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Au cours de la période des Fêtes, je lisais des commentaires sur les avancées ou, pour certains, les échecs, de la COP26, ce grand rendez-vous climatique de novembre dernier. J’ai alors pris connaissance des détails du Breakthrough Agenda qui avait été annoncé par le premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson.

PHOTO DWAYNE BROWN, FOURNIE PAR DENIS LECLERC

Denis Leclerc, président et chef de la direction d’Écotech Québec

Une quarantaine de gouvernements s’étaient alors engagés à collaborer avec les entreprises pour intensifier et accélérer le développement et le déploiement de technologies propres. L’objectif de ces pays, qui représentent environ 70 % de l’économie mondiale, est de rendre ces innovations pour le climat et l’environnement plus abordables et plus accessibles. Je me suis alors mis à réfléchir aux façons d’y arriver, et j’ai alors pensé aux artistes du Québec.

Les artistes québécois sont reconnus pour leur savoir-faire et leur créativité, tout en contribuant à la vitalité et à l’enrichissement de nos milieux de vie. D’ailleurs, les œuvres d’art des artistes d’ici font la fierté des Québécoises et des Québécois.

Il y a 60 ans, le gouvernement du Québec a adopté une Politique gouvernementale d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement des bâtiments et des sites gouvernementaux et publics. Cette Politique oblige l’intégration d’une œuvre d’art dans les constructions ou les rénovations d’édifices du gouvernement (ministères et organismes), de même que pour les projets financés par l’État et dont le site est ouvert au public. Ce fut le cas pour le Centre Vidéotron et le parc Chauveau à Québec, et pour le CUSM et l’Auditorium de Verdun à Montréal.

Au dernier décompte disponible du ministère de la Culture et des Communications, près de 4000 œuvres d’art ont été intégrées à des bâtiments et à des sites publics, totalisant plus de 125 millions en contribution au secteur culturel.

Pourquoi cette politique qui fonctionne bien pour nos artistes culturels ne pourrait-elle pas inclure nos artisans qui conçoivent des innovations durables pour lutter contre les changements climatiques ou pour assainir l’environnement ?

De la valorisation de la chaleur pour chauffer un hôpital, à la ventilation intelligente dans les édifices, en passant par l’installation d’un mur solaire pour alimenter une bibliothèque ou décontaminer les eaux municipales par un courant électrique, les innovations de ces créatrices et ces créateurs sont encore trop peu connues. Pourquoi ?

C’est qu’au Québec, peu de vitrines technologiques existent pour mettre en lumière et démontrer les avantages des technologies propres d’ici, et ainsi contribuer à les déployer à plus grande échelle.

Ailleurs dans le monde, la Finlande, pays moins peuplé que le Québec, mais pourtant reconnu comme un leader dans la commercialisation des technologies, est devenu l’un des endroits les plus verts du monde. Il y a plusieurs années, la Finlande s’est fixé comme objectif de consacrer au moins 1 % de la valeur totale des dépenses annuelles du pays en matière de marchés publics aux technologies propres. Résultat : avec cette culture audacieuse de l’expérimentation, la Finlande se classe maintenant au premier rang mondial pour le volume d’investissements publics dans la recherche et le développement propres, et au deuxième rang mondial pour la proportion occupée par son secteur des technologies propres dans son produit intérieur brut.

Le levier des marchés publics, une occasion à saisir

La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, devrait dévoiler prochainement la stratégie gouvernementale pour les marchés publics. Son collègue ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, fera connaître également la nouvelle stratégie gouvernementale de développement durable au cours des prochains mois.

Comme la Finlande, l’État québécois et les municipalités dépensent des dizaines de milliards de dollars chaque année en achats publics de biens et services. Grâce à une Politique du 1 % qui inclurait les innovations climatiques, le gouvernement du Québec aurait alors une formidable occasion de soutenir nos artisans québécois en technologies propres tout en misant sur une relance économique verte.

Imaginez le jour où nos écoles, nos hôpitaux, nos infrastructures et autres lieux du genre contribueront à améliorer la qualité de notre environnement tout en devenant des vitrines de notre savoir-faire pour contrer les changements climatiques et préserver notre environnement.

Et en combinant des critères de performance obligatoires dans les appels d’offres publics de manière à valoriser l’innovation et l’atteinte des objectifs économiques et environnementaux, le Québec ferait vraiment preuve d’audace.

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