(Ottawa) La Loi sur la concurrence doit être dépoussiérée afin de mieux protéger les consommateurs et les travailleurs tout en encourageant une saine concurrence entre les entreprises, estime le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne.

L’exercice que compte mener le ministre Champagne devrait répondre aux doléances du commissaire Matthew Boswell, qui dirige le Bureau fédéral de la concurrence.

En octobre dernier, M. Boswell déplorait dans une entrevue accordée à La Presse que le Canada tardait à moderniser ses lois en matière de concurrence, tandis que les États-Unis, l’Europe, le Royaume-Uni et l’Australie s’activaient à le faire. Au Canada, la présente mouture de la Loi sur la concurrence n’a pas été mise à jour depuis 2009.

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M. Champagne a jeté les premières bases de cet exercice lundi en annonçant que le gouvernement fédéral maintenait le seuil actuel pour les préavis de fusion de la Loi sur la concurrence à 93 millions de dollars, soit le même niveau qui était en vigueur en 2021, malgré un taux d’inflation qui a atteint l’an dernier le niveau le plus élevé en près de 30 ans.

Concrètement, cela veut dire que toutes les transactions de 93 millions de dollars et plus doivent être signalées au Bureau de la concurrence. Cet organisme doit par la suite déterminer si un examen approfondi s’impose pour s’assurer que les transactions proposées n’auront pas pour effet de réduire la concurrence.

« Le but, c’est de s’assurer que l’on rende les prix les plus abordables au pays tout en ayant une économie qui est compétitive. La Loi sur la concurrence est un outil que nous avons dans notre coffre. Donc, il faut la moderniser pour protéger davantage les consommateurs et assurer une saine concurrence », a affirmé le ministre Champagne à La Presse.

« La concurrence, c’est une force motrice de l’innovation. Cela nous permet aussi d’avoir des chaînes d’approvisionnement qui sont concurrentielles et ça permet aux consommateurs d’avoir des prix abordables », a-t-il ajouté.

Entre autres choses, le ministre a dans sa ligne de mire des changements à la loi qui forceront les entreprises à la plus grande transparence en matière d’affichage de prix.

Le but est de contrer les campagnes publicitaires trompeuses qui bernent les consommateurs. À titre d’exemple, des entreprises de location de véhicules affichent des prix de location de 19,95 $ par jour. Mais ce prix affiché est fragmentaire. Il ne comprend pas d’autres frais comme les assurances et le kilométrage, de sorte que la facture finale frise souvent les 80 $. Aux yeux du ministre, une telle pratique est inacceptable.

Une action collective a d’ailleurs été autorisée par la Cour supérieure du Québec contre U-Haul. Le plaignant, Benjamin Viot, allègue que l’entreprise annonce la location de camions à un prix auquel aucun client ne peut accéder.

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Parallèlement, M. Champagne est d’avis qu’il faut protéger davantage les travailleurs dans certains secteurs où l’on assiste à des ententes informelles de fixation des salaires. Dans sa mouture actuelle, la Loi sur la concurrence est muette sur ce genre de collusion.

Le ministre compte également moderniser le régime de sanctions en vigueur afin de s’assurer qu’il impose des amendes plus salées qui auront un effet dissuasif sur les comportements commerciaux dommageables. À l’heure actuelle, l’amende maximale qui peut être imposée est de 10 millions de dollars.

Récemment, Keurig Canada s’est vu imposer une amende de 3 millions par le Bureau de la concurrence pour avoir fait de fausses déclarations environnementales selon lesquelles ses capsules K-Cup à usage unique seraient recyclables.

En 2020, Facebook a été contraint de payer une amende de 9 millions de dollars pour avoir induit les utilisateurs en erreur au sujet des règles concernant la vie privée. Selon le commissaire Matthew Boswell, une amende de 9 millions de dollars à Facebook n’a pas d’effet dissuasif.

Un autre paramètre de la démarche que le ministre Champagne entreprend visera d’ailleurs à adapter la Loi sur la concurrence au monde numérique actuel dominé par les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft).

« Les changements que nous avons en tête touchent directement les consommateurs, les travailleurs et les travailleuses et les entreprises. C’est important, surtout dans le contexte que l’on voit aujourd’hui », a indiqué le ministre en faisant allusion aux pressions inflationnistes.

« On a déjà vu des entreprises dans certains secteurs qui s’entendent sur les salaires qui sont accordés. Cela freine la mobilité et cela freine les opportunités dans un marché où on connaît une pénurie de main-d’œuvre. Il faut protéger les travailleurs pour qu’ils puissent se donner de meilleures conditions », a-t-il insisté.