L’investisseur milliardaire américain Charlie Munger vient de s’éteindre en Californie, quelques semaines avant son centième anniversaire de naissance, qui aurait eu lieu le 1er janvier 2024.

Bras droit de Warren Buffett, M. Munger était célèbre pour n’avoir jamais suivi de cours d’économie ou de finance. Il a fait des études de droit à l’Université Harvard, puis a cofondé le cabinet d’avocats Munger, Tolles & Olson à Los Angeles, avant se lancer en affaires avec Warren Buffett, qu’il avait rencontré dans un souper à Omaha, au Nebraska, en 1959.

Vice-président de Berkshire Hathaway depuis 1978, Charlie Munger était reconnu pour ses déclarations colorées, controversées, drôles, ou tout simplement géniales. En voici quelques-unes, accompagnées d’une mise en contexte.

Au sujet de l’inflation :

« Je me souviens du hamburger à 5 cents et du salaire minimum à 40 cents de l’heure. [L’inflation] a-t-elle ruiné le climat d’investissement ? Je ne pense pas. »

Munger déboulonnait ici un mythe tenace en finance : celui voulant que l’inflation nous empêche de nous enrichir. Bien sûr, si on habite en Argentine et que l’inflation est de 100 % par année, c’est un problème. Mais les rendements globaux des marchés boursiers des pays développés ont été historiquement de 5 % de plus que l’inflation en moyenne depuis des siècles, soit d’aussi loin que des traces manuscrites existent dans les archives en France et en Angleterre. Et même si le pouvoir d’achat d’un dollar diminue avec le temps, le niveau de vie de la population s’est constamment amélioré depuis plusieurs générations. Bref, Munger nous enjoignait à cesser de voir l’inflation comme une force destructrice dans nos vies.

Au sujet de l’envie :

« Il n’y a rien de plus contre-productif que l’envie. Il y aura toujours quelqu’un dans le monde qui sera meilleur que vous. De tous les péchés, l’envie est facilement le pire, parce que vous ne pouvez même pas vous amuser avec. C’est une perte nette totale. »

On pense souvent que c’est l’appât du gain qui mène le monde, mais Charlie Munger avait ciblé l’envie comme étant le principal coupable. On a beau tout avoir, si notre voisine ou notre beau-frère en a plus que nous, on ne sera pas satisfait. Munger aimait dire qu’il avait eu du succès dans sa vie parce qu’il n’avait pas laissé l’envie définir sa carrière, et qu’il était heureux de s’enrichir à long terme et de laisser les autres tenter de s’enrichir rapidement. Les personnes les plus heureuses n’ont pas nécessairement tout, disait-il. Elles apprécient simplement ce qu’elles ont.

Au sujet des prédictions :

« Les gens ont toujours eu envie que quelqu’un leur prédise l’avenir. Il y a longtemps, les rois engageaient des gens pour lire dans les entrailles des moutons. Écouter les prévisionnistes d’aujourd’hui est aussi fou que lorsque le roi engageait un homme pour lire les entrailles des moutons. »

Charlie Munger n’était pas un grand admirateur des prévisions économiques, qu’il se risquait rarement à faire. Des décennies passées à suivre les marchés l’avaient inoculé contre les prévisions en tous genres. Cela ne l’a pas mal servi : 40 $ investis dans des actions de Berkshire Hathaway à la fin des années 1970 valent 546 869 $ aujourd’hui.

Au sujet des guerres :

« Pensez-y. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Japon a torturé nos soldats à mort. Ils les paradaient. Les Allemands mettaient les gens dans des fours. C’est tout simplement horrible. Et qu’avons-nous fait après la guerre ? Nous leur avons donné de l’argent pour reconstruire. Nous avons dit : ‟Oublions le passé. » Le résultat a été un magnifique système économique mondial et une victoire pour les droits de l’homme. »

Le monde fonctionne mieux lorsqu’il est propulsé par la nécessité et l’amélioration, et non par le passé et les récriminations.

Au sujet d’admettre ses erreurs :

« J’aime que les gens admettent qu’ils ont été complètement stupides. Je sais que j’obtiendrai de meilleurs résultats si je me mets le nez dans mes erreurs. C’est un excellent truc à apprendre. »

L’un de ses pires coups en affaires, a-t-il affirmé, est d’avoir investi dans le marchand en ligne chinois Alibaba, dont la valeur en Bourse s’est effondrée de 75 % depuis son sommet en 2021. En revanche, l’un des placements qui l’ont rendu le plus fier était l’achat pour des millions de dollars d’actions de Bank of America et Wells Fargo en mars 2009, au pire de la crise financière, dans le compte d’investissement d’un hôpital de Los Angeles dont il s’occupait des finances. « C’était une occasion qui ne se présente qu’une fois tous les 40 ans », a par la suite dit Munger.

Sur les coûts d’opportunité :

« Les personnes intelligentes prennent des décisions basées sur les coûts d’opportunité. »

La personne qui dépense 980 $ par mois pour rouler dans une voiture de l’année en dépense réellement 170 000 $. C’est le montant qu’elle aurait dans son compte d’investissement au bout de 10 ans si on assume des rendements annuels de 7 %. Munger ne nous dit pas quoi faire ou quoi choisir. Il nous dit comment calculer.

Sur les chutes boursières :

« Si vous n’êtes pas prêt à réagir avec sérénité à une baisse du marché de 50 % deux ou trois fois par siècle, vous n’avez pas les aptitudes pour être un actionnaire, et vous méritez les résultats médiocres que vous obtiendrez par rapport aux personnes qui ont le bon tempérament… »

Munger ne met pas de gants blancs ici pour dire qu’investir correctement est d’abord une question de comportement. Il arrive que les marchés boursiers du globe chutent. On ne peut rien y faire. À quoi bon paniquer ? Les humains ont du mal à supporter la douleur, dit-il. Alors nous nous précipitons sur le pot d’aspirine. En investissement, cela nuit aux rendements et nous appauvrit à long terme. Plus vite nous le réalisons, plus vite nous pouvons laisser nos placements travailler en paix. Et ce, peu importe ce que fait le marché.

Au sujet de la curiosité :

« Devenez un autodidacte tout au long de votre vie en lisant avec voracité ; cultivez votre curiosité et efforcez-vous de devenir un peu plus sage chaque jour. »

Bon repos, monsieur Munger.