(New York) Pas de cryptomonnaies, mais de la bière, des croustilles et un brin de mystère autour des bonbons M&M’s, pris dans la bataille culturelle américaine : les investissements publicitaires ont beau ralentir, le Super Bowl 2023 prendra, cette année encore, des allures de festival pour les marques.

Une nouvelle version de Breaking Bad pour vendre des croustilles, ou un pastiche de Squid Games, fruit d’une collaboration Netflix/General Motors, pour vanter les véhicules électriques du constructeur : comme chaque année, les premiers extraits des dizaines de petits films diffusés lors de la finale du championnat de football américain ont fleuri sur l’internet.  

Malgré des tarifs très élevés et encore à la hausse – de 6 à 7 millions de dollars US les 30 secondes, soit 10 fois plus que pour le match États-Unis–Angleterre lors de la Coupe du monde au Qatar – Fox Sports a fait le plein d’annonceurs.

L’année dernière, la chaîne NBC avait généré 578 millions US de revenus publicitaires pendant le match, soit 143,8 millions US de plus que pour le Super Bowl précédent, d’après des estimations de la société d’études Kantar.

« Le placement publicitaire coûte très cher, mais quel évènement vous offre 100 millions de personnes qui voient votre pub en même temps ? », souligne Derek Rucker, professeur de marketing à l’université Northwestern.

« Non seulement vous avez le nombre, mais en plus, il s’agit de consommateurs qui regardent activement les publicités et qui en parlent » avant et après le Super Bowl, ajoute-t-il.

Pas de polémique

La finale entre les Chiefs de Kansas City et les Eagles de Philadelphie sera encore un évènement incontournable dimanche pour beaucoup de foyers américains, prétexte à des retrouvailles entre amis et en famille, tant pour le match que pour son spectacle de la mi-temps – assuré cette année par la superstar planétaire Rihanna – et ses publicités.

Certaines ont marqué leur époque, comme celle réalisée par Ridley Scott pour Apple il y a 39 ans, pour ériger le nouveau Macintosh en anti-« Big Brother » du 1984 de George Orwell.

Pour une marque, « être au Super Bowl, ça va bien au-delà du Super Bowl », résume Derek Rucker.

Ainsi, le confiseur M&M’s, pris dans un nouvel épisode des batailles culturelles américaines, est attendu au tournant.

Le 24 janvier, il a annoncé mettre en « pause » ses fameux personnages-bonbons de toutes les couleurs, en réponse aux nouvelles attaques d’une partie de la droite conservatrice qui juge les nouveaux venus politisés et « woke », notamment le violet, symbole de soutien à la communauté LGBTQ+.  

Mais ce recul a aussi été interprété comme une manière de mieux introduire la nouvelle égérie de la marque, l’humoriste Maya Rudolph, pour la pub du Super Bowl.

PHOTO CHRIS PIZZELLO, ARCHIVES INVISION, FOURNIE PAR ASSOCIATED PRESS

Maya Rudolph

D’après Andrew Frank, analyste au cabinet Gartner, il ne faut cependant rien attendre de fracassant, les marques cherchant plutôt des « messages légers » que sulfureux sur les thèmes de l’inclusion et de la diversité, dans un contexte de clivage très fort entre démocrates et républicains.  

« Je pense que les marques veulent s’éloigner de toute la toxicité autour des guerres culturelles », prédit-il.

Exclusivité

Ces dernières années, des thèmes comme le gaspillage alimentaire ou les violences conjugales ont été abordés, « mais ce sont des questions sur lesquelles tout le monde est à l’aise », relève Derek Rucker.

Selon lui, le contexte économique peut modifier le paysage des secteurs qui vont au Super Bowl, mais pas la demande globale.

Entrées en force l’année dernière, avec plusieurs publicités, les plateformes de cryptomonnaies ont ainsi totalement disparu cette année.  

Après la faillite de FTX et l’inculpation pour fraude de son ancien patron Sam Bankman-Fried, « c’est le bon moment pour elles de prendre une pause », juge Andrew Frank.

Mais le marché, soutenu par la nouvelle économie, a aussi été dopé par la fin de l’exclusivité historique dans le secteur de la bière pour Anheuser-Busch, la maison mère de Budweiser, ouvrant la voie à de nombreuses marques cette année.

« On peut s’attendre à voir beaucoup d’enseignes s’attaquer aux dépenses de loisirs avec des messages légers de divertissement et d’évasion », malgré le contexte d’inflation et les craintes de récession, pressent l’analyste de Gartner.

Avec un sous-entendu qu’il résume ainsi : « Tout va bien, vous n’avez pas besoin d’être aussi prudent dans vos dépenses. »