(Bâle) Les dirigeants d’UBS ont affirmé mercredi à leurs actionnaires que le rachat hâtivement arrangé de Credit Suisse était une « tâche herculéenne » pleine de risques, mais que c’était la bonne décision à prendre.

Le président de la première banque de Suisse Colm Kelleher a dit « comprendre » que tous les actionnaires ne soient « pas contents ».  

Mais « je suis convaincu que nous avons fait le bon choix », a-t-il assuré lors de l’assemblée générale annuelle à Bâle.  

Le 19 mars, sous une pression intense des autorités suisses, le numéro un du secteur bancaire helvétique a accepté d’acheter sa rivale pour la maigre somme de 3 milliards de francs suisses (équivalent en euros), négociant toutefois de solides garanties financières auprès de la banque centrale et du gouvernement.

Les actionnaires d’UBS, comme ceux de Credit Suisse – réunis mardi à Zurich –, n’ont pas eu leur mot à dire.

La fusion de ces deux banques déjà considérées comme trop grosses pour faire faillite avant leur rapprochement va être « une tâche herculéenne », a reconnu Lukas Gähwiler, vice-président d’UBS.

Trop grosse pour survivre

Le directeur de la Finma, le gendarme des marchés financiers en Suisse, a utilisé le même terme mercredi à Berne. « C’est une tâche herculéenne qui va prendre plusieurs années », a affirmé Urban Angehrn, qui réclame davantage de pouvoir, notamment au niveau des sanctions, pour pouvoir réguler le marché face à ce géant qui va émerger.

UBS va se métamorphoser en colosse bancaire à la tête de 5000 milliards d’actifs investis une fois la fusion scellée.

« Cette nouvelle banque géante nous inquiète », a déclaré Vincent Kaufmann, directeur de la fondation Ethos, qui représente des caisses de retraite en Suisse. Il a souligné la concentration des risques qui va en résulter, la diminution de la concurrence en Suisse et les pertes d’emplois à venir.

Ensemble, les deux banques emploient 120 000 personnes dans le monde, dont 37 000 en Suisse. Les suppressions d’emplois pourraient représenter 20 à 30 % des effectifs.

« On achète une banque sans faire de diligence raisonnable », sans savoir « ce qu’il y a dans les placards », a-t-il ajouté.

Mais l’assemblée d’UBS s’est tenue dans une atmosphère beaucoup plus calme que celle de Credit Suisse, où les actionnaires ont clamé leur colère pendant cinq heures.  

« C’est une mauvaise solution », juge toutefois Walter Gschwend, actionnaire et ancien employé d’UBS à la retraite, qui aurait préféré une reprise par l’État.

La banque va être tellement grande qu’elle « ne pourra plus être sauvée » en cas de choc, « elle va être trop grosse pour survivre », a-t-il confié à l’entrée de l’assemblée générale.  

Les actionnaires ont néanmoins largement renouvelé leur confiance au président de la banque, réélu avec 89,8 % des voix.  

UBS avait eu son lot d’assemblées générales agitées, notamment dans les années suivant la crise financière de 2008, qui avait nécessité la mise en place d’un plan de sauvetage par l’État.

Risques de litiges

Mais ce passé semblait être révolu depuis l’importante restructuration menée par Sergio Ermotti, son patron de 2011 à 2020. En 2022, la banque en pleine santé financière a dégagé un bénéfice net de 7,6 milliards de francs suisses, là où Credit Suisse en a perdu 7,3 milliards.

Face à l’ampleur de la tâche qui attend UBS, le conseil d’administration a rappelé à M. Ermotti, qui doit reprendre une seconde fois la direction à l’issue de cette assemblée générale. Il va devoir mener de grands travaux notamment pour assainir Credit Suisse et les nombreux litiges accumulés depuis deux ans.

Coup au porte-monnaie

En début de soirée, le gouvernement fédéral a lancé un signal politique fort en annonçant que les plus hauts dirigeants de Credit Suisse ne toucheraient ni primes ni bonus au titre de 2022.

Pour les cadres aux deux échelons hiérarchiques immédiatement inférieurs, ces rémunérations variables seront respectivement amputées de la moitié ou du quart. Cette mesure concerne environ 1000 collaborateurs qui se voient privés d’un montant total de 50 à 60 millions de francs.

Mais le prix fort a déjà été payé à cause de l’effondrement de l’action Credit Suisse, qui a fait fondre les primes et bonus des quelque 49 000 collaborateurs de 2 milliards de francs en quelques semaines.

La suppression ou la réduction des primes et bonus ne concerne pas la rémunération des dirigeants et cadres d’UBS. Toutefois, pour éviter que les choses ne dérapent à nouveau, la future mégabanque devra notamment adopter dans son système de rémunération des critères « comme la prise de conscience des risques et le respect de règles de conduite », indique le gouvernement.