(Londres) En Angleterre, le prix moyen du pain blanc tranché a bondi de 28 % en avril, à 1,39 livre, soit 2,34 $ CAN, par rapport à l’année précédente.

En Italie, le prix des pâtes – la base du régime alimentaire italien – a augmenté de 17 % depuis un an. En Allemagne, les fromages coûtent 40 % plus cher qu’il y a un an ; l’augmentation est de 14 % pour les pommes de terre.

Dans l’Union européenne, au mois d’avril, le prix des denrées alimentaires avait augmenté en moyenne de 17 % par rapport à avril 2022. C’est pire encore au Royaume-Uni, où le prix des denrées alimentaires et des boissons non alcoolisées a augmenté de 19 %, soit le taux d’inflation annuel le plus rapide depuis plus de 45 ans. Par comparaison, aux États-Unis, ce taux était de 7,7 %.

L’inflation persistante des denrées alimentaires pèse sur les ménages à faible revenu et inquiète les élus européens.

En Italie, le gouvernement a convoqué une réunion spéciale pour discuter de la flambée des prix des pâtes.

Pourtant, les principaux coûts liés à la fabrication d’aliments – carburants, blé et autres produits agricoles – baissent sur les marchés internationaux depuis près d’un an.

PHOTO REMO CASILLI, ARCHIVES REUTERS

Un ouvrier à l’usine de pâtes De Cecco, dans la ville de Fara San Martino, en Italie

Pourquoi les prix à l’épicerie demeurent-ils si élevés ? se demandent les Européens. Comme le coût de la main-d’œuvre augmente et que certains intermédiaires en profitent peut-être pour s’enrichir, il est peu probable que les prix baissent de sitôt. Par ailleurs, l’inflation pourrait inciter les banques centrales à ne pas baisser les taux d’intérêt, ce qui nuirait à la croissance économique.

Pourquoi le prix du panier d’épicerie augmente-t-il ?

Le prix d’une miche de pain reflète non seulement le coût des ingrédients, mais aussi celui de la transformation, de l’emballage, du transport, des salaires et du stockage, sans oublier les marges de profit.

Les Nations unies tiennent un indice des prix mondiaux des produits de base (blé, viande, huile végétale, etc.). Il a atteint un sommet en mars 2022 quand la Russie a envahi l’Ukraine, qui est un très grand producteur de céréales.

La guerre y a perturbé la production céréalière, ce qui a eu un impact mondial en aggravant les crises alimentaires en Afrique de l’Est et au Moyen-Orient.

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Baguettes présentées lors du Grand Prix de la baguette, à Paris

Le pire a été évité grâce à un accord sur l’exportation de céréales à partir de l’Ukraine. Le prix du blé en Europe a baissé d’environ 40 % depuis mai 2022. Le prix mondial des huiles végétales a baissé de moitié. Mais tout reste cher : l’indice des prix alimentaires de l’ONU était en avril 34 % plus élevé que sa moyenne de 2019.

Le prix de l’énergie a aussi grimpé, avec des répercussions sévères sur toute la chaîne d’approvisionnement alimentaire. La guerre a contraint l’Europe à remplacer rapidement le gaz russe par celui d’autres fournisseurs, ce qui a fait grimper les coûts de production, de transport et de stockage des denrées alimentaires.

Les prix de l’énergie ont baissé récemment, mais les détaillants préviennent qu’il faudra peut-être jusqu’à un an pour que le consommateur le ressente : les contrats d’énergie se concluent des mois d’avance, pour de longues périodes.

La rareté de la main-d’œuvre en Europe oblige les employeurs, y compris les entreprises alimentaires, à augmenter les salaires pour attirer les travailleurs. Cela signifie des coûts de production plus élevés pour les entreprises.

L’inflation a le dos large

Les consommateurs, les syndicats et certains économistes soupçonnent des entreprises d’augmenter leurs prix au-delà de leurs coûts pour protéger leurs marges, dopant ainsi l’inflation. Selon la Banque centrale européenne, à la fin de 2022, les bénéfices des entreprises contribuaient à l’inflation autant que la croissance des salaires.

Les économistes d’Allianz, assureur et gestionnaire d’actifs allemand, estiment que de 10 à 20 % de l’inflation des aliments en Europe vient des bénéfices.

Une partie de l’inflation des prix des aliments ne s’explique pas facilement.

Ludovic Subran, économiste en chef chez Allianz

Mais tous les économistes ne sont pas d’accord, car il manque de données détaillées sur les profits des entreprises.

Certains économistes et chaînes d’épicerie blâment les grands producteurs mondiaux de denrées alimentaires, qui ont maintenu des marges bénéficiaires élevées en augmentant les prix. En avril, le géant suisse Nestlé a dit s’attendre à des profits du même ordre que ceux de 2022, soit environ 17 %. Nestlé a indiqué avoir augmenté ses prix de près de 10 % au cours du premier trimestre.

PHOTO CHRIS RATCLIFFE, ARCHIVES BLOOMBERG

Barres chocolatées de marque Nestlé

Même en tenant compte des coûts de transport et du décalage entre le prix à la ferme et le prix en magasin, l’inflation des aliments aurait déjà dû baisser, estime M. Subran, l’économiste d’Allianz.

Au Royaume-Uni, on entend un autre son de cloche : Michael Saunders, économiste à Oxford Economics et ancien responsable de la fixation des taux à la Banque d’Angleterre, ne croit pas que les entreprises s’en mettent plein les poches. L’essentiel de l’inflation s’explique par le coût plus élevé de l’énergie et d’autres produits de base, écrit-il dans une note à ses clients.

Les prix des aliments ont-ils atteint leur sommet ?

Malgré les baisses du prix du lait, il est peu probable que les prix des denrées alimentaires en général baissent bientôt.

Au contraire, les décideurs politiques espèrent seulement que l’inflation ralentisse.

Des signes timides indiquent que le rythme de l’inflation alimentaire – au-dessus de 10 % par année – pourrait avoir atteint son apogée. En avril, le taux a baissé dans l’Union européenne pour la première fois en deux ans.

Mais désormais, le ralentissement devrait être graduel.

« Il semble que les pressions sur les prix des denrées alimentaires mettent plus de temps à percoler dans le système que ce que nous avions prévu », a déclaré Andrew Bailey, gouverneur de la Banque d’Angleterre, ce mois-ci.

Cet article a été publié dans le New York Times.

Lisez l’article original du New York Times (en anglais, abonnement requis)