Le gouvernement Legault mise de plus en plus sur Investissement Québec (IQ), mais cela s’accompagne d’une facture d’honoraires qui ne cesse de grimper. Elle vient de franchir la barre des 100 millions et n’a pas fini d’augmenter, reconnaît le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon.

Afin de réaliser les mandats confiés par le gouvernement québécois, le bras financier de l’État recevra une somme de 108 millions en guise de rémunération pour l’exercice qui s’est terminé le 31 mars dernier, selon un récent décret publié dans la Gazette officielle. Il s’agit d’une hausse annuelle de 37 %.

« La réponse est oui, je m’attends à voir une augmentation l’année prochaine [exercice 2022-2023], explique M. Fitzgibbon, en entrevue. Il y a eu des transferts chez IQ et des embauches additionnelles pour certains mandats. Il va encore y avoir des augmentations. »

IQ porte plusieurs casquettes. La société d’État intervient avec ses fonds propres – où les décisions sont approuvées par son conseil d’administration –, mais elle agit aussi comme mandataire pour le gouvernement du Québec lorsque vient le temps d’attribuer du financement.

Le bras financier gouvernemental joue ce deuxième rôle au moment d’effectuer des interventions par l’entremise du Fonds du développement économique (FDE), du fonds Capital ressources naturelles et énergie (CRNE) et du Fonds pour la croissance des entreprises québécoises (FCEQ) – trois outils qui permettent à l’État d’intervenir directement dans l’économie. C’est sur cet aspect que Québec lui verse une somme annuelle en honoraires.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Legault a élargi le rôle d’Investissement Québec dans le but d’accélérer l’investissement des entreprises, d’attirer davantage d’investissements étrangers et d’accroître les exportations québécoises.

Plus gros, plus cher

M. Fitzgibbon explique l’augmentation marquée des frais d’honoraires versés à IQ pour son rôle de mandataire par trois facteurs : le transfert d’employés du ministère de l’Économie et de l’Innovation ainsi que d’autres entités chez IQ, l’ajout de ressources pour certains « mandats ciblés » ainsi qu’une augmentation de la rémunération du personnel.

« Prenons la filière batterie, on a engagé sept ou huit personnes de plus, dit-il. Je pense que l’on va sûrement conclure, dans les prochaines années, que ç’aura été un bon investissement. »

Selon son plus récent rapport annuel, IQ comptait 1022 employés permanents le 31 mars 2021 – une hausse de 80 % par rapport au même moment l’année précédente. Puisque le gouvernement Legault a bonifié les activités de la société d’État, elle a accueilli 168 employés du ministère de l’Économie et les 210 travailleurs du Centre de recherche industrielle du Québec, dont la gestion a été confiée à IQ.

Interrogé sur la progression du montant des honoraires, Luc Bernier, professeur à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, reconnaît qu’il s’agit d’un « moyen saut ».

« Est-ce qu’on doit confier à un organisme autonome toute cette gestion économique et ne plus la réaliser par l’entremise du ministère [de l’Économie] qui est censé la faire ? », se demande-t-il.

Selon l’expert, il est difficile, pour l’instant, d’analyser l’augmentation importante des honoraires versés à IQ par le gouvernement Legault. Le portrait des prochaines années sera à suivre. Même si la facture est appelée à augmenter, elle n’ira pas jusqu’à doubler, assure M. Fitzgibbon.

Frais en hausse

Si IQ en fait plus pour Québec, le ratio des frais de gestion – les dépenses en pourcentage de l’actif géré – pour le FDE, le CRNE et le FCEQ ne cessent d’augmenter. Cet indicateur a grimpé de 16 centièmes de points de pourcentage entre 2019 et 2021, pour atteindre 0,41 %. Pourtant, la tendance a été à la baisse du côté des fonds propres de la société d’État.

Interrogé sur le sujet, le ministre de l’Économie a voulu tempérer l’augmentation de l’indicateur en affirmant qu’il ne fallait pas l’analyser annuellement. Il a repris l’exemple de la filière des batteries.

« Ça fait un an et demi qu’on travaille là-dessus, et on commence à en récolter les fruits, affirme le ministre. Pendant cette période, tu as des dépenses, mais zéro investissement. La nature des opérations fait en sorte qu’il faut faire attention à ces statistiques. »

L’augmentation du ratio des frais de gestion pour le segment des activités mandataires d’IQ doit finir par se stabiliser, reconnaît M. Fitzgibbon. Celui-ci n’a toutefois pas précisé jusqu’à quel point le ratio de frais de gestion allait continuer à grimper.

En savoir plus
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    Le portefeuille d’Investissement Québec était estimé à 6 milliards le 31 mars 2021.
    Source : Investissement Québec