Benoit Bazin a pris la direction du groupe Saint-Gobain, spécialisé dans la fabrication de matériaux de construction, en 2019 et a entrepris l’expansion de la société française dans les marchés de l’Amérique du Nord, de l’Asie et des pays émergents. « On a consolidé notre position de leader mondial de la construction durable et on est maintenant numéro 1 en Amérique du Nord », souligne avec une fierté certaine le PDG de la multinationale.

En moins de quatre ans, Saint-Gobain a doublé de taille au Canada et l’a augmentée de 50 % aux États-Unis, ce qui en fait l’acteur le plus important dans le marché des matériaux de construction, si on exclut les cimentiers qui sont dans une spécialité à part.

Depuis 2020, Saint-Gobain a conclu successivement deux offres publiques d’achat (OPA) aux États-Unis sur les groupes Continental Building Products (1,4 milliard US) en 2020 et GCP Applied Technologies (2,3 milliards US) en septembre 2022.

Le groupe français a aussi réalisé deux acquisitions d’importance au Québec en rachetant en juin 2022 l’entreprise Kaycan, un important fabricant de revêtement d’aluminium et de vinyle qui exploite 18 usines et 50 centres de distribution en Amérique du Nord, dans une transaction de 1,1 milliard.

Puis, Saint-Gobain a absorbé, en juin 2023, l’entreprise BP Canada (Building Products of Canada), un fabricant de bardeaux d’asphalte et de panneaux isolants avec des usines à Montréal, à Pont-Rouge et à Edmonton. Le coût de la transaction a été de 1,3 milliard.

« En quatre ans, on a investi 7 milliards US en Amérique du Nord, dont 2,5 milliards CAN au Canada, parce qu’on voulait avoir une offre plus complète de produits de construction dans les solutions d’intérieur avec les panneaux de gypse et les isolants et les solutions extérieures avec nos produits de façades et de toitures », résume le PDG.

Résultat, Saint-Gobain exploite maintenant 34 sites industriels au Canada, dont le tiers au Québec, et emploie 3 000 collaborateurs dans le domaine de la construction dite légère, un mode plus responsable sur le plan environnemental.

« On prévoit qu’il va se construire 5 millions de nouvelles maisons au Canada d’ici 2030. C’est pour nous un marché en forte croissance, contrairement à ce qu’on voit en Europe », souligne Benoit Bazin.

À l’échelle globale, Saint-Gobain est présente dans 76 pays, où elle compte 900 usines de toutes tailles, dont 200 qui sont de taille importante, et plus de 160 000 employés. L’an dernier, son chiffre d’affaires a été de près de 73 milliards CAN et son bénéfice net, de 4,4 milliards.

« On a établi une stratégie pour devenir le leader mondial de la construction durable légère axée autour de trois enjeux. Il faut décarboner l’industrie de la construction, qui est responsable de 40 % des émissions mondiales de CO2.

« Il faut réduire la consommation de ressources naturelles, favoriser le recyclage et l’économie circulaire. Enfin, il y a 2 milliards d’habitants dans le monde qui cherchent à se loger vite et mieux, et l’enjeu démographique est important », explique Benoit Bazin.

C’est dans le cadre de cette stratégie que Saint-Gobain a décidé de se redéployer à l’extérieur de l’Europe de l’Ouest, où elle réalisait, il y a cinq ans, 60 % de son chiffre d’affaires.

« On a investi en Amérique du Nord, en Asie et dans les pays émergents. Aujourd’hui, on réalise 63 % de nos revenus à l’extérieur de l’Europe, soit 32 % en Amérique du Nord et 31 % en Asie et dans les pays émergents. On est là où il y a de la croissance », expose le PDG.

Le groupe a fait quelques cessions d’actifs en Europe, mais a essentiellement financé son expansion internationale à même ses liquidités excédentaires.

Décentralisation et construction durable

En plus de redéployer le groupe Saint-Gobain dans des marchés plus porteurs, Benoit Bazin en a décentralisé la gestion en laissant les directions de chaque pays assumer leurs priorités.

« On avait avant une structure plus rigide avec une direction mondiale par gamme de produits. On était plus matriciel. On a simplifié la structure par pays avec un seul niveau de management », expose Benoit Bazin.

L’entreprise a aussi réduit son empreinte carbone en abaissant de 44 % son taux d’émission de CO2 par euro de chiffre d’affaires entre 2017 et 2023. « On vise la neutralité carbone en 2050. On multiplie les initiatives comme celle d’utiliser 88 % de produits recyclés dans notre usine de laine de verre à Ottawa », précise le PDG.

C’est pour les mêmes raisons de décarbonation que Saint-Gobain a investi, avec l’aide du gouvernement québécois, 126 millions à son usine de panneaux de gypse de Sainte-Catherine.

D’ici 2025, l’usine CertainTeed aura été complètement électrifiée, remplaçant ainsi le gaz naturel qui l’a toujours alimentée. On a profité de cette décarbonation pour moderniser l’usine et augmenter de 40 % ses capacités de production.

On investit chaque année 2 milliards d’euros dans nos équipements, soit 1,2 milliard dans la maintenance et la productivité et 800 millions pour ajouter de nouvelles capacités de production comme on le fait à Sainte-Catherine.

Benoit Bazin

Le PDG de Saint-Gobain connaît bien le Québec parce que son père y a pratiqué la médecine dans les années 1960 et il lui a rapporté un chandail du Canadien de Montréal.

« J’ai joué au hockey en Normandie avec le chandail du Canadien sur le dos. J’ai joué durant 10 ans, et on a gagné trois fois le championnat national », relate le hockeyeur, visiblement passionné.

De passage à Montréal pour rencontrer ses collaborateurs canadiens, il aurait beaucoup aimé assister à un match au Centre Bell, mais l’équipe était en déplacement sur la route.

« Cette année, on tient notre réunion du comité exécutif à Montréal, et j’aurais aimé que nos collaborateurs de huit nationalités différentes assistent à la rencontre, mais ça n’a pas été possible », déplore-t-il.

Il faut rappeler que Saint-Gobain a été fondée en 1665 lorsque le roi Louis XIV, vexé de payer très cher les miroirs qu’il achetait de Venise, a mandaté Colbert, son contrôleur des finances, pour créer une manufacture royale de glaces. Ce qui fut fait et qui fut immortalisé par la création de la Galerie des Glaces du Château de Versailles.

Trois cent soixante ans plus tard, Saint-Gobain est toujours bien en vie, mais s’est considérablement diversifiée.