Le quotient intellectuel, c’est out. À l’embauche, de plus en plus de patrons évaluent le quotient émotionnel, dans lequel s’inscrit l’intelligence émotionnelle. Celle-ci est bénéfique non seulement pour les collègues, les employés et l’ensemble de l’équipe, mais aussi pour l’environnement et la profitabilité de l’entreprise.

Difficile de définir ce qu’est exactement l’intelligence émotionnelle. Il s’agit d’un mélange d’empathie, de connaissance de soi et d’autogestion de ses émotions.

« L’intelligence émotionnelle se base sur l’idée de comprendre ses propres émotions et celles des autres », dit Claude Frasson, professeur à la faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal qui s’intéresse depuis une vingtaine d’années à l’intelligence émotionnelle.

Pour Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec (CRHA), c’est une façon d’aller vers l’autre et de le comprendre. « L’intelligence émotionnelle permet de comprendre la perspective de l’autre, d’en être conscient et d’en tenir compte, souligne-t-elle. C’est super important, car les gens qui travaillent en vase clos, sans interactions, sont bien rares. »

Imaginée et conceptualisée par le psychologue et journaliste scientifique américain Daniel Goleman en 1995, l’intelligence émotionnelle comporte cinq piliers, résume M. Frasson : la connaissance et la conscience de soi, l’autorégulation de ses émotions, la motivation, la sociabilité et l’empathie. Cette dernière est la pierre angulaire de l’intelligence émotionnelle.

« L’empathie est naturelle chez l’être humain, signale Estelle Morin, professeure de management à HEC Montréal, sauf pour la personne qu’on n’aime pas ! La personne qui a une grande intelligence émotionnelle sera en mesure de gérer les relations, dont les relations conflictuelles. Elle sera en mesure de s’exprimer, de s’affirmer, de dire non, tout en restant respectueuse. On appelle cela l’assertivité. »

Mobilisation et motivation

L’impact d’un leader au haut taux de QE (quotient émotionnel) est énorme : le climat est sain, le personnel se sent libre de parler de façon authentique, l’énergie est mobilisée, la motivation est à la hausse et la productivité est au rendez-vous.

« Les gens sont ralliés et les connexions sociales sont riches, car les gens se sentent écoutés et uniques », indique Alexandra Larouche, psychologue organisationnelle, chargée de cours à l’Université Laval et conférencière.

L’intelligence émotionnelle, c’est de la richesse humaine.

Alexandra Larouche, psychologue organisationnelle, chargée de cours à l’Université Laval et conférencière

Elle souligne à quel point les émotions jouent dans les capacités de gérer et de diriger. « Une émotion mal gérée peut rendre stupides les gens les plus intelligents ! », lance-t-elle.

De plus en plus, les comités de direction, les conseils d’administration et les investisseurs s’intéressent au degré d’intelligence émotionnelle au sein d’une entreprise. « Oui, bien sûr, il y a le savoir-faire et les compétences techniques, résume Claude Frasson, mais plus important encore, c’est le savoir-être. C’est l’élément moteur. »

Comment on fait ?

Pour améliorer son intelligence émotionnelle, il faut être en mesure de « réduire sa zone aveugle », croit Mme Poirier, de l’Ordre des CRHA. « Ça prend de l’humilité, note-t-elle, et être en mesure de s’ouvrir à la rétroaction en restant accessible. L’environnement psychologique doit être suffisamment sécuritaire pour que les gens se sentent à l’aise de donner les vraies réponses. »

Dans un processus de sélection, certains tests psychométriques, reconnus et validés, peuvent donner une idée du QE. Il s’agit d’un outil… qui doit être reconfirmé en entrevue, précise Manon Poirier.

De son côté, Estelle Morin suggère quelques exercices pratico-pratiques, comme tenir un journal.

La connaissance de soi, ça passe par reconnaître ses émotions. Plus particulièrement, on note les situations où on s’est senti frustré, déçu, inquiet et surpris. Ces quatre sentiments nous en disent beaucoup sur nos valeurs, nos croyances et nos réactions.

Estelle Morin, professeure de management à HEC Montréal

Elle recommande aussi l’utilisation d’une application créée par des chercheurs de l’Université Yale qui permet de prendre le pouls de sa santé émotionnelle à quelques reprises durant la journée. How We Feel est gratuite, ne recueille pas de données personnelles et se présente sans publicité – elle est toutefois en anglais seulement pour le moment.

« Le chemin est fait à 50 % lorsqu’on est en mesure de comprendre et de gérer ses émotions, avance la professeure. Il faut ensuite développer son aptitude à percevoir celle des autres, apprendre à contrôler son impulsivité et augmenter son optimisme. »

Un beau défi pour 2024… « C’est assurément un facteur de protection pour la santé mentale », conclut Mme Morin.