L’électricité propre n’a jamais été aussi abondante. L’énergie éolienne et solaire a décollé depuis 20 ans, plus vite qu’espéré. Mais pas assez vite pour enrayer la prolifération des centrales au charbon et au gaz.

Comme la demande mondiale d’électricité augmente plus vite que l’offre en énergie verte, les combustibles fossiles comblent l’écart.

Cette dynamique a fait augmenter les émissions de carbone du secteur de l’électricité à un moment où les scientifiques affirment qu’elles doivent diminuer – et rapidement – pour éviter des niveaux dangereux de réchauffement de la planète.

PHOTO GILLES SABRIÉ, THE NEW YORK TIMES

Une éolienne et une centrale électrique au charbon, à Weifang, en Chine. La semaine prochaine se tiendra à Dubaï un sommet de l’ONU sur le climat.

Cette demande vient surtout de pays comme la Chine et l’Inde, qui misent à la fois sur le charbon, l’éolien et le solaire pour alimenter leur croissance économique fulgurante. Mais nombre de pays industrialisés n’abandonnent pas l’énergie fossile assez vite pour atteindre leurs objectifs de réduction des gaz à effet de serre.

Le pic mondial de l’énergie fossile

Malgré cela, selon beaucoup d’experts, le pic mondial de l’énergie fossile surviendra d’ici quelques années. Elle baisse déjà aux États-Unis et en Europe et les experts estiment que la Chine, de loin le plus grand producteur d’électricité au monde, commencera bientôt à réduire l’usage du charbon dans ses centrales.

L’avenir de la planète dépendra en grande partie de ce qui arrivera ensuite.

Pour maintenir l’augmentation de la température mondiale « bien en dessous » de 2 °C (idéalement 1,5 °C, l’objectif mondial de la COP21), il faut atteindre le pic fossile, puis substituer rapidement l’électricité sans carbone – éolienne, solaire, etc. – à l’électricité de source fossile. La planète s’est déjà réchauffée d’environ 1,2 °C depuis l’ère préindustrielle.

Selon Dave Jones, analyste en électricité au groupe de réflexion Ember, de Londres, l’enjeu clé est que les pays accélèrent l’adoption de l’électricité verte assez vite pour qu’elle « permette des coupes profondes et rapides des émissions de CO», pas juste une baisse lente.

Ce sera la question centrale du sommet mondial sur le climat à partir du 30 novembre.

Les enjeux sont énormes.

La production d’électricité est déjà la plus grande source de CO2 au monde. Or, les projets de décarbonisation de nombreux secteurs de l’économie mondiale – transports, bâtiments, industrie – reposent aussi sur l’utilisation d’énergie plus propre.

L’évolution de la production d’électricité au cours des dernières décennies dans les grands pays producteurs d’électricité – développés ou en développement rapide – permet d’expliquer la situation actuelle et de montrer les défis climatiques futurs.

Chute des combustibles fossiles

Aux États-Unis et dans une grande partie de l’Europe, la production d’électricité à partir de combustibles fossiles, surtout le charbon, est en baisse depuis des années. C’est même le cas en Australie, pays dépendant du charbon.

Les énergies renouvelables y sont pour beaucoup.

L’an dernier, 22 % de l’électricité de l’Union européenne est venue du soleil et du vent, contre moins de 1 % il y a 20 ans. Les États-Unis ont produit 15 % de leur électricité à partir du solaire et de l’éolien en 2022, un peu plus que la moyenne mondiale.

PHOTO TOM LITTLE, REUTERS

L’an dernier, 22 % de l’électricité de l’Union européenne est venue de centrales solaires et éoliennes, comme ce parc d’éoliennes de la société Orsted, au large de Nysted, au Danemark.

L’essor de l’énergie verte bon marché a permis le déclin du charbon en Europe. Tout comme aux États-Unis, où le gaz naturel – qui génère moins de CO2 que le charbon – a aussi joué un rôle clé.

La baisse de la demande globale d’électricité a aussi contribué au déclin de l’énergie fossile.

Au XXe siècle, la consommation d’électricité a grimpé en flèche en Amérique du Nord et dans de nombreux pays d’Europe. Elle a plafonné, voire diminué, dans les années 2000, notamment grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique et à la délocalisation de l’industrie lourde.

Pourtant, ni les États-Unis ni l’Union européenne ne sont en voie d’atteindre leurs objectifs visant la cible de 1,5 °C. Ces deux grands producteurs d’électricité ont récemment adopté des lois visant à favoriser les énergies renouvelables, mais la conjoncture économique et d’autres défis menacent de ralentir la transition, alors même qu’elle doit s’accélérer, préviennent les experts.

La croissance grâce au charbon

La tendance semble très différente dans les pays en développement rapide, tout particulièrement en Chine.

En 2010, la Chine a dépassé les États-Unis comme premier producteur d’électricité au monde et elle produit désormais près d’un tiers de l’électricité mondiale. (La production par personne est encore bien inférieure à celle des États-Unis.)

Pendant des décennies, sa demande croissante d’électricité a été comblée par le charbon, le combustible le plus polluant. L’usage du charbon continue de croître, bien qu’à un rythme plus lent, même si la Chine a beaucoup développé ses capacités éolienne et solaire.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Une centrale solaire de 100 MW près de Dunhuang, dans le nord-ouest de la Chine

Aujourd’hui, le secteur de l’électricité en Chine est proche d’un tournant.

D’ici quelques années, selon les experts en énergie, l’électricité verte progressera assez pour commencer à supplanter le charbon même en Chine. Compte tenu de la part énorme du pays dans le total mondial, le pic du charbon en Chine sera probablement le pic mondial.

Après ce sommet, on ne sait pas à quelle vitesse diminueront l’usage du charbon et les émissions qui en découlent. Dans un récent accord avec les États-Unis, la Chine s’est engagée à « accélérer le remplacement du charbon, du pétrole et du gaz » par les énergies renouvelables et à réduire de façon « significative » les émissions du secteur de l’électricité d’ici 10 ans. Mais il reste à voir si elle cessera d’approuver de nouvelles centrales au charbon.

De nombreux autres pays en développement rapide, dont beaucoup en Asie, utilisent surtout le charbon pour produire de l’électricité.

L’Inde, le pays le plus peuplé du monde, a des objectifs ambitieux en matière d’énergie renouvelable, mais elle affirme que le charbon demeure crucial pour développer son économie et fournir une électricité fiable et abordable à des millions de personnes. L’Indonésie affirme qu’elle pourrait éliminer d’ici 2040 l’électricité produite à partir du charbon si les pays riches l’aident financièrement à développer des énergies plus propres. Comme l’Inde, le pays a une faible demande d’électricité par personne.

Le financement des projets éoliens et solaires est un défi pour les pays en développement, dit Faran Rana, de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables. « Si l’on considère le coût global, les énergies renouvelables sont de loin plus avantageuses que n’importe quelle énergie fossile, a-t-il déclaré. Mais le coût initial est un obstacle. »

Cet article a été publié dans le New York Times.

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