Afin de mieux encadrer les dossiers de harcèlement sexuel en milieu de travail, du début d’une plainte, et même avant, jusqu’à sa résolution, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pourra prochainement compter sur l’expertise de l’organisme de services juridiques Juripop.

« On parle d’un partenariat entre la CNESST et Juripop pour renforcer les compétences de la CNESST en matière d’accompagnement des personnes qui ont vécu du harcèlement sexuel au travail, indique Sophie Gagnon, directrice générale de l’organisme. Spécifiquement, la première action qu’on va entreprendre ensemble est de procéder à la formation des employés de la CNESST qui interviennent auprès des personnes qui ont vécu des violences à caractère sexuel en milieu de travail. »

Cette annonce a été faite lundi matin à Montréal, lors d’une conférence de presse menée par le ministre du Travail, Jean Boulet, qui a réaffirmé son engagement à mieux encadrer le traitement de ce type de plaintes – particulièrement en milieu de travail – en misant sur la formation et la prévention.

« La formation va être adaptée à la réalité de la violence sexuelle en milieu de travail et va être dispensée à toutes les personnes qui interviennent dans ces dossiers-là », a dit le ministre Jean Boulet, qui a précisé que plusieurs professionnels auront droit à cette formation, comme les inspecteurs qui vont dans les milieux de travail et les agents d’indemnisation de la CNESST.

Le ministre a rappelé que 18 conseillers en santé psychologique ont été embauchés cette année. La CNESST disposera donc de six « ressources » supplémentaires pour l’ensemble du Québec. Toutefois, « des centaines » d’employés de la Commission recevront de la formation pour aussi mieux épauler les victimes de harcèlement en milieu de travail.

Des processus complexes

La directrice générale de Juripop explique que, concrètement, il existe toujours des façons de faire qui freinent la gestion de plainte en matière de violence sexuelle. « On remarque que les réponses humaines qu’elles vont recevoir [les victimes] de la part de l’employeur, de la part des proches, de la part de la CNESST peuvent constituer des obstacles à la justice, indique Sophie Gagnon. Par exemple, quand on va demander à une personne victime de répéter son histoire ou sinon qu’on va minimiser ce qu’elle a vécu. »

Ce faisant, la victime, dit-elle, peut être tentée de renoncer à ses droits.

La multiplication des recours et des délais peut aussi venir compliquer la vie de quelqu’un qui veut entreprendre des démarches, à la suite d’un évènement en milieu de travail.

« Un seul et même évènement de vie peut donner lieu à tellement de recours, qui sont assujettis à tellement de règles différentes que c’est un obstacle d’accès à la justice vraiment important », dit Sophie Gagnon.

On a mis le doigt sur des bobos. Il y a une multiplicité de recours, il y a une complexité des délais et de la procédure qui nous impose d’agir.

Jean Boulet, ministre du Travail du Québec

L’annonce de lundi matin ne permettait pas d’établir d’échéancier pour le déploiement de la formation, le partenariat présenté étant à une étape préliminaire.

Le ministre Boulet a toutefois rappelé son engagement à soutenir les recommandations du rapport Mettre fin au harcèlement sexuel dans le cadre du travail : se donner les moyens pour agir qui a été dévoilé en mai dernier.

« On est en processus d’amélioration continue, a précisé le ministre du Travail. Il y a 23 recommandations qui concernent la CNESST et il y en a 90 % qu’on a soit déjà appliquées ou qui sont en voie de réalisation. »

Selon Sophie Gagnon, ce rapport pointe « le besoin que les personnes qui travaillent à la CNESST renforcent leur compréhension de ce qu’est une violence à caractère sexuel et renforcent leurs compétences en matière d’accompagnement de ces personnes-là ».

Lors de la présentation de cette mise en place de mesures administratives, la présidente-directrice générale de la CNESST, Manuelle Oudar, a rappelé que, selon Statistique Canada, pratiquement une personne sur deux a observé ou vécu un comportement sexualisé inapproprié ou discriminatoire en milieu de travail au cours de l’année précédant le sondage. Et que ces évènements touchaient particulièrement les femmes.