Une carte café ou un trophée ? Une épinglette ou un souper ? Certaines organisations sont plus douées que d’autres pour souligner l’anniversaire de services de leurs employés. Tour d’horizon du plus touchant au plus surprenant, enrobé de réflexions sur l’importance de la reconnaissance en entreprise.

En décembre dernier, une carte du centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSSMB) glissée dans son pigeonnier attire l’attention de Myriam Gaumond. Son nom n’y apparaissant pas, elle croit sur le coup à une publicité. En l’ouvrant, elle tombe sur un signet au bas duquel est inscrit le chiffre 25. « J’ai demandé autour de moi ce que c’était, raconte la professeure du primaire. Une collègue a dit qu’elle avait reçu la même chose pour ses 10 ans d’ancienneté. »

« Cette année, vous avez franchi une étape importante de votre vie professionnelle, lit-on dans la carte. Le signet marque une pause dans la lecture. Il permet de prendre un moment pour faire le point et imaginer la suite. C’est vrai dans la vie, comme dans un livre. »

PHOTO FOURNIE PAR MYRIAM GAUMOND

Signet offert par le CSSMB

L’imagination de Myriam Gaumond s’emballe après sa lecture : lui offre-t-on un congé ? Un voyage ? Jusqu’à ce qu’elle constate que la pause, c’était simplement… le signet. « J’étais totalement insultée, admet-elle. Je ne vaux pas plus qu’un bout de carton pour mes 25 ans ! »

Au département des ressources humaines du CSSMB où elle a téléphoné, Mme Gaumond a fait savoir qu’il valait mieux ne rien envoyer tant qu’à offrir un signet. « Je ne serais pas passée par toutes ces émotions si je n’avais pas eu ce cadeau ! », résume-t-elle.

Joint par La Presse, le CSSMB s’est dit surpris, par courriel, de la réaction de la professeure.

« Le signet s’est récemment ajouté à ce qui était déjà en place depuis plusieurs années au sein de notre organisation, a écrit le Bureau des communications. Les membres du personnel du centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys qui célèbrent leurs 25 ans de service ont l’occasion de souligner ce passage professionnel important lors d’une belle soirée reconnaissance. Ils sont également invités à choisir un cadeau parmi une sélection de commerces québécois. Le signet personnalisé aux 25 ans de service est une nouveauté initiée voilà quelques mois à peine et il s’ajoute à ce que nous avions déjà en place. […] Nous avons recommandé aux directions d’établissement de remettre celui-ci lors d’une assemblée du personnel de l’école pour ainsi souligner, avec leurs pairs, leur importante contribution au sein du CSSMB. »

Myriam Gaumond soutient qu’elle n’a pas eu vent d’une soirée reconnaissance et n’a pas eu la possibilité de choisir parmi une sélection de commerces québécois, mais c’était une idée qu’elle avait proposée.

Au goût de chacun

« C’est très important d’offrir un article que les gens désirent, souligne François Fortier, président-fondateur d’Applauz (logiciel de mobilisation). Si j’attends 25 ans pour avoir une épinglette ou un trophée, c’est sans valeur et ça va se retrouver dans la poubelle. Les gens veulent des objets personnalisés. »

« Le signet n’est pas problématique en soi, analyse Julie Lajoie, directrice principale d’Altrum Reconnaissance. Mais le fait qu’il ne soit pas personnalisé est un des problèmes. »

Il n’est pas nécessaire de frôler la faillite pour faire plaisir. « L’aspect social pour les jeunes est très important, signale à titre d’exemple Julie Lajoie. Il faut toutefois faire attention de ne pas généraliser ce qu’est la génération Z. Il faut être diversifié dans ses gestes, connaître les préférences de chacun. »

PHOTO FOURNIE PAR ALTRUM

Julie Lajoie, directrice principale d’Altrum Reconnaissance.

Pour certains, c’est un trophée, pour d’autres, un congé. C’est difficile de personnaliser, mais il faut éviter le one-size-fits-all.

Julie Lajoie, directrice principale d’Altrum Reconnaissance

Des idées inspirantes

Chez Pedlex, après 10 ans de loyaux services, les employés reçoivent une montre d’une valeur de 500 $. La direction offre le cadeau lors d’une soirée dans un hôtel en compagnie des 45 employés de l’entreprise et des conjoints. « On peut bien donner une montre à 25 ans, mais il faut qu’il y ait plus que ça, sinon, ça n’a pas de valeur, soutient cependant le président Francis Poirier, dont l’organisation a un agenda de gestes de reconnaissance bien rempli. Les patrons et gestionnaires doivent agir au quotidien, ne serait-ce qu’un bonjour tous les matins. Le cadeau fait partie d’une équation. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Francis Poirier, président de Pedlex

Depuis décembre, chez Axial, à Sherbrooke, un mur de photos des « célébrités » encadrées accueille les 23 employés de l’agence de marketing numérique et de développement web. « Chaque année, on a prévu que l’employé change lui-même une pastille en bas du cadre indiquant ses années de service », explique Claudine Humbert, directrice de comptes d’Axial. On valorise le passage annuel. Aux 5e et 10anniversaires, on remplace le tout par une photo et un cadre plus grands. Reconnaître l’engagement aide à la fierté et au sentiment d’appartenance. Et ça ne coûte pas cher dans le cas de notre mur. »

PHOTO FOURNIE PAR AXIAL

Mur des « célébrités » de l’agence Axial

Axial offre aussi une montre au 10anniversaire professionnel des employés. Mais pas une montre unique livrée à tous. « On est une équipe assez petite pour comprendre les goûts des gens et personnaliser les cadeaux », dit Daniel Giroux, président d’Axial.

En somme, le qualitatif doit l’emporter sur le quantitatif ; et la reconnaissance, sur la récompense. « Plus que jamais, on parle de fidéliser les gens, dit Julie Lajoie. Ce doit être au quotidien. Si pour un employé, le travail d’équipe est important, il s’attendra à ce que l’entreprise souligne la collaboration. »

Bon 1er anniversaire !

Alors qu’on associe les millénariaux et les membres de la génération Z à des personnes qui changent de décor professionnel tous les deux ans, souligner un 25anniversaire pourrait être un concept aussi inatteignable que ringard pour eux.

« Les gens butinent davantage, constate Julie Lajoie. On touche une fraction des employés avec les cadeaux d’anniversaire. Il faut revoir la formule, comme souligner la présence d’un nouvel employé dès son premier jour dans l’entreprise. On peut continuer de célébrer les années d’ancienneté, mais il doit y avoir autre chose. »

« Reconnaître un employé loyal n’est pas obligé d’être lié à un cadeau, dit François Fortier. Ça peut être par la création d’une vidéo. Gardez le budget pour autre chose ! »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

François Fortier, président-fondateur d’Applauz

Je ne crois pas aux anniversaires des entreprises, mais à la reconnaissance. Une plaque, un presse-papier, je mets ça où ?

François Fortier, président-fondateur d’Applauz

Et puis, comme tout est lié à la rétention, mieux vaut entrer dans son argent. « Un cadeau de reconnaissance pour les 5 ans d’un employé n’est pas le plus gros retour sur l’investissement en termes de mobilisation, poursuit François Fortier. On voit de plus en plus des premiers anniversaires soulignés pour contrer les avis de départ et gâter rapidement. Cela dit, c’est quand même une bonne façon d’offrir un cadeau non imposable, tant que ce n’est pas pécuniaire ni une carte-cadeau. »

« Ça coûte cher quand tu n’as pas l’impact désiré, ajoute Julie Lajoie. Ce n’est pas facile pour le secteur public, car il n’y a pas beaucoup de budget. Mais il y a moyen d’être créatif. »

Ironiquement, Myriam Gaumond n’a jamais eu besoin d’un cadeau pour se sentir valorisée et appréciée par son supérieur immédiat. « J’adore mon travail au quotidien, dit-elle. Mon directeur d’école reconnaît mon travail. Je suis au même endroit depuis 20 ans. »

Le trophée n’est pas mort

Jean-Philippe Caron, président et chef de la création de Protocole Trophées d’exception, a récemment lancé le site Ovatio. Celui-ci permet de créer gratuitement et rapidement un trophée virtuel pour un employé, un ami, un élève, une infirmière. En quelques clics, on choisit la forme, la texture et le message à inscrire sur l’objet virtuel. On envoie ensuite le cadeau, par courriel notamment. Les combinaisons sont multiples.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Jean-Philippe Caron, fondateur d’Ovatio et Protocole

« La reconnaissance, c’est essentiel, juge Jean Philippe Caron. Elle donne une sécurité à la personne au travail. »

N’eût été la pandémie, le site d’Ovatio n’aurait peut-être jamais vu le jour. « Quand la pandémie est arrivée, mon carnet de commandes a fondu de 95 % instantanément », se remémore celui qui conçoit des trophées sur mesure depuis des années pour des galas, entreprises et autres Grand Prix de Formule 1. « Je me suis alors lancé pour le plaisir dans la conception de trophées virtuels 3 D. Rapidement, une entreprise m’a approché pour son gala virtuel. Beaucoup de gens vont sur le site pour un clin d’œil, souligner un anniversaire, une promotion. »

Même si le développement de la plateforme a coûté 200 000 $, les entreprises et particuliers y ont accès gratuitement. Une version payante, Ovation Exclusif, permet toutefois aux entreprises de s’approprier des textures, arrière-plan et trophées exclusifs et personnalisés. « L’image de marque peut ainsi être valorisée, estime Jean-Philippe Caron. Cela dit, je veux que tous utilisent la plateforme selon leurs moyens. Des professeurs y accèdent pour leurs élèves. Peut-être que des PME finiront par recourir au site pour des créations exclusives. C’est gagnant pour tout le monde. »

Alors que certains lèvent le nez sur des trophées d’entreprise, le président de Protocole et Ovatio estime que cet objet n’a pas dit son dernier mot.

Tous les goûts sont dans la nature. Cela dit, la demande explose au sortir de la pandémie. Des clients disent qu’il faut mobiliser les troupes plus que jamais.

Jean-Philippe Caron, fondateur d’Ovatio et de Protocole

« Mes affaires remontent. Il y a aussi une fierté d’exposer son trophée et une grande valorisation d’en donner », dit-il.

Le sur-mesure reste la clé, selon l’entrepreneur. « Toutes les semaines, je crée des trophées sur mesure, alors que des entreprises regardent encore des catalogues de trophées en cristal faits en Chine. Grâce à la personnalisation, l’employé reconnaît les valeurs de l’entreprise. Il sent la démarche de son employeur. »