L’entreprise La Boîte à vins compte réduire massivement ses marges de profit pour augmenter le volume des ventes de vins québécois qui ont la réputation d’être trop chers, comme l’a même évoqué le Bye bye 2023

Les changements de comportement des consommateurs touchent la vente de vins québécois. Plusieurs vignerons et vigneronnes d’ici écoulent plus lentement leurs bouteilles. Et elles ont la réputation d’être chères.

« Que les vins québécois sont trop chers, on l’entend beaucoup », dit Normand Guénette, copropriétaire du Chat botté.

Pas au vignoble, mais quand on fait des dégustations en épicerie, les gens nous disent que c’est cher par rapport au prix qu’ils paieraient à la SAQ pour un vin équivalent, venu de l’étranger.

Normand Guénette, copropriétaire du vignoble Le Chat botté

L’entreprise d’Hemmingford fait partie des vignobles qui participent au projet de la Boîte à vins, qui entend réduire ses marges sur les ventes pour augmenter le volume. Cette marge sera établie de concert par le vigneron et le commerçant qui, lui, paiera le même prix de base à l’achat du vin.

Louis-Philippe Mercier, de la Boîte à vins, estime que plusieurs vignerons souhaitent que leurs bouteilles soient vendues moins cher, particulièrement dans le contexte actuel, lui qui entend maintenant ses clients demander régulièrement des vins à moins de 20 $ dans son commerce, particulièrement depuis l’automne dernier.

Un nouveau modèle d’affaires

La Boîte à vins est une entreprise née en 2019, avec le désir de faire la promotion des cuvées québécoises, beaucoup en ligne, mais aussi avec pignon sur rue. Durant la pandémie, le chiffre d’affaires du détaillant a explosé. « Et là, tout le monde s’est mis à vendre des vins du Québec », lance l’entrepreneur, qui cite cette multiplication de la concurrence comme l’une des causes de la dégringolade de son chiffre d’affaires. Jusqu’à provoquer la fermeture de l’une de ses deux boutiques l’année dernière, celle de Montréal, et demander une restructuration complète du modèle.

Le commerce fait toujours la vente en ligne, mais aussi à la boutique La Boîte à vins restante, à Longueuil, où l’on a ajouté des boissons sans alcool, très populaires – particulièrement en ce début d’année.

L’entrepreneur a également ajouté un saucissier, un disquaire et un café à son offre commerciale l’année dernière.

« On ne se le cachera pas, la demande pour la saucisse est beaucoup plus importante que celle pour le vin », indique Louis-Philippe Mercier.

Le vin n’étant plus la vache à lait de ses commerces, il peut se permettre de réduire ses marges sur l’alcool : d’autour de 30 %, elles devraient passer à autour de 15 %, parfois moins, selon le désir du vigneron.

Le but, explique Louis-Philippe Mercier, n’est pas de vendre du vin au rabais ou moins cher qu’à la SAQ. Par contre, la première étape de ce projet est d’écouler les vins en stock en ajustant la marge de profit, ce qui, oui, mène à de bonnes affaires pour la clientèle.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Louis-Philippe Mercier, en 2021

L’idée est de faire de la place aux vignerons qui embarquent dans notre projet.

Louis-Philippe Mercier, propriétaire de la Boîte à vins

Il y en a trois pour l’instant, Le Chat botté, Les Bacchantes et Coteau Saint-Paul, des entreprises qui ont une production assez importante pour livrer du volume à La Boîte à vins ainsi qu’à leurs autres points de vente.

« On veut devenir un exemple, illustre Louis-Philippe Mercier. Après ça, les fournisseurs et les autres épiciers vendront aux prix qu’ils veulent. »

Le grand écart

Comment les autres commerces qui vendent du vin québécois réagiront-ils au nouveau modèle d’affaires de La Boîte à vins ?

Selon Normand Guénette, au Québec, il y a déjà de grands écarts de prix pour la même bouteille de vin, d’un détaillant à l’autre.

On voit des marchands qui prennent 25 % de marge et d’autres qui prennent 45 %.

Normand Guénette, copropriétaire du vignoble Le Chat botté

Le Chat botté aura 20 ans cette année et produit de 25 000 à 30 000 bouteilles annuellement.

Les choses vont quand même bien, dit son copropriétaire, malgré ce petit recul (autour de 1 %) pour 2023, dans les épiceries spécialisées, et de 15 % à la SAQ. Le vignoble vend au moins 30 % de sa production dans le réseau de la SAQ. Ses vins seront offerts à des prix à peu près équivalents à La Boîte à vins.

Selon Normand Guénette, le moment est bienvenu de pouvoir offrir des vins à un prix contrôlé puisque les consommateurs dépensent moins pour leur vin et, oui, estiment que les produits locaux sont trop chers.

« Le Bye bye nous l’a d’ailleurs remis dans la face… », laisse tomber Normand Guénette.

Dans le dernier Bye bye, un vigneron québécois lançait que, même mauvais, à 50 $ la bouteille de vin nature, « les gens du Plateau Mont-Royal vont quand même dire qu’ils capotent dessus ».

En savoir plus
  • - 7 %
    La SAQ a observé une baisse de 7 % de la vente de vins québécois dans son réseau cette année, particulièrement dans les rosés, qui ont souffert des mauvaises conditions météo estivales.
    Source : Société des alcools du Québec