Le printemps hâtif ramène la saison des annonces de piscines et Option consommateurs vient de rappeler à deux grands fabricants des dispositions de la loi qui ont été confirmées par des décisions judiciaires, dont la plus récente en 2022.

Dans des mises en demeure envoyées le 3 avril à Piscines Trévi et Club Piscine Plus, l’organisme de défense du consommateur reprochait aux deux entreprises d’avoir diffusé à la télévision et sur leurs sites internet des réclames mettant de l’avant des plans de financement en même temps que des produits offerts. Option consommateurs (OC) y dénonçait ces publicités « non conforme[s] à la Loi sur la protection des consommateurs », menaçait de poursuivre les deux entreprises et leur donnait 48 heures pour cesser de diffuser ces publicités.

Club Piscine, de Bois-des-Filion, l’a fait la semaine dernière et Trévi, de Mirabel, l’a fait mardi, a indiqué à La Presse MSylvie de Bellefeuille, l’avocate d’OC. L’organisme aurait eu comme recours éventuels une plainte à l’Office de la protection du consommateur ou une action collective, comme il l’a déjà fait avec succès dans le passé dans un autre secteur du commerce de détail, a indiqué l’avocate.

Il est parfaitement légitime pour les entreprises d’attirer des clients en annonçant des produits et leurs prix, et les entreprises ont aussi le droit de rivaliser au chapitre du financement, a indiqué Me de Bellefeuille. « Mais la Loi sur la protection du consommateur interdit toute publicité portant à la fois sur un bien ou service et sur les modalités du crédit offert, sauf par exemple avec des mentions comme “crédit offert” », ajoute-t-elle.

Cela donne au commerçant toute la latitude d’expliquer au client de vive voix, documents à l’appui, les termes du financement offert.

La réclame de Trévi, encore visible sur son site internet lundi jusqu’en fin d’après-midi, décrivait des éléments de ses plans de financement. Celui de Club Piscine se bornait déjà à indiquer la mention « financement disponible », ce que Trévi a fait aussi dès mardi.

Dans ses mises en demeure à Trévi et à Club Piscine, Option consommateurs leur reprochait d’avoir annoncé des éléments comme un taux de financement, des versements sur une période donnée sans intérêt ou une période sans paiement ni intérêt, ainsi qu’une offre « achetez maintenant, payez plus tard » pour certains produits.

Chez Trévi, le PDG Clément Hudon a dit prendre acte de la mise au point d’OC et a assuré de la volonté de l’entreprise de toujours se conformer à toutes les lois. « Cela étant, je vous avoue que je suis un peu surpris parce qu’on a annoncé “payez plus tard, sans intérêts”, l’année dernière […] durant nos gros mois, du 15 avril à la Saint-Jean-Baptiste, comme on l’a souvent fait dans le passé. Je pense que c’est ce que le client veut. » Cette approche publicitaire et commerciale était une stratégie de longue date chez Trévi, sauf « durant la pandémie, en 2021 et 2022 : on avait trop de clients », ajoute-t-il.

« Bon, alors là, ils appellent et disent : “Tu n’as pas le droit de faire ça.” D’accord, on n’est pas délinquants, on va trouver autre chose. J’imagine qu’il y a eu des changements dans les règlements. »

Jurisprudence dans le secteur du meuble

En fait, c’est plutôt que les dispositions de la LPC ont été testées ces dernières années devant les tribunaux et que la jurisprudence s’est clarifiée avec des jugements entre 2017 et 2022 dans des causes portant sur d’autres secteurs. De surcroît, sans doute Option consommateurs était-il très occupé par ces dossiers.

Depuis une dizaine d’années, Option consommateurs a poursuivi plusieurs détaillants de meubles pour des annonces du même type, notamment la chaîne Meubles Léon, obtenant gain de cause dans une poursuite en recours collectif en Cour supérieure en 2017, puis en Cour d’appel du Québec en 2020, la Cour suprême refusant plus tard d’entendre le pourvoi de Léon.

Un second recours collectif autorisé contre quatre détaillants de meubles s’est terminé par un règlement à l’amiable sanctionné par la Cour supérieure en 2022, à la satisfaction d’Option consommateurs, a indiqué Me de Bellefeuille.

Si la loi interdit ce genre de publicité pour des biens essentiels comme un frigo, il me semble que la loi devrait aussi être respectée pour des biens comme des piscines, certainement agréables, mais certainement pas essentiels.

MSylvie de Bellefeuille, avocate d’Option consommateurs

Selon l’avocate d’Option consommateurs, l’organisme avait fait une sortie publique en 2012 au sujet de publicités diffusées par Club Piscine, et le détaillant avait à l’époque retiré ses publicités.

Le PDG de Club Piscine, Marc Gentile, en déplacement en Chine, a indiqué par courriel jeudi que l’entreprise avait retiré ses publicités à la suite de l’intervention d’OC la semaine dernière pour s’assurer qu’elles soient conformes à la loi.

Loi très protectrice

La loi québécoise est très protectrice pour les consommateurs à ce sujet, explique Me de Bellefeuille : « De telles annonces peuvent inciter les consommateurs à magasiner un produit en fonction des modalités de crédit plutôt qu’à comparer les produits. Le législateur a jugé que cela posait un risque d’endettement, particulièrement pour une clientèle vulnérable. »

Sans remettre en question la loi, M. Hudon a noté que la fabrication, la vente, l’installation et l’entretien des piscines sont un secteur où les entreprises sont prudentes dans l’acceptation du crédit : « Chez Trévi, notre taux de défaut de paiement – et je parle seulement de retards – tourne autour de 0,25 % ou 0,3 %, bon an, mal an. C’est très bas. »

« C’est dans l’intérêt de l’entreprise d’être prudente avec le crédit. Nous avons un département d’approbation du crédit qui occupe huit personnes, avec diverses mesures, dont l’enquête de crédit, bien entendu, qui détermine si un client [satisfait aux critères]. Et après ça, ça s’en va à la banque, qui fait le prêt, qui a aussi ses vérifications », dit-il en soulignant que l’ampleur de l’investissement et la clientèle – des propriétaires de maisons – font que la dynamique d’achat d’une piscine diffère de celle de l’achat de biens de consommation comme des meubles.

Pour en savoir plus

Les publicités portant à la fois sur des produits et sur les modalités de financement ne sont pas toutes interdites. On en trouve beaucoup dans le secteur automobile.

En location-bail et dans l’offre de crédit, la LPC et ses règlements d’application sur les locations à long terme obligent les annonceurs à publier certains détails précis.

Ainsi, en location-bail, « dès qu’une publicité comprend l’une des mentions suivantes, elle doit toutes les comprendre : le montant exigé avant le début de la période de location, en tout ou en partie ; le nombre et la durée des périodes de paiement ; le montant des versements périodiques ; la limite au degré d’utilisation du bien ainsi que le coût pour une utilisation excédentaire, s’il y a lieu ».

En offre de crédit, dès qu’une publicité comporte les modalités d’un contrat assorti d’un crédit qui présente l’une des mentions suivantes, elle doit toutes les comprendre : un exemple de montant pour lequel un crédit peut être consenti ; le versement comptant exigé ou l’absence de versement comptant ; une composante des frais de crédit ; le total des frais de crédit ; le nombre et la durée des périodes de paiement ; le montant de chaque paiement différé ; l’obligation totale du consommateur ; un tableau d’exemples des frais de crédit à payer.