Le classique sac de lait de 4 litres perd du terrain, notent des détaillants interrogés. La popularité des formats de 2 litres, conjuguée à la multiplication des laits « à valeur ajoutée » et des boissons « alternatives » qui permettent aux marchands de générer des marges plus intéressantes, explique en partie cette baisse de popularité.

Les grands consommateurs de lait risquent de voir tôt ou tard leur sac disparaître, croit Steve Lamontagne, vice-président, exploitation détail chez Harnois Énergies, entreprise qui gère les 152 dépanneurs Proxi et Proxi Extra au Québec. À l’Université Concordia, Jordan LeBel, professeur titulaire en marketing alimentaire, partage cet avis.

Pendant longtemps, les sacs de 4 litres, vendus essentiellement au Québec, en Ontario et dans les Maritimes, étaient les articles qui se vendaient le mieux, dans les frigos des dépanneurs Proxi, confirme M. Lamontagne. Mais depuis quelques années, ils ont été délogés par les cartons de 2 litres.

« Je pense que c’est un format qui va disparaître, ajoute-t-il. Les familles sont de plus en plus petites. Les gens vont à l’épicerie plus souvent dans une semaine. Pourquoi ils achèteraient un grand format de lait ? »

[Sa disparition] se dresse à l’horizon Il n’y a pas eu de développement de packaging depuis des décennies. On est encore avec ces espèces de poches-là qui se percent facilement…

Jordan LeBel, professeur titulaire en marketing alimentaire à l’Université Concordia

Bien que cette baisse soit légère, Agropur, la coopérative laitière, note également une diminution de la demande de sacs. « Au Québec, nous constatons en effet un léger transfert du format 4 L vers le format 2 L », nous dit par courriel Guillaume Bérubé, directeur des relations publiques et communications. « En 2022, le 4 L représentait un peu plus de 50 % des volumes vendus alors qu’il est passé à 49,7 % en 2023. Nous pouvons affirmer que la différence est allée au format 2 L. C’est une tendance qui est constante, mais qui ne s’accélère pas pour l’instant. Nous constatons aussi une croissance de la demande pour nos laits à valeur ajoutée. Cela peut expliquer en partie pourquoi les consommateurs optent de plus en plus pour un format 2 L. »

Le professeur LeBel observe également une « pluralité » des goûts dans une même famille : l’un préfère le sans lactose, l’autre la boisson d’avoine et un troisième boit du lait ultrafiltré. Résultat : on achète de plus petits formats pour répondre aux goûts de chacun.

Marges et dates de péremption

Par ailleurs, les laits à valeur ajoutée (biologique, sans lactose, microfiltré, vendu dans un contenant de plastique ou dans un carton avec un bouchon de plastique) se conservent généralement plus longtemps que les laits de base (emballés en sac ou entièrement dans un carton). Un avantage pour les consommateurs et les marchands qui sont portés à leur laisser plus d’espace… au détriment des sacs. À noter que certains laits filtrés se vendent également en formant 4 litres, mais la majorité des produits premium sont offerts en format de 1 litre ou 2 litres.

« Les dates de péremption des laits de base sont vraiment plus courtes, souligne Steve Lamontagne. Dans un dépanneur, je n’ai pas la chance ni le loisir d’avoir le même volume qu’en épicerie. Je me retrouve parfois avec des pertes. Ça m’oblige à trouver d’autres [produits]. Le lait premium, le lait purement filtré ont des dates de péremption vraiment plus longues. Ça devient intéressant pour moi. »

Il reconnaît que le lait à valeur ajoutée prend plus de place chez lui que les produits de base.

Autre point à souligner, le prix plancher et le prix plafond du lait de base vendu au détail sont déterminés par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ). Un carton de 2 litres de lait 2 % se détaille entre 3,95 $ et 4,29 $ et un sac de 4 litres (2 %) est vendu entre 7,56 $ et 8,24 $. Selon les détaillants interrogés, il est donc plus difficile de dégager des marges avec la vente de ces produits.

« On ne fait pas d’argent avec un 4 litres de lait [de base] », lance sans détour Simon Veilleux, copropriétaire d’une épicerie Marché Richelieu à Causapscal.

« C’est ce qui explique pourquoi les marchands font la promotion des laits à valeur ajoutée. Ça permet de payer au moins l’électricité utilisée par le frigo. »