Cette semaine, Indu Krishnamurthy, directrice générale de Microcrédit Montréal, qui offre du financement aux entrepreneurs et aux professionnels formés à l’étranger pour les aider dans la reconnaissance de leurs compétences, répond à nos questions sur le leadership.

Quand on est un immigrant, comment réussit-on à exercer son leadership dans son pays d’accueil ?

Ce n’était pas mon premier objectif de devenir une leader. Je voulais simplement contribuer à la société québécoise. En arrivant ici, en 2000, je me suis dit qu’il fallait que j’apprenne la langue et la culture. Apprendre le français m’a permis d’apprécier la culture québécoise. Ensuite, j’ai voulu m’impliquer. J’ai fait du bénévolat au centre PROMIS, où j’ai appris le français, et c’est à cet endroit que j’ai décroché mon premier emploi. Par la suite on m’a proposé un poste au conseil d’administration de cet OBNL. À cette époque, je ne connaissais pas les mots comme « quorum » ! Je me suis impliquée dans ce C.A., dans le C.A. d’une société de musique classique de ma communauté et comme présidente au Centre communautaire des femmes sud-asiatiques.

Tous ces rôles combinés à mon MBA à McGill-HEC Montréal m’ont donné confiance. Au départ, quand j’ai commencé les cours à l’université, j’avais le syndrome de l’imposteur, parce que je venais d’un OBNL et que les autres étudiants provenaient de différentes industries. Mais après, quand on m’a proposé ce rôle de leader, je me suis dit : si les gens croient en moi, je devrais au moins essayer.

Apprendre la langue, la culture et s’impliquer ouvre des portes. On rencontre des gens, ça élargit notre réseau et ça amène des occasions.

Depuis votre arrivée au Québec en 2000, trouvez-vous que l’on progresse vers un meilleur monde du travail ?

Déjà, quand j’ai émigré ici, je trouvais que Montréal était une ville avec une belle diversité. Ça m’a donné beaucoup d’espoir. Je me suis dit : je peux être membre de cette société tout en étant fière de mes racines indiennes. C’est vrai qu’il y avait des problèmes avec les ordres professionnels. Ce sont des choses qui s’améliorent, mais ce n’est pas parfait. Mon travail à Microcrédit Montréal est toujours pertinent, parce qu’on fait des prêts à des gens venant d’ailleurs qui ont besoin d’intégrer un ordre professionnel et d’intégrer leur métier le plus rapidement possible. Comme c’était le cas pour moi il y a 22 ans avec ma formation de comptable.

L’autre problème, c’est que parfois les immigrants ne savent pas qu’il y a cette aide disponible. Microcrédit Montréal est d’ailleurs un organisme très bien caché !

Indu Krishnamurthy, directrice générale de Microcrédit Montréal

Depuis 2000, on parle plus de diversité et d’inclusion. C’est devenu un indicateur d’impact. Mais il faut passer de la parole à l’acte. J’ai l’espoir que ça viendra. Car plus on valorise les gens des différentes communautés culturelles qui sont des leaders, plus ça donne envie aux autres de les imiter.

Qu’est-ce qui a le plus d’impact pour faire avancer la diversité, l’équité et l’inclusion dans les organisations ?

D’abord, il faut une prise de conscience que l’on veut aller vers ça. Ce n’est pas juste pour bien paraître, c’est prouvé que ça apporte des résultats. Ensuite, il faut passer à l’action en donnant l’occasion à des gens issus de la diversité d’obtenir un premier emploi et d’être promus. Ce sont ces modèles issus de la diversité qui vont donner l’envie à des gens d’aspirer à être président d’une banque, par exemple. Pour en arriver là, les employeurs doivent être ouverts et mettre des politiques et des pratiques en place pour recruter des gens différents de ceux de leur milieu. Une fois en poste, les gens issus de la diversité ont besoin d’outils pour se sentir bien entourés et pour avancer dans l’écosystème dans lequel ils travaillent.

Vous êtes à Microcrédit Montréal depuis 15 ans. Qu’est-ce qu’on doit faire pour avoir une économie plus inclusive ?

Il faut créer et donner des occasions à des gens de tous les milieux pour qu’ils atteignent leur plein potentiel, soit en ayant un emploi qui met en valeur leurs compétences, soit en utilisant leur passion pour devenir entrepreneurs. Quand les gens contribuent avec leur plein potentiel, ils sont heureux. Il y a alors des retombées économiques, mais aussi sociales. Indirectement, il y a des retombées sur les jeunes, qui voient en leurs parents des modèles positifs. Quand les gens s’épanouissent, ils contribuent à une société plus inclusive et, par conséquent, à une économie plus inclusive.

De quelle façon Microcrédit Montréal s’assure-t-il de propulser les gens vers la réussite ?

En prêtant de l’argent aux gens afin qu’ils aient la reconnaissance de leur compétence professionnelle ou pour démarrer un projet d’affaires. Pour les entrepreneurs, on a une approche progressive. On les incite à tester leurs idées et on leur donne un accompagnement. On leur dit aussi de venir nous voir quand ça va bien, mais aussi quand ça va mal pour trouver des solutions.

La plupart du temps, on parle aux leaders quand ils ont des réussites. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a aussi des apprentissages à faire quand ça va mal. Pour accéder à un meilleur leadership, il faut apprendre de nos erreurs de parcours.