétroaction pour faire du bon travail. Mais si elle ne vient pas de la bonne façon, la critique peut nuire.

Des exemples ? Des gestionnaires qui attendent trop avant de la critiquer, empêchant ainsi l’amélioration rapide de sa performance. Ou qui ne font que critiquer ce qu’elle fait mal sans expliquer comment mieux faire. Ou qui lui refusent la possibilité de s’expliquer ou de participer à la recherche de solutions.

Des patrons empathiques

Les Z interviewés par le Washington Post disent ne pas considérer le travail comme leurs aînés, qui – selon eux – ont sacrifié temps, bien-être et vie familiale à des emplois qui, souvent, ne les valorisaient pas en tant que personnes. Ils veulent être eux-mêmes au travail, sentir que leur voix compte et sentir que leurs supérieurs sont empathiques et investis dans des relations avec eux. Ils veulent aussi qu’on leur explique pourquoi les choses sont faites de telle ou telle manière.

« Chaque interaction est importante », déclare Sarah Warren, 26 ans, directrice et cofondatrice d’un OBNL en santé mentale pour les travailleurs de la santé établie à Los Angeles. « Vous avez affaire à des êtres humains. La vulnérabilité et la compassion peuvent prévenir l’épuisement professionnel. »

Mme Warren, qui a été infirmière, raconte avoir déjà eu une supérieure qui la prenait constamment à part pour la critiquer, qui était parfois condescendante, la comparant à sa fille et lui disant qu’elle s’habillait trop serré. Cela la rendait malheureuse.

Elle aurait préféré pouvoir discuter des façons de faire autrement plutôt qu’on lui fasse honte de ses erreurs, dit-elle.

Le contexte est essentiel : une critique brève, sans explication, peut être source d’anxiété, disent les membres de la génération Z. Les jeunes travailleurs peuvent faire toutes sortes de déductions erronées et douter d’eux-mêmes, alors que leurs supérieurs ne pensaient rien de tel.

Shad Brown, coordinateur de la sécurité chez 3M, dit qu’il devient nerveux quand il voit apparaître des réunions inattendues ou des courriels courts et vagues de ses patrons.

Dès que je reçois un texto qui dit : “Il faut que je te parle”, je me dis tout de suite : “Oh non, c’est grave ?”. » Ça me cause de l’anxiété, et ma tension artérielle grimpe.

Shad Brown, coordinateur de la sécurité chez 3M

Se faire critiquer sévèrement le vendredi en fin de journée serait un cauchemar, car il y penserait tout le week-end et aurait du mal à dormir, dit Shad Brown, selon qui le tact est primordial dans une critique. Elle doit viser le problème, pas la personne.

Les jeunes veulent aussi avoir leur mot à dire dans la résolution des problèmes, pas seulement se faire dire quoi faire.

Cette approche aide Angel Davis, une New-Yorkaise de 22 ans, à répéter les erreurs. Selon cette assistante en médias sociaux pour l’entreprise de technologie éducative Quizlet, une des pires choses qu’un patron puisse faire est de critiquer une action, puis de régler le problème sans en parler : « Ce serait déroutant et démotivant. Si vous refaites mon travail, pourquoi l’ai-je fait ? Et si vous ne pouvez pas m’expliquer, je ne comprendrai jamais tout à fait. »

Connaître la personnalité et le point de vue de leur supérieur et sentir qu’il s’intéresse à eux personnellement les aide à cerner l’objet de ses critiques, disent les jeunes. Des contacts réguliers, même sans lien avec le travail, et des questions sur leur ressenti aident à construire la relation.

Joel Velez, 24 ans, spécialiste du marketing numérique, près de Milwaukee, dit apprécier que les gestionnaires aient une approche conseiller, créant ainsi une culture d’ouverture et d’empathie. Même une phrase aussi simple que « N’hésitez pas à poser des questions » aide à calmer son anxiété, a déclaré Joel Velez. « C’est un bon moyen de rappeler qu’on est dans un environnement d’apprentissage. »

Les jeunes travailleurs affirment que les générations plus âgées ont tort de les qualifier de paresseux ou de mous. Ils demandent juste qu’on ramène de l’humanité au travail. Selon Megan Gerhardt, l’experte en main-d’œuvre générationnelle, tous les responsables devraient se poser la question suivante : quel est mon objectif en critiquant ? Et mon approche fonctionne-t-elle ?

Les entreprises ne sont pas obligées de changer. Mais les jeunes travailleurs choisiront les environnements où ils se sentent à l’aise, disent les experts.

Ce texte a été publié dans le Washington Post.

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