Malgré l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, le marché de l’emploi a continué de défier les pronostics et de créer des emplois en mars, ce qui complique sérieusement la tâche de la Banque du Canada.

Tant que les ménages ont des emplois, des salaires qui augmentent et de l’épargne accumulée, la demande est très forte et ça donne de la vigueur à l’économie. Et ça génère des emplois, explique Benoit Durocher, économiste chez Addenda Capital, qui parle d’un « cercle vertueux ».

« L’économie n’est pas en récession », résume-t-il, en soulignant que l’augmentation des salaires est à peu près égale ou supérieure au taux d’inflation, ce qui maintient le pouvoir d’achat des ménages.

En mars, le taux de chômage est resté inchangé à 5 % au Canada et a légèrement augmenté au Québec, de 4,1 % à 4,2 %, a indiqué jeudi Statistique Canada.

Les nouveaux emplois se sont ajoutés à un rythme plus lent au Canada et le Québec a perdu des emplois pour le deuxième mois d’affilée.

Il y a des signes de faiblesses évidents au Québec qu’il n’y a pas en Ontario et dans le reste du Canada.Hélène Bégin, économiste chez Desjardins

« L’économie du Québec est chancelante depuis le milieu de 2022 », observe-t-elle.

La dernière année a fini en force, avec une croissance de 2,8 % au quatrième trimestre, mais c’est uniquement en raison des versements du gouvernement québécois qui ont fait rebondir la consommation, précise-t-elle.

Desjardins prévoit toujours que le Québec subira une récession modérée dans la deuxième moitié de l’année, qui se reflétera avec un certain décalage sur le marché de l’emploi.

Un trimestre étonnant

L’économie canadienne a ajouté 34 700 emplois en mars, ce qui a encore surpris les économistes, qui en attendaient beaucoup moins. Même si les nouveaux emplois se concentrent dans les services et dans un secteur en particulier, celui du transport et de l’entreposage, le marché du travail affiche une vigueur étonnante au premier trimestre de 2023.

Depuis le début de l’année, l’économie a créé plus de 200 000 emplois, dont la plupart, soit 93 %, étaient des emplois à temps plein. Toutes les provinces ont un bilan positif, y compris le Québec qui a perdu des emplois en février et en mars.

Le salaire horaire moyen a encore augmenté en mars, de 5,2 %, un rythme annuel légèrement inférieur aux 5,4 % du mois précédent. De telles hausses sont toutefois incompatibles avec un retour rapide de l’inflation à la cible de 2 % de la Banque du Canada.

Une croissance solide

Il y a plus de personnes qui travaillent aujourd’hui qu’avant la pandémie, ce qui n’empêche pas les entreprises d’avoir du mal à trouver la main-d’œuvre dont elles ont besoin pour répondre à la demande croissante.

Depuis le début de l’année, le nombre de personnes âgées de 15 ans et plus a augmenté de 204 000 au Canada, ce qui alimente la croissance économique.

Cet élan se poursuit, selon les économistes de Desjardins, qui prévoient une croissance du PIB de 3 % au premier trimestre. C’est infiniment plus que ce que la Banque du Canada avait prévu en janvier, soit 0,5 %.

Augmentera, n’augmentera pas ?

Le portrait de l’emploi en mars est le dernier avant l’annonce de la Banque du Canada sur les taux d’intérêt qui aura lieu le 12 avril. La résilience du marché du travail complique la tâche de la banque centrale, qui mise sur un ralentissement pour calmer une économie qui surchauffe et réduire l’inflation.

La croissance économique solide, le marché de l’emploi résilient et la hausse des salaires militent en faveur d’une hausse de taux.

D’autres facteurs militent au contraire pour le maintien du taux directeur au taux actuel de 4,5 %, selon les économistes de la Banque Nationale. La rémunération horaire moyenne se modère, les entreprises sont moins inquiètes de la pénurie de main-d’œuvre et l’inflation recule, énumèrent Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme dans leur commentaire. « Les hausses de taux ont été très agressives et continueront de peser sur l’économie en raison des délais de transmission », estiment-ils.

L’économie est toujours en surchauffe, mais la plupart des économistes prévoient que la Banque du Canada prolongera la pause annoncée en janvier. Elle pourrait toutefois donner un signal clair qu’elle est prête à reprendre la hausse des taux, alors que les marchés s’attendent toujours à une baisse du taux directeur avant la fin de l’année.