Les restaurateurs doivent faire preuve de créativité pour offrir des menus abordables à leurs clients

Multiplication des promotions, tables d’hôte à prix plus doux et gestion serrée allant jusqu’à mettre le holà sur une décoration excessive dans l’assiette. En ce début d’année déjà marqué par des fermetures, certains restaurateurs tentent de trouver des moyens pour garder leurs clients… et leur gagne-pain.

Le menu frappe l’imaginaire : des bouteilles de vin affichées à 22 $, ce qui équivaut au prix d’un verre sur la carte de plusieurs établissements, et une table d’hôte à partir de 25 $, soit le coût actuel de plusieurs entrées. En organisant son évènement Janvier gourmand, le Groupe Restos DIX30 – propriétaire de La Tomate Blanche, L’Aurochs Steakhouse-Salle à manger, L’Aurochs Steakhouse-Espace festif et Le Café du Théâtre Brasserie Française – a trouvé une façon de remplir ses salles à manger en cette période de l’année plutôt creuse où le budget des clients est plus que jamais serré.

Bien que le Groupe organise cet évènement depuis 14 ans, il prend cette année un sens un peu différent, reconnaît Andréanne Caron-Labonté, directrice du développement organisationnel et des projets spéciaux. Et la hausse du prix des aliments les a forcés, les membres de son équipe et elle, à être « imaginatifs ».

Selon elle, la tenue de l’évènement impliquant les quatre restaurants de Brossard était plus que nécessaire, si l’entreprise voulait remplir ses tables et faire travailler ses employés. « On n’a pas le choix. Si on veut que les gens viennent dans nos restaurants et qu’ils se gâtent, il faut faire de la magie. »

Rappelons que la nouvelle année a commencé sur une note difficile pour plusieurs restaurateurs qui ont dû mettre fin à leurs activités, comme La Brasserie T !, le Beaufort bistro, Dinette nationale et Don Nopal, notamment.

La baisse de l’achalandage, la hausse du coût des aliments et l’incapacité de rembourser d’ici le 18 janvier l’aide d’urgence accordée par le gouvernement fédéral pendant la pandémie obligent certains restaurateurs à faire des choix difficiles pouvant aller jusqu’à la fermeture définitive de leur établissement. Peut-on s’attendre à une hécatombe en 2024 ? Difficile de se prononcer pour le moment, estime Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’Association Restauration Québec (ARQ). Il reconnaît néanmoins que plusieurs fermetures sont à prévoir.

Le nombre de faillites en restauration au Québec a augmenté de 81,2 % entre octobre 2022 et octobre 2023, pour un total de 337 depuis le début de l’année, selon les données fournies par l’ARQ.

Consciente de la fragilité actuelle de son industrie, Mme Caron-Labonté affirme que la tenue de Janvier gourmand était attendue par les clients. « On ne pouvait pas ne pas le faire. Les gens recherchent des petits prix. C’était primordial pour nous de leur offrir ça cette année. »

Élaborer un menu trois services à 25 $, puis un autre comptant quatre services à 45 $ et 55 $ sans lésiner sur le foie gras, le tout accompagné d’une sélection de vins à moitié prix, leur a néanmoins donné plus de fil à retordre que d’habitude, confie-t-elle.

« On a dû travailler fort avec notre chef et nos fournisseurs pour trouver les aliments les plus rentables pour nous. On gruge sur notre marge. C’est certain qu’elle est moins grande. »

Plus de promos et moins de décos

D’autres entreprises comme le Groupe St-Hubert et Les enfants terribles ont également l’intention de mettre les consommateurs en appétit avec des promotions. Déjà, l’automne dernier, la célèbre rôtisserie multipliait les offres et remettait au premier plan ses plats composés de cuisses, de poitrines et de frites, souvent moins onéreux.

« L’enjeu est de faire évoluer le menu pour répondre à une clientèle plus large sans couper sur la qualité ou les portions », déclarait à la fin de décembre Richard Scofield, président et chef de la direction de Groupe St-Hubert, dans une entrevue accordée au magazine en ligne HRImag. « C’est pour ça que j’essaie d’élargir l’offre pour qu’il y ait plus de choix, pour combler les besoins ; par exemple, mettre en évidence des assiettes moins chères sans tromper le client. Il faut s’assurer que nos assiettes soient bien formulées, qu’on soit capables d’expliquer ce qu’on offre à nos clients sans perdre nos classiques et notre identité culinaire. »

Dans les six établissements des Enfants terribles, la propriétaire Francine Brûlé a également l’intention de faire certaines promotions. « On va offrir des 5 à 7, des prix moins élevés après 21 h, on va travailler fort sur nos tables d’hôte du midi pour qu’elles soient plus accessibles. » La grande difficulté avec l’élaboration de ces menus spéciaux ? « Il n’y en a plus, de petits prix, lance-t-elle sans détour. Tout nous coûte plus cher. »

En dépit de la crise qui secoue la restauration depuis le début de la pandémie, la femme d’affaires voit plutôt l’avenir d’un bon œil… à condition d’être un bon gestionnaire, quitte à couper dans les fioritures.

« C’est de la gestion dans le moindre détail. Je mange dans mes restaurants et des fois, je prends des photos. À un moment donné, ils vont mettre un paquet de pousses juste pour faire de la décoration, illustre-t-elle. Il n’y a pas de place pour ça. On est serré, serré. On ne peut pas mettre un gramme de plus. Si je mets dix pousses, mon plat va-t-il être vraiment plus beau que si j’en mets quatre ? » La principale intéressée en doute. « Ce sont de petits détails. »