Les passagers ne sont pas les seuls à se sentir à l’étroit ces jours-ci dans l’industrie aérienne. Si le milieu a longtemps été dominé par Air Canada et WestJet, l’émergence de nouveaux transporteurs, notamment Flair Airlines et Lynx Air, a bouleversé le secteur, injectant une nouvelle concurrence dans un marché autrefois complaisant.

La plupart des compagnies aériennes mettent en œuvre des plans pour accélérer leur croissance au cours de l’année prochaine, en ajoutant davantage d’avions à un parc déjà encombré – et en proposant des tarifs moins chers vers les destinations les plus fréquentées.

« Chaque fois que de nouveaux joueurs tentent de s’établir sur le marché, c’est une aubaine pour les consommateurs », souligne l’ancien chef de l’exploitation chez Air Canada Duncan Dee.

Il n’y a jamais eu autant d’entreprises qui offrent des vols sur les liaisons les plus populaires au Canada, comme Montréal-Toronto, Toronto-Vancouver et Vancouver-Calgary – jusqu’à six actuellement contre deux il y a quelques années – et en plus avec des tarifs réduits.

Le coût d’un billet d’avion aller-retour pour un vol entre deux villes canadiennes est d’ailleurs tombé à 289 $ en moyenne cet automne, soit une baisse de 24 % par rapport aux prix de 2019 et de 11 % par rapport à l’année dernière, selon l’application de réservation Hopper.

Les destinations soleil populaires

La compétition entre les transporteurs aériens se fera aussi sentir cet hiver lorsque les voyageurs auront envie de profiter de vacances au chaud.

Plus des trois quarts des voyages effectués par Flair à très faible coût cet hiver seront vers les destinations soleil des États-Unis, du Mexique et des Caraïbes, comparativement à 40 % l’hiver dernier, a révélé son président-directeur général Stephen Jones en entrevue le mois dernier. L’entreprise prévoit aussi d’augmenter sa flotte de près 25 %, pour la porter à 26 avions l’année prochaine.

Lynx, qui a organisé son voyage inaugural en avril 2022, vise à passer à 17 appareils, par rapport à neuf actuellement. Le plus récent ajout à son offre de service relie Toronto et Los Angeles pour 129 $ l’aller simple, taxes incluses. Le billet d’Air Canada le moins cher sur ce même itinéraire et aux mêmes dates était de 490 $.

« On investit beaucoup dans ce marché, parce qu’il est mal desservi par les transporteurs à bas prix », mentionne la présidente-directrice générale de Lynx, Merren McArthur, à propos des destinations soleil, en particulier des vols qui partent de l’aéroport Pearson de Toronto.

Pendant ce temps, Porter Airlines a acheté 50 Embraer E195 de 132 sièges, dans l’espoir de porter sa flotte de 46 à 79 avions d’ici 2025.

« Ils n’hésiteront pas à se battre avec les autres », lance John Gradek, qui enseigne la gestion de l’aviation à l’Université McGill, à propos de Porter.

Le transporteur, len affaires depuis 17 ans, a rejoint les cinq autres compagnies aériennes qui assurent la liaison entre Toronto et Vancouver en février. Il prévoit également offrir un service entre Toronto et Orlando en novembre.

« Je dirais que c’est un marché très compétitif », observe le directeur général de Porter, Michael Deluce, qui exprime également des doutes quant à l’avenir du système dans son état actuel.

« Je pense que la concurrence actuelle n’est pas une proposition viable à long terme. Je ne vais pas souligner lesquels, mais je pense qu’il y a des transporteurs qui ne seront pas là dans 12 ou 24 mois. »

L’offre et la demande

Pendant ce temps, Air Canada vise à exploiter 8 % de vols supplémentaires vers des endroits ensoleillés cet hiver par rapport à 2019. WestJet prévoit d’atteindre 15 % de capacité globale supplémentaire l’année prochaine par rapport à l’an dernier.

Une concurrence accrue se traduit par une baisse des prix, en particulier si la demande chute à un moment où les dépenses de consommation ralentissent.

« Sur le marché canadien des voyages cet automne, vous ferez une sacrée affaire », souligne M. Gradek.

Cependant, à l’exception du Mexique et des Caraïbes, l’offre de voyages internationaux reste inférieure à la demande, ce qui fait grimper les tarifs.

Le prix des vols aller-retour a augmenté cet automne de 22 % pour l’Europe, de 16 % pour l’Amérique du Sud et de 32 % pour l’Afrique et le Moyen-Orient par rapport à 2019, selon Hopper.

Au Canada, les tarifs régionaux sont également en hausse, à l’exception des liaisons les plus importantes, alors que les deux acteurs dominants de l’industrie se replient autour de leurs anciennes plaques tournantes.

Au cours de la dernière année, WestJet, dont le siège social se trouve à Calgary, a réduit son service vers certaines villes de l’Ontario, du Québec et du Canada atlantique pour se recentrer sur l’ouest.

Air Canada, établie à Montréal, a suivi cette tendance en concentrant ses activités dans le centre et l’est du Canada, tout en réduisant ses activités dans l’ouest.

« En résumé : jouez là où vous pouvez gagner », affirme le président de la société de conseil AirTrav, Robert Kokonis.