(Toronto) Le recrutement de cadres supérieurs est devenu plus ardu pendant la pandémie de COVID-19, disent des experts en matière de gouvernance d’entreprise et d’embauche. La recherche de candidats nécessite une plus longue période et les négociations sont plus intenses.

D’un côté, plusieurs hésitent à changer de poste. De l’autre, il est plus difficile d’embaucher quelqu’un sans lui parler en personne, dans un bureau ou devant un repas.

« Le processus est devenu plus long. Selon moi, cela se produit peut-être au pire moment », convient un ancien banquier Adam Dean, fondateur de Dean Executive Search.

La période de recherche d’un candidat pouvait s’étendre de neuf à douze mois, dit-il. Aujourd’hui, elle s’est rallongée. Le phénomène survient au moment où les entreprises sont confrontées à des bouleversements extrêmes.

La pandémie a bouleversé leurs modèles commerciaux. Elle a contraint les entreprises à se retourner sur elle-même à tout moment.

En 2021, des cadres supérieurs d’Air Canada, de Shopify, de RioCAn REIT et de l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada ont tous quitté leur poste, contraignant ses entreprises à se tourner vers un plan de relève à l’interne ou à l’extérieur. Les rencontres avec des membres d’un conseil d’administration, une belle occasion de se faire connaissance, ont été remplacées par des entrevues en ligne.

Le recrutement de candidats externes est devenu particulièrement difficile, car de plus en plus de gens ne veulent pas quitter leur poste pendant la crise, note Richard Leblanc, un professeur de gouvernance, de droit et d’éthique à l’Université York.

Pour eux, un changement d’emploi en temps de pandémie comporte trop de risques, mentionne-t-il. Certains sont loyaux envers leur entreprise et préfèrent ne pas abandonner des titres de participation non acquis.

Un processus différent

Quant à ceux qui sont ouverts à obtenir un nouveau poste, ils sont confrontés à un processus de recrutement très différent.

L’embauche de cadres supérieurs impliquait auparavant trois ou quatre entretiens en personne. Un repas pouvait être organisé afin d’en savoir plus sur les manières d’un candidat, sa capacité à naviguer dans des situations sociales ou à traiter avec les clients, ou même leur vie de famille.

Si un candidat convainquait l’entreprise, on appelait les références pour une dernière vérification et on signait le contrat.

Le Pr Leblanc dit constater que des entreprises appellent les références au début du processus. Ensuite, elles organisent des premières entrevues en ligne avec un candidat. Ensuite, si les directives de la santé publique et le confort le permettent, un entretien final en personne pourra avoir lieu.

Parfois, ces repas se déroulent… en ligne, avec une variante.

« À la deuxième ou troisième entrevue, je vois une cuisine, je vois des boissons. Elles tentent d’imiter un repas », dit le Pr Leblanc.

Il peut même arriver que des entreprises invitent le compagnon ou la compagne d’un ou d’une candidat afin de savoir ce qu’il pense de ce nouvel emploi, s’il est prêt à déménager ou ses objectifs à long terme.

« Mais ce n’est tout simplement pas la même chose, ajoute le Pr Leblanc. Quand on recrute quelqu’un, on veut le regarder dans le blanc des yeux. »

Ceux qui franchissent avec succès ce processus possèdent un bon pouvoir de négociations pour leurs conditions de travail, indique Adam Dean. « Les candidats qui sont prêts à déménager représentent un plus. Ceux qui sont prêts aux changements peuvent dicter des conditions. »

Beaucoup recherchent une rémunération annuelle minimale garantie sur une longue période, mentionne M. Dean.

Le Pr Leblanc a également entendu parler d’entreprises et de candidats négociant des conditions qui aident à maintenir un équilibre travail-famille, notamment sur la question du télétravail.

Selon lui, le recrutement redeviendra plus normal lorsque la vaccination sera généralisée et les restrictions assouplies. Sans doute, les entreprises conserveront certaines étapes actuelles, comme la vérification précoce des antécédents ou les premières entrevues virtuelles avant de rencontrer un candidat en personne.

« On va sélectionner ce que l’on aime dans un environnement virtuel, mais nous ne reviendrons pas complètement à la normale. »

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