Les Madelinots continueront de brûler du mazout pour se chauffer et s’éclairer pendant encore un bon bout de temps, puisque la Régie de l’énergie a refusé le projet d’Hydro-Québec de relier l’archipel à son réseau au moyen d’un câble sous-marin.

Le projet évalué à 1,9 milliard de dollars n’a pas été jugé assez solide par le tribunal administratif.

« Sur la base de la preuve présentée, la Régie n’est pas convaincue que la solution privilégiée par le distributeur est optimale en regard des orientations retenues, plus particulièrement pour ce qui est de la réduction des coûts d’approvisionnement et de l’acceptabilité sociale », a tranché la Régie au terme d’un long examen de la proposition d’Hydro-Québec.

La saga de l’alimentation en électricité des Îles-de-la-Madeleine dure depuis plus d’une décennie. Après avoir jonglé avec plusieurs possibilités, comme la construction d’un parc éolien ou le remplacement du mazout par du gaz naturel pour alimenter la centrale existante, Hydro-Québec avait finalement décidé en 2018 de relier l’archipel à son réseau avec un câble sous-marin de 225 kilomètres entre la Gaspésie et Cap-aux-Meules.

Ce projet a ensuite été jugé trop coûteux et abandonné, avant d’être récupéré et annoncé officiellement par Hydro-Québec et le ministre de l’Énergie Jonatan Julien en 2021. L’investissement nécessaire était alors estimé à 1 milliard.

Le projet finalement soumis par Hydro-Québec à la Régie de l’énergie est maintenant estimé à 1,9 milliard. Compte tenu de l’importance des sommes en jeu, la Régie a jugé qu’elle n’avait pas reçu assez d’information sur le projet et les autres options possibles, et elle demande à la société d’État de refaire ses devoirs.

Les 13 000 habitants de l’archipel sont alimentés en électricité par une centrale thermique qui brûle 40 millions de litres de mazout par année. Il s’agit du réseau autonome qui émet le plus de gaz à effet de serre (GES) au Québec.

6 options, 17 variantes

Hydro-Québec dit avoir examiné 6 options et 17 variantes dérivées de ces options pour décarboner le réseau d’électricité des Îles-de-la-Madeleine, avant de privilégier le raccordement de l’archipel au moyen d’un câble sous-marin et le maintien de la centrale au mazout qui fonctionnerait en cas de panne et lorsque le réseau d’électricité serait très sollicité en période hivernale.

Deux des autres scénarios présentés par Hydro-Québec, qui impliquent la conversion de la centrale afin de passer du mazout au gaz naturel et l’ajout de production éolienne, ont été jugés aussi intéressants que le scénario retenu par la société d’État et méritent d’être étudiés davantage, a tranché la Régie.

Ces deux scénarios offrent des réductions des émissions de GES comparables à celles de la solution privilégiée, et ce, à moindre coût, peut-on lire dans la décision. Ces options « méritent de bénéficier du même traitement que celui qui a été réservé par le Distributeur [à] la solution privilégiée ».

Le rejet du projet de raccordement des Îles-de-la-Madeleine signifie que la centrale au mazout continuera de polluer encore des mois, sinon des années, le temps qu’Hydro-Québec étudie en profondeur les autres scénarios et revienne devant la Régie de l’énergie.

Plusieurs des intervenants qui ont participé à l’examen du projet devant la Régie ont critiqué la démarche d’Hydro-Québec, bien que son objectif de décarboner la production d’électricité aux Îles-de-la-Madeleine fasse l’unanimité. Ils lui reprochent surtout d’avoir présenté des scénarios alternatifs sans les avoir examinés sérieusement, dans le seul but de faire valoir la solution qu’elle a retenue.

L’un de ces intervenants, le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE), a souligné que le coût du projet est passé de 600 millions à 1,9 milliard, ce qui mérite une justification suffisante qui n’a pas été fournie à la Régie de l’énergie.

« On n’était pas opposé au câble et on souhaite la décarbonation du réseau électrique des Îles, à condition que les choses soient faites comme elles doivent être faites », a précisé Jean-Pierre Finet, analyste du ROEE.

Le réseau électrique des Îles continuera d’émettre des GES pendant plus longtemps que prévu, mais entre-temps, des mesures d’efficacité énergétique peuvent être prises pour réduire la consommation et les émissions de la centrale, estime-t-il.

Il n’a pas été possible de joindre le maire par intérim des Îles-de-la-Madeleine mardi. De son côté, Hydro-Québec n’a pas voulu faire de commentaires et a dit vouloir prendre le temps d’analyser la décision de la Régie de l’énergie et son impact sur l’échéancier prévu. L’archipel devait être raccordé au réseau électrique québécois en 2025, prévoyait la société d’État.

« Hydro-Québec prend acte de la décision de la Régie de l’énergie qui demande la réalisation d’études supplémentaires relativement aux différents scénarios envisagés », a fait savoir la société d’État dans un communiqué après la publication de la décision.