Paul*, 59 ans et père célibataire d’un adolescent de 14 ans, envisage une prochaine retraite avec la fermeture progressive de ses deux entreprises : une PME d’entretien résidentiel et une société de placement immobilier devenue inopérante après sa revente d’actif.

La situation

Pour l’essentiel, Paul se demande s’il a les moyens financiers à long terme d’un tel projet de retraite du travail rémunéré tout en maintenant un train de vie déjà relativement modeste (environ 45 000 $ par an), mais satisfaisant pour son style de vie avec un adolescent en garde partagée.

À première vue, le bilan de Paul apparaît plutôt favorable à son projet de retraite, avec une valeur d’actif net de l’ordre de 1,23 million de dollars.

Toutefois, un peu plus de la moitié de cette valeur est composée du capital de 385 000 $ de ses deux PME en voie de fermeture et de la valeur nette d’environ 260 000 $ de sa résidence (NDLR : valeur foncière moins le solde hypothécaire).

Quant à la seconde portion de la valeur d’actif nette au patrimoine de Paul, elle est composée d’actifs financiers répartis aux deux tiers dans des comptes d’épargne enregistrés (env. 446 000 $ en REER et CRI, CELI, REEE) et un tiers dans un compte d’investissement non enregistré évalué à 139 000 $.

Dans ce contexte, Paul cherche conseil en matière de réorganisation de ses actifs, excluant la revente de sa maison, afin d’en optimiser le décaissement en tant que prochains et principaux revenus de retraite.

Et ce, durant les quelques années avant le début des rentes des régimes publics (RRQ provinciale et PSV fédérale). Mais aussi en bonne planification de longévité financière jusqu’en fin de vie.

La situation de Paul a été soumise pour analyse-conseil à Julie Tremblay, qui est gestionnaire de division et planificatrice financière chez IG Gestion de patrimoine dans la région de Québec et de Lévis. Mme Tremblay est aussi une ex-membre du conseil d’administration de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).

Les chiffres

  • Paul, 59 ans
  • Actifs financiers : 585 000 $ (266 000 $ en REER, 139 000 $ en placements non enregistrés, 111 000 $ en CELI, 42 000 $ en REEE/épargne-études, 27 000 $ en CRI/compte de retraite immobilisé)
  • Actifs non financiers : 785 000 $ (400 000 $ en valeur de résidence, 385 000 $ en capital de PME)
  • Passif
  • Prêt hypothécaire : 140 000 $
  • Revenus annuels : env. 40 000 $ (28 000 $ de PME de placement, 12 000 $ de PME d’entretien résidentiel)
  • Débours annualisés : env. 45 000 $ (26 000 $ liés à la résidence, 19 000 $ liés au style de vie)

Les conseils

D’entrée de jeu, Julie Tremblay remarque que « le cas d’un petit entrepreneur comme Paul est intéressant parce qu’il fait appel à plusieurs compétences en finances personnelles et en fiscalité en vue de la planification de la retraite ».

Cela dit, afin de s’en tenir à l’essentiel pour cette rubrique, Mme Tremblay a préparé son analyse-conseil sous la forme d’un parcours d’étapes prioritaires pour Paul d’ici une quinzaine d’années.

Les premières étapes sont prévues d’ici quatre ans. C’est-à-dire jusqu’à ce que son adolescent atteigne l’âge de la majorité, et alors que Paul pourra moduler les revenus imposables provenant de ses deux entreprises.

PHOTO LE SOLEIL, ARCHIVES ERICK LABBÉ

Julie Tremblay est gestionnaire de division et planificatrice financière chez IG Gestion de patrimoine dans la région de Québec et de Lévis. Elle est aussi une ex-membre du conseil d’administration de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).

L’aspect fiscal pour Paul est très important durant les prochaines années.

Julie Tremblay, gestionnaire de division et planificatrice financière

« D’une part, en tant que père célibataire d’un enfant d’âge mineur à garde partagée, il reçoit 50 % des allocations familiales. S’il veut les maximiser tant que son enfant sera admissible, Paul devrait limiter son revenu imposable aux environs de 36 000 $ par an.

« D’autre part, considérant que les allocations familiales ne sont pas imposables, il s’agit d’un revenu d’appoint intéressant pour que Paul continue à cotiser au REEE [épargne-études] de son ado afin de maximiser la subvention de 30 % sur une cotisation annuelle de 2500 $. »

Effacer l’hypothèque

Par ailleurs, Julie Tremblay conseille à Paul de privilégier le remboursement complet de son prêt hypothécaire (140 000 $) dès sa prochaine échéance en mars 2024, en puisant dans ses placements dans des comptes non enregistrés.

« En considérant un rendement moyen [avant impôt] de l’ordre de 4,5 % par an sur ces placements, alors que son hypothèque coûte 6 % par an en intérêts qui sont payés avec du revenu net après impôt, il est logique que Paul rembourse son prêt hypothécaire dès sa prochaine échéance [en mars 2024] alors qu’il n’aura pas de pénalité », explique Julie Tremblay.

Quant à la revente des placements non enregistrés pour rembourser l’hypothèque, Paul doit prévoir qu’elle pourrait engendrer un gain en capital dont la moitié (50 %) viendrait s’ajouter à son revenu imposable de 2024.

« Si ces placements sont relativement récents, et donc avec un gain de capital plutôt limité, l’impact sur le revenu imposable de Paul en 2024 apparaît peu significatif », anticipe Julie Tremblay.

Par ailleurs, dit-elle, la terminaison de l’hypothèque à un taux d’intérêt de 6 % permettrait à Paul de retrancher quelque 15 000 $ en débours annualisés à son budget résidentiel, réduisant d’autant ses besoins en revenus nets (après impôt) pour soutenir son train de vie.

Retarder les rentes

Grâce à l’élimination de ces coûts hypothécaires, Paul aura plus de flexibilité budgétaire pour gérer la prochaine étape de sa planification financière de retraite.

« Durant la période de 63 ans à 70 ans, grâce à ce budget allégé de charges hypothécaires, Paul pourra plus facilement moduler ses revenus du décaissement d’actifs de ses entreprises en fonction de leur optimisation fiscale », indique Julie Tremblay.

De plus, « si Paul est en santé avec une bonne espérance de vie, il aurait plus de flexibilité pour retarder l’encaissement des prestations de caisses de retraite publique [RRQ au provincial et PSV au fédéral], et profiter ensuite de rentes bonifiées jusqu’en fin de vie ».

« Ces deux rentes de sources gouvernementales qui sont indexées annuellement au coût de la vie sont importantes pour la planification financière de retraite à un âge avancé d’un petit entrepreneur comme Paul, sans régime de retraite autre que son épargne et ses actifs personnels », indique Julie Tremblay.

Dans le cas du RRQ provincial, par exemple, le report de 65 ans à 70 ans est bonifié à hauteur de 8,4 % par an, ou 42 % de plus sur le montant de la rente mensuelle.

Dans le cas de la PSV fédérale, le report de 65 ans à 70 ans se traduit par un montant de pension majoré de 36 % jusqu’en fin de vie.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.