Investissement Québec (IQ) a contrevenu à ses propres règles l’an dernier au moment d’attribuer un contrat de 2,6 millions pour des services en technologies de l’information à trois firmes, tranche l’Autorité des marchés publics (AMP). Le bras financier de l’État québécois devra maintenant rendre des comptes au chien de garde de la gestion des contrats.

De plus, l’une des trois entreprises en question, Dempton Solutions Technologiques, avait été en mesure d’obtenir une entente de 1,05 million avant taxes alors qu’elle n’avait toujours pas obtenu l’autorisation de faire affaire avec l’État au moment du dépôt de sa soumission, révèle l’AMP.

« Par ailleurs, IQ a commis un manquement au cadre normatif en octroyant le contrat à plus d’un prestataire de services, contrairement à ce que prévoit sa politique », ajoute le gendarme des contrats publics, dans sa décision rendue vendredi.

L’affaire concerne un appel d’offres diffusé en mars 2023 – lorsque l’ancien président-directeur général Guy LeBlanc était en poste – pour des services professionnels spécialisés en technologies de l’information (TI).

Au terme du processus, qui s’est conclu deux mois plus tard, trois firmes se sont partagé l’entente. Il s’agit de Dempton Solutions Technologiques, de Delan (1,07 million) et de Momentum Technologies (493 200 $). Ces entreprises ne sont pas identifiées par l’AMP, mais leur nom apparaît dans l’appel d’offres, un document public.

Deux tapes sur les doigts

Dempton a fini par obtenir toutes les approbations nécessaires, soit en septembre 2023. Cela ne respecte toutefois pas les règles en place, souligne l’AMP. L’instance souligne, dans sa décision, que les représentants d’IQ « ignoraient » que cette firme devait avoir obtenu le droit de soumissionner à des contrats publics « au moment du dépôt des soumissions ». La société d’État était au courant que Dempton ne disposait pas de cette autorisation au moment de l’appel d’offres.

L’autre manquement concerne la politique interne d’IQ en matière d’attribution de contrats. Pour attribuer le contrat scruté à la loupe par l’AMP, la société d’État a opté pour le mécanisme de la « meilleure offre finale ». Le chien de garde des contrats publics estime que cette façon de faire donne le droit à la société d’État de négocier avec plusieurs entreprises à la fois. Il ne peut y avoir qu’un seul gagnant.

« L’AMP est d’avis que les dispositions de la politique et de la directive soumise par IQ dans le cadre de l’examen ne lui permettent pas d’adjuger le contrat à plus d’un prestataire de services lorsqu’il procède à un processus d’acquisition comprenant une évaluation de la qualité selon le rapport qualité/prix, comme en l’espèce », souligne la décision.

Comptes à rendre

IQ dispose maintenant de 45 jours pour expliquer à l’Autorité comment elle entend corriger le tir. La société d’État devra tenir compte des quatre recommandations formulées par le gendarme des contrats publics. Par courriel, la société d’État a dit avoir voulu agir « de bonne foi » en vue de « favoriser la concurrence » entre les fournisseurs.

« L’AMP recommande à IQ d’inclure les dispositions nous permettant d’octroyer un contrat à plus d’un prestataire de service dans sa [politique], ce que nous nous engageons à faire dans les délais prescrits », écrit la porte-parole de la société d’État, Isabelle Fontaine.

Selon le professeur agrégé à l’École nationale d’administration publique Nicholas Jobidon, qui se spécialise entre autres dans les questions des marchés publics et des appels d’offres, les constats de l’Autorité témoignent des complexités qui entourent l’attribution de contrats.

« C’est très technique, souligne l’expert. Il arrive que les gestionnaires de contrats n’aient pas de formation pour bien saisir toutes les subtilités des politiques. On leur en demande beaucoup, quand même. »

M. Jobidon est cependant moins indulgent en ce qui a trait à l’entente conclue avec Dempton Solutions Technologiques même si cette entreprise n’avait pas toutes les autorisations nécessaires pour faire affaire avec une entité gouvernementale. Ces règles sont rédigées « noir sur blanc » et elles ne sont « pas nouvelles », dit-il. Sur cet aspect, « on a l’air un peu plus fou » du côté d’IQ, ajoute M. Jobidon.

En savoir plus
  • 1er février 2024
    Date à laquelle Bicha Ngo est devenue présidente-directrice générale d’IQ, en remplacement de Guy LeBlanc
    SOURCE : investissement Québec