(Washington) Le Canada se dit « extrêmement préoccupé » par le sort d’un pipeline transfrontalier d’Enbridge dans le Midwest américain.

Une audience d’un tribunal du Wisconsin, jeudi, pourrait déterminer si la « canalisation 5 » d’Enbridge pourra continuer à acheminer du pétrole.

Or, l’ambassade du Canada à Washington écrit dans une déclaration, au nom du gouvernement, que « la sécurité énergétique du Canada et des États-Unis serait directement affectée par la fermeture de la canalisation 5 ».

« À l’heure où la sécurité et l’approvisionnement en énergie suscitent de vives inquiétudes, notamment dans le cadre de la transition énergétique, le maintien et la protection des infrastructures existantes doivent être une priorité absolue », écrit l’ambassade dans une déclaration au ton ferme.

La première nation Chippewa de Bad River du lac Supérieur affirme que les inondations printanières ont accru le risque de rupture de la canalisation qui traverse la réserve, et elle souhaite qu’un juge fédéral ordonne sa fermeture.

L’ambassade canadienne indique qu’une telle fermeture « menacerait plus de 33 000 emplois aux États-Unis et compromettrait 20 milliards US d’activités économiques ».

Le Canada fait valoir que la canalisation 5 représente une conduite d’énergie vitale à travers le Midwest américain et une bouée de sauvetage économique pour l’Alberta, la Saskatchewan, l’Ontario et le Québec.

La communauté Chippewa de Bad River craint qu’une rupture ne pollue non seulement un bassin versant clé sur son territoire, mais aussi les eaux du lac Supérieur.

Le Canada a déjà invoqué devant des tribunaux du Wisconsin et du Michigan le Traité de 1977 sur les pipelines de transit, conclu avec les États-Unis. La procureure générale du Michigan est aussi devant les tribunaux pour tenter de faire ordonner la fermeture du pipeline d’Enbridge, qui passe sous le détroit de Mackinac, entre les lacs Michigan et Huron.

Les pourparlers dans le cadre de ce traité durent depuis des mois ; la dernière séance a eu lieu le mois dernier à Washington.

Au moins un « rétablissement rapide »

« Le Canada a invoqué les dispositions du traité relatives aux règlements des différends parce que les mesures visant à fermer la canalisation 5 constituent une violation des droits du Canada à un flux ininterrompu d’hydrocarbures en transit, conformément au traité », écrit l’ambassade mardi.

« Si une fermeture était ordonnée en raison de cette inondation spécifique et temporaire, le Canada s’attend à ce que les États-Unis respectent les obligations qui leur incombent en vertu du Traité de 1977 sur les pipelines de transit, y compris le rétablissement rapide de l’exploitation normale des pipelines. »

Les inondations printanières ont grugé des sections importantes de rives où la canalisation 5 croise la réserve de Bad River, au Wisconsin, un parcours sinueux de 120 km à travers le territoire autochtone qui alimente le lac Supérieur et un réseau complexe de zones humides délicates sur le plan écologique.

La communauté autochtone est devant les tribunaux avec Enbridge depuis 2019 dans le but d’obliger le propriétaire et l’exploitant du pipeline à dérouter la canalisation 5 pour la faire passer autour de son territoire traditionnel – ce que l’entreprise de Calgary a déjà accepté de faire.

Mais l’inondation a transformé un risque théorique en risque très réel, a fait valoir la communauté de Bad River dans une requête d’urgence, la semaine dernière. Elle souhaite que le pipeline soit fermé immédiatement pour éviter une catastrophe écologique.

« Il ne fait guère de doute maintenant que la petite quantité de berges restante pourrait être érodée et le pipeline miné et percé en peu de temps, ont plaidé les avocats de la réserve. Il reste très peu de marge d’erreur. »

« Érosion soutenue »

La canalisation 5 rencontre la rivière sur le territoire autochtone juste après un endroit que la cour a appelé le « méandre », où le lit de la rivière serpente plusieurs fois, séparé de lui-même seulement par plusieurs mètres de forêt et le pipeline.

À quatre endroits, la rivière était à moins de 4,6 mètres du pipeline – et même à seulement 3,4 mètres à un endroit particulier. Or, l’érosion s’est poursuivie ces derniers jours à un rythme « alarmant », indique la requête d’urgence.

« Une érosion importante se poursuit depuis le dépôt de cette requête, et les preuves suggèrent fortement qu’une nouvelle perte de rive pourrait être substantielle et entraîner l’exposition et la rupture du pipeline. »

Le juge William Conley, du tribunal de district du Wisconsin, entendra jeudi les plaidoiries sur la demande d’injonction. On ne sait pas à quel moment il décidera d’accorder ou non une injonction qui obligerait Enbridge à fermer le pipeline et à vider tout son contenu.

Enbridge a qualifié la requête de « vraiment scandaleuse » et inutile. « Il n’y a aucun problème de sécurité du pipeline et certainement pas de motifs de s’alarmer. »