Il semble que les Canadiens appuient de plus en plus fortement les travailleurs canadiens en grève.

Par exemple, il est fréquent de voir des clients de Metro se joindre aux piquets de grève des employés de la chaîne d’alimentation à Toronto. D’autres personnes étrangères au conflit de travail s’engagent à boycotter les succursales qui sont la propriété directe de Metro. Certains klaxonnent en guise d’appui ou apportent des cartes-cadeaux, du café ou des collations.

« Je crois que je n’ai jamais autant mangé de beignes et de trous de beigne de toute ma vie », plaisante une gréviste, Samantha Henry.

Celle-ci croit que la pandémie a ouvert les yeux de bien des gens sur l’importance des employés d’alimentation. Elle dit avoir observé plusieurs clients furieux que les épiceries aient éliminé « le boni des héros ».

Ce n’est pas tout : l’inflation et les taux d’intérêt élevés ont entamé les économies de bien des familles. Cela entraîne des répercussions.

« La sympathie accordée aux travailleurs en grève est attribuable à la crise de l’accessibilité qui frappe tous les travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non », dit Larry Savage, un professeur expert en relations de travail de l’Université Brock.

Un sondage de la firme Gallup indiquait que la satisfaction envers les syndicats n’avait jamais été élevée aux États-Unis depuis plus de 50 ans.

Il est plus difficile de mesurer cet appui au Canada, mais les grévistes et les experts sur les relations de travail s’accordent pour dire que la sympathie de la population est plus forte qu’à l’accoutumée, ici aussi.

Un récent sondage de l’Institut Angus Reid indiquait que l’appui envers les syndicats était relativement élevé au Canada. Toutefois, il est difficile de placer ces résultats dans un contexte puisqu’on ne peut pas les comparer à études antérieures, met en garde Adam King, un professeur agrégé du département des Études du travail à l’Université du Manitoba.

Mais l’appui aux grévistes de Metro illustre bien comment le message syndical rejoint les Canadiens, ajoute-t-il. « Les profits dans le secteur des épiceries ont été placés sur les feux de la rampe, tout comme le fait que la hausse des prix des produits alimentaires a contribué à l’augmentation de l’inflation. Il y a quelque chose de viscéral et de personnel à ce sujet. »

Les experts doivent habituellement se fier sur les sondages portant sur des conflits de travail particulier pour jauger l’opinion publique, dit le Pr Savage.

Historiquement, la population a une piètre opinion des syndicats à cause des grèves qui peuvent perturber le quotidien des gens. Le Pr Savage cite l’exemple de la grève des employés municipaux de Toronto en 2009 qui avait perturbé la collecte des ordures.

Le professeur se dit surpris par l’appui obtenu par les syndiqués dans les derniers sondages.

Par exemple, un récent sondage de la firme Abacus au sujet du conflit entre l’Ontario et ses enseignants indiquait l’an dernier que plus de répondants blâmaient le gouvernement provincial pour cette dispute. Près de la moitié d’entre eux disaient qu’ils appuieraient les autres syndicats s’ils déclenchaient une grève par solidarité.

Quelques mois plus tard, un autre sondage d’Angus Reid indiquait que la quasi-totalité des demandes des 155 000 fonctionnaires-grévistes membres de l’Alliance de la fonction publique du Canada obtenait l’approbation de la population.

« On ne constate pas d’habitude ce niveau de sympathie pour les travailleurs du secteur public », note le Pr Savage.

La présidente du Congrès du travail du Canada, Bea Bruske, dit avoir remarqué un vent nouveau sur les piquets de grève et dans les rassemblements dans l’ensemble du pays.

« L’appui de la population et sa compréhension pour la nécessité d’une grève n’ont jamais été aussi élevés depuis bien des années », souligne-t-elle.

La sympathie pour les grandes sociétés privées lucratives a chuté au cours des récents mois. Le Pr Savage dit que le syndicat Unifor a su exploiter ce sentiment contre Metro.

Parfois, l’appui de la population est vraiment important pour conclure un accord dans certains conflits, mais dans d’autres cas, cela a moins d’importance, dit le Pr King.

« Ce qui est encourageant depuis quelque temps, c’est que le public a appuyé des travailleurs même dans des conflits aux conséquences moins lourdes. »