Le transport de rêve existe depuis plus de 150 ans : dans les années 1870, un dispositif d’essai utilisait un tube à vide pneumatique pour propulser des personnes sous Manhattan, de Warren Street à Murray Street.

Dans les années 2010, une version améliorée de la technologie du tube à vide, appelée hyperloop, promettait de transporter les gens non pas à quelques pâtés de maisons, mais d’une ville à l’autre à des vitesses rivalisant avec celles du transport aérien, au moyen de nacelles à lévitation magnétique se déplaçant à plus de 1000 km/h.

Pourtant, si des entreprises ont récolté des centaines de millions de dollars pour concevoir et construire des systèmes hyperloop – avec des projets en Inde, aux Pays-Bas, en Arabie saoudite et aux États-Unis –, la technologie reste une aspiration.

Le concept a reçu un coup de pouce en novembre 2020, lorsque Virgin Hyperloop (alors connu sous le nom de Hyperloop One) est devenu la première entreprise à déplacer des personnes en utilisant cette technologie. Dans son installation d’essai hyperloop située à l’extérieur de Las Vegas, deux employés ont voyagé dans un tube à vide grandeur nature à 172 km/h sur une piste d’essai de 500 mètres. Bien qu’on soit loin de la promesse d’une vitesse de 965 km/h, l’essai, selon les dirigeants de l’entreprise à l’époque, a prouvé que le système pouvait fonctionner.

Pourtant, à peine un an plus tard, l’entreprise s’est rétractée et a revu ses ambitions à la baisse. Le PDG de l’entreprise, Jay Walder, a quitté l’entreprise en février 2021 ; Josh Giegel, son successeur au poste de PDG et cofondateur de l’entreprise, a suivi en octobre dernier. Et en janvier, Virgin Hyperloop a licencié la moitié de son personnel (plus de 100 employés), a arrêté le développement d’un centre de certification en Virginie-Occidentale, a mis en suspens le développement d’une route en Inde et a dirigé son attention vers le transport de marchandises (Virgin Hyperloop n’a pas répondu aux multiples demandes d’entrevue).

La réduction des effectifs et le changement d’orientation de l’entreprise sont emblématiques des difficultés auxquelles fait face l’industrie de l’hyperloop, selon les analystes des transports.

« À maintes reprises, vous voyez des innovations technologiques qui attirent beaucoup d’investissements, et vous pouvez faire beaucoup d’argent pendant le cycle d’engouement », a déclaré Juan Matute, directeur adjoint de l’Institut d’études sur les transports à UCLA. Cependant, la technologie n’anticipe pas les importants défis techniques liés à la création d’une infrastructure entièrement nouvelle. « Ensuite, l’intérêt diminue », a déclaré M. Matute.

Obstacles

Bien que ces défis puissent éventuellement être résolus, certains observateurs du secteur pensent que les obstacles réglementaires, financiers et politiques pourraient condamner l’hyperloop comme solution de rechange à grande vitesse viable au transport aérien.

L’obstacle principal : alors que les nouveaux types de transport comme les véhicules électriques peuvent facilement être intégrés au réseau routier existant, un système hyperloop nécessiterait la création d’une infrastructure complète.

Cela signifie construire des systèmes de tubes et de stations sur des kilomètres, acquérir des droits de passage, respecter les réglementations et les normes gouvernementales et éviter de modifier l’écologie le long des routes.

Un certain nombre de sociétés d’hyperloop continuent de travailler à la création de systèmes viables. Dans certains cas, la pandémie de COVID-19 a ralenti les progrès, les gouvernements se tournant vers des problèmes plus urgents. C’est pourquoi Virgin Hyperloop a arrêté les travaux sur son projet en Inde, a déclaré un porte-parole de DP World, entreprise mondiale de logistique de la chaîne d’approvisionnement, propriétaire majoritaire de Virgin Hyperloop.

L’arrêt du projet était « davantage une question réglementaire et politique. Ils ont changé de priorités », a déclaré Daniel Van Otterdijk, directeur de la communication du groupe DP World.

TransPod, située à Toronto, avait prévu construire une piste d’essai hyperloop de taille réduite à Limoges, en France, d’ici 2019, mais cela a été retardé ; la construction a commencé, a déclaré Sébastien Gendron, PDG et cofondateur de la société. « Le plan est de faire trois kilomètres de long, a-t-il dit, mais il pourrait être plus court. »

Développement au Canada

L’entreprise prévoit également un système en surface reliant les aéroports de Calgary et d’Edmonton. La première phase consistera en une piste d’essai de cinq kilomètres à partir d’Edmonton. L’entreprise s’attend à ce qu’elle soit terminée d’ici 2025, suivie d’un processus de certification de deux ans, ce qui lui permettra de commencer la construction jusqu’à Calgary en 2027.

L’entreprise envisage un système qui pourra transporter des marchandises et, éventuellement, des personnes.

Il serait stupide de ne pas avoir un système pour les passagers.

Sébastien Gendron, PDG et cofondateur de TransPod

M. Gendron reconnaît que le financement demeure un obstacle majeur.

« Notre plus grand défi a été l’accès au capital », a déclaré M. Gendron. L’entreprise a besoin de 550 millions de dollars américains pour la construction et de 300 millions de dollars américains pour son fonctionnement. L’adhésion du gouvernement a également été une pierre d’achoppement. « Notre monde a une aversion pour le risque », a-t-il déclaré.

Hyperloop TT, établie à Los Angeles, avait encore en 2019 fait la promotion de son travail de construction d’un système aux Émirats arabes unis, mais elle s’est tournée vers d’autres projets, a déclaré Andrés De León, son PDG.

Son projet américain le plus avancé est prévu dans la région des Grands Lacs, où l’entreprise recherche des fonds privés pour mener une étude environnementale de deux ans avant de tenter de construire la route.

La société espère également obtenir le droit de planifier un système entre les villes italiennes de Venise et de Padoue. Si elle obtient le contrat, elle construira d’abord une voie d’essai de 10 kilomètres, d’un coût de 800 millions d’euros (environ 1 milliard CAN), sur une période de trois ans, mais la construction de cette voie ne commencera qu’après la réalisation d’une étude de faisabilité de deux ans.

L’hyperloop pour passagers, défi de taille

« Nous devons faire progresser un système qui transporte en parallèle des passagers, du fret léger et des conteneurs », a déclaré M. De León. « Nous voyons une énorme possibilité dans le fret, car le transport aérien coûte 10 fois plus cher que l’hyperloop. »

En effet, un système viable pour les passagers coûterait considérablement plus cher qu’un système centré sur le fret. Avec des personnes à bord, les courbes de la voie devraient être moins anguleuses pour éviter tout inconfort, et les garanties de sécurité devraient être primordiales pour s’assurer qu’un sabotage ou une défaillance du système dans le tube ne provoque pas une perte de pression catastrophique ou un manque d’oxygène pour les personnes qui voyagent.

« Faire en sorte que l’hyperloop fonctionne pour les gens est un obstacle vraiment important », a déclaré Hugh Hunt, professeur d’ingénierie dynamique et de vibrations à l’Université de Cambridge. « Faire atterrir des gens sur la Lune a coûté 10 fois plus cher que d’envoyer un vaisseau spatial non habité. »

D’autres ne sont pas d’accord sur la valeur de la création d’un système de transport de marchandises utilisant la technologie hyperloop. La décision de Virgin Hyperloop de ne pas mettre l’accent sur le développement d’un système de transport de passagers au lieu d’un système de fret était une erreur stratégique, a déclaré Walder, qui avait dirigé le MTA à New York et Transport for London avant de se joindre à l’entreprise.

« Pouvons-nous créer un système hyperloop pour passagers en 10 ans ? Probablement pas », a-t-il déclaré. « Mais il n’est pas si convaincant de créer un système pour le fret. Les avantages sont beaucoup plus limités. »

Améliorer ce qui existe déjà ?

D’autres voient un système hyperloop conçu uniquement pour le transport de marchandises comme une solution à la recherche d’un problème.

« Je ne connais pas de cas où le fret est si urgent », a déclaré Carlo van de Weijer, directeur de la mobilité intelligente à l’Université de technologie d’Eindhoven aux Pays-Bas. « La plupart des cargaisons mettent deux semaines et demie pour venir de Chine. Pourquoi faut-il soudainement le transporter quelque part en 10 minutes ? Nous sommes parfaitement satisfaits d’un camion qui roule à 80 km/h. »

M. Van de Weijer estime que les coûts d’infrastructure « immenses » associés à l’hyperloop – notamment la construction de tubes, de tunnels et de piliers – ne justifient pas la dépense.

« Si vous construisez deux kilomètres de rails, vous pouvez faire deux kilomètres », a-t-il déclaré. « Si vous construisez deux kilomètres d’une piste d’avion, vous pouvez faire le tour du monde. » Au lieu de créer un tout nouveau système, a-t-il dit, les acteurs du secteur devraient améliorer les transports à grande vitesse existants.

« Un jour, nous aurons des carburants durables pour les avions », a-t-il ajouté. « Dire que nous devrions construire un système hyperloop, c’est comme dire que parce que la diffusion en continu Netflix utilise trop d’énergie, nous devrions investir dans les magnétoscopes. Nous devrions rendre la diffusion en continu plus efficace. »

Cet article a été initialement publié dans The New York Times.

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