Le taux de propriété au Québec est au plus bas depuis plus de 20 ans, nous a appris mercredi une analyse de Statistique Canada. Pour des jeunes, le rêve d’acheter une maison est difficile à réaliser, surtout dans un contexte inflationniste. Nous avons discuté avec trois d'entre eux, profs de yoga. Alors, comment ces spécialistes de l’équilibre abordent-elles leurs finances ?

Souplesse

Elles ont en commun plusieurs points. Elles sont toutes trois au début de la trentaine, travailleuses autonomes et ne sont pas propriétaires ; elles n’ont pas de REER, pas d’assurances, mais un peu d’épargne, surtout lorsqu’un projet se pointe à l’horizon.

« J’ai décidé au mois de janvier que je voulais aller faire une retraite de yoga, alors j’ai économisé pour y arriver », explique Mélanie Langlais, qui vit dans une coop et remercie le ciel d’avoir eu la chance d’y accéder puisque le loyer très abordable lui donne beaucoup de souplesse. Avec l’accès au chalet familial, ça complète parfaitement son bonheur immobilier. « J’ai un privilège que peu de gens ont », dit celle qui partage sa vie professionnelle entre deux métiers, comédienne et professeure de yoga. « Je ne pourrais pas survivre exclusivement sur mon salaire de professeure de yoga ou je devrais faire énormément d’heures », dit-elle. Ce qu’elle ne fait pas.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Mélanie Langlais

« Je pourrais travailler plus, mais je travaille juste assez. Parce que je n’ai pas besoin de plus que ça, explique Mélanie. Si mon objectif était de m’acheter un beau grand condo, bien sûr que je devrais en faire plus, mais ça n’est pas ça, mon objectif. »

Qu’est-ce alors ?

Avoir un horaire souple qui permet de s’arrimer avec sa vie de famille, elle qui est la belle-maman de deux enfants et tient à être à la maison le soir et les week-ends.

Aussi dans ses priorités, voyager deux fois par année. Pour arriver à se dégager assez de marge de manœuvre pour réaliser ses projets, Mélanie économise ailleurs. Elle cuisine énormément pour la famille, pratique le zéro gaspillage alimentaire, transforme tout, ce qui permet d’utiliser des ingrédients de la meilleure qualité, pour un résultat final qui reste économique. « Pour moi, c’est ça, la solution, dit-elle. C’est facile de parler d’inflation, mais on devrait aussi parler d’éducation alimentaire. »

« Pour moi, le bien vivre est de pouvoir maintenant dire non à certaines choses. Selon moi, c’est ça, le luxe », poursuit-elle.

Enracinement

Les professeurs de yoga apprennent à leurs élèves l’importance de bien sentir le sol sous leurs pieds, notamment en faisant la montagne en position tadasana.

Dans ce contexte où l’accès à la propriété s’effrite, envisagent-elles d’être propriétaires un jour ?

Oui, avoue Alexandrine Brouilly, la seule du trio qui a ce projet, qui lui semble être souvent un but inatteignable.

« J’ai 34 ans et parfois je me dis que je devrais vivre dans un endroit avec un beau plancher ! Pourquoi je n’ai pas de frigo en acier inoxydable ? Pourquoi je n’ai pas une aire ouverte ? », se demande-t-elle à voix haute, avouant aussi que la planification financière qui lui permettrait de définir et d’atteindre son objectif lui semble être… une montagne !

« Je commence à penser qu’un jour, je vais prendre ma retraite », poursuit Alexandrine.

« J’aimerais voir un planificateur financier, mais dans ma tête, un planificateur financier, c’est un monsieur à qui je n’ai pas envie de parler parce qu’il ne va pas comprendre ma réalité, explique Alexandrine Brouilly. Je cherche quelqu’un qui va m’aider, me comprendre, et qui ne va pas me juger parce que je n’ai pas de REER. »

Avec le contexte économique actuel, la pression s’accentue et les finances, notamment l’accès à la propriété, sont devenues un sujet de discussion comme ça ne l’avait jamais été. « Avec mes amies, on parle constamment de ça. »

Équilibre

« Quand je suis arrivée à Montréal il y a trois ans, je faisais du 21 cours semaine, et c’est énorme, aux quatre coins de la ville, pour un salaire de base », raconte Gabrielle Ouellet, qui aspire aujourd’hui à une charge de travail plus équilibrée et souhaite y parvenir avec des horaires plus stables.

« Est-ce que je vais avoir assez de cours ? Est-ce que je vais avoir trop de cours et je vais me brûler ? Je dois trouver mon équilibre dans tout ça. »

Gabrielle a exercé un autre métier auparavant, avec un horaire stable et des avantages sociaux. Malgré l’incertitude qui vient avec le début d’une carrière de professeure de yoga, elle ne regrette pas son choix et affirme bien gagner sa vie.

Ce qui veut dire ?

« Ne pas stresser quand tu vas à l’épicerie et quand tu paies ton loyer », répond-elle tout de go.

Quant à l’épargne, ça devra attendre.

« Je sais que c’est important, mais je n’y pense pas tant. En tant que travailleuse autonome, je suis beaucoup dans le moment présent, explique Gabrielle Ouellet. On sort de la pandémie. Ça n’était pas un bon moment pour un prof de yoga pour mettre de l’argent de côté. Nous étions dans la recherche de contrats, la recherche de façons de se renouveler, de continuer à faire notre travail alors qu’on se demandait si c’était toujours viable. »