Chaque samedi, un de nos journalistes répond, en compagnie d’experts, à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Je veux savoir pourquoi les épiceries forcent l’achat en double pour de plus en plus de produits. Pourquoi les commerçants utilisent cette pratique ?

Lyne Poupard

Si les détaillants qui offrent des rabais sur les achats multiples affirment qu’il s’agit là d’une façon d’économiser pour les consommateurs, ils le font aussi pour « maximiser » le panier d’épicerie et concurrencer les entrepôts qui vendent de gros formats, soutient Pascal Leduc, président de Leduc Stratégie et conseil en gestion commerciale.

« L’objectif des achats multiples est de permettre aux consommateurs de réaliser des économies en se procurant plus d’unités d’un article donné par rapport à son prix à l’unité. Les moyens d’économiser chez Maxi et Provigo sont nombreux ; les achats multiples constituent une tactique de plus qui s’est ajoutée à notre vaste arsenal », explique pour sa part Geneviève Poirier, porte-parole de Loblaw (Provigo, Maxi).

Mais quel est l’avantage pour le détaillant d’offrir des rabais sur le volume ? « L’un des grands défis des détaillants est de maximiser la valeur du panier d’épicerie et des transactions, explique Pascal Leduc. En offrant des rabais incitatifs sur les achats multiples, on tente aussi d’offrir une alternative aux grands formats offerts dans d’autres réseaux comme les entrepôts clubs. »

Le défi, c’est de faire augmenter le panier d’épicerie, d’aller chercher une plus grande part de l’estomac du consommateur. En doublant des quantités, c’est assez gagnant.

Pascal Leduc, président de Leduc Stratégie et conseil en gestion commerciale

Toutes les enseignes n’ont pas recours à cette stratégie, mais les clients qui ont l’habitude de faire leur supermarché chez Maxi peuvent apercevoir des rabais sur des achats groupés dans chaque allée d’épicerie. Des tablettes de chocolat Lindt offertes 3,50 $ chacune à l’achat de deux ou plus (3,79 $ pour le consommateur qui en glisse une seule dans son panier), des bouteilles de vinaigrette Choix du président à 2,75 $ pour ceux qui en prennent au moins deux, sinon chacune d’elles revient à 3,49 $, et des paquets de tranches de fromage cheddar 4,99 $ chacun, mais qui reviennent à 4,00 $ pour ceux qui veulent en stocker plusieurs dans leur frigo.

Ces rabais ne sont que quelques exemples parmi les nombreuses promotions du même genre que La Presse a pu observer en se rendant dans un magasin Maxi en début de semaine.

IGA adhère aussi à cette pratique. Dans sa circulaire en vigueur jusqu’au 10 mai, l’enseigne propose des sacs de bagels Compliments à deux pour 4 $ ou à 2,99 $ pour un seul. Même scénario du côté des croustilles, où l’on offre aux clients trois sacs pour 7,98 $, alors qu’ils coûtent 2,99 $ l’unité.

Du côté de Metro, on n’a recours à cette stratégie qu’en de rares occasions, affirme la porte-parole, Geneviève Grégoire. « Pour les rabais, tant chez Metro que chez Super C, les articles achetés à l’unité dans le cadre d’un rabais multiple sont presque toujours offerts au prix divisé, explique-t-elle. Il y a des exceptions, des promotions particulières où ça sera bien identifié, mais dans la majorité des cas, un spécial à deux [articles] pour 5 $ à titre d’exemple, un seul article sera vendu à 2,50 $. »

Selon elle, cette façon de faire a « l’avantage de convenir aux besoins de plusieurs consommateurs qui ne veulent pas ou ne peuvent pas acheter tous les [articles] de la promotion ».

Une pratique légale

Lorsque des articles sont offerts au rabais, le prix de la promotion est généralement beaucoup plus visible que le prix de l’article à l’unité, écrit en beaucoup plus petit. Cette façon d’afficher les prix, qui peut sembler douteuse aux yeux de nombreux clients, est néanmoins légale, confirme Alexandre Plourde, avocat et analyste pour Option consommateurs.

« Le commerçant est libre de fixer les prix comme il l’entend. Ce qui est important pour nous, c’est la transparence. Son obligation légale, c’est d’écrire le prix unitaire clairement. »

« Il peut y avoir des raisons légitimes pour un commerçant d’offrir des rabais au volume. En achetant de grandes quantités, le commerçant peut diminuer ses coûts et refiler ces économies-là à la clientèle. »