(Ottawa) L’industrie du plastique intente une poursuite contre le gouvernement fédéral en réaction à sa récente décision de désigner tous les produits en plastique comme étant toxiques.

Une nouvelle entité, sous le nom de la Coalition pour une utilisation responsable du plastique (CURP), a déposé un avis de requête auprès de la Cour fédérale du Canada pour contester le décret prévoyant l’ajout de tous les produits manufacturés en plastique à la liste des substances toxiques.

La requête s’adresse aux ministres de l’Environnement et des Changements climatiques, de la Santé et au procureur général du Canada.

Le 12 mai, le gouvernement fédéral a ajouté tous les produits manufacturés de plastique à la liste des substances toxiques inscrites dans la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE). Ils sont dorénavant considérés comme ayant un effet nocif sur l’environnement ou la diversité biologique.

Si la décision a été saluée par les groupes environnementaux, elle provoque la grogne au sein de l’industrie pétrochimique qui touche de près ou de loin les polymères et les plastiques.

Coalition d’entreprises pétrochimiques

La CURP, qui regroupe près d’une trentaine d’entreprises au pays comme Dow Chemicals, Imperial Oil et Nova Chemicals, soutient que la désignation de tous les produits en plastique comme étant « toxiques » est inexacte, selon elle, et pourrait résulter en une augmentation des coûts pour les consommateurs.

Elle rappelle que les Canadiens comptent sur le plastique dans leur vie quotidienne, que ce soit pour des conduites d’eau potable, de l’équipement de protection ou des emballages alimentaires.

Nos produits sont conçus pour conserver la fraîcheur et assurer la salubrité des aliments et de l’eau. […] Laisser entendre que le plastique pose un risque […] est non seulement dangereux, mais aussi tout à fait trompeur.

Stephen Emmerson, PDG d’Emmerson Packaging, dans un communiqué de presse.

« Les matériaux plastiques ont de grandes vertus et continuent de démontrer à quel point elles sont essentielles à la société. Les Canadiens méritent une réponse responsable et efficace au problème des déchets au Canada », a renchéri Luis Sierra, PDG de Nova Chemicals, dans ce même communiqué.

Dans sa requête à la Cour fédérale, déposée mardi en fin de journée, la Coalition fait valoir que le décret fédéral est inconstitutionnel puisqu’il vise en réalité les déchets plastiques, et que la gestion des déchets relève de la compétence des provinces.

Elle argue également que le décret est déraisonnable, puisqu’il vise tous les produits faits de plastique alors que seules les microbilles en plastique ont été associées à un risque potentiel.

Finalement, la CURP estime que le cabinet ministériel a outrepassé ses pouvoirs en ajoutant des dizaines de milliers de produits de plastique à la liste des substances toxiques, alors que la Loi prévoit qu’elles doivent être ajoutées une à la fois à cette liste.

La Coalition espère faire entendre sa cause à la Cour fédérale cet automne.

Réactions à Ottawa

Les doléances de l’industrie du plastique n’ont pas trouvé écho auprès de la majorité des élus à la Chambre des communes ; sans surprise, les bloquistes et néo-démocrates penchent plutôt du côté du gouvernement libéral dans ce dossier.

Les conservateurs n’avaient toujours pas réagi à la poursuite, mercredi en fin de journée.

« Les plastiques se retrouvent sur nos plages, dans nos parcs, dans nos rues, sur nos rivages et dans d’autres endroits appréciés des Canadiens. Nous devons nous attaquer à leurs effets néfastes sur la faune et la flore », a réagi le ministre de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, par courriel.

Le ministre a rappelé que moins de 10 % des plastiques sont recyclés à l’heure actuelle, un « problème sérieux qui exige un leadership sérieux », a-t-il plaidé.

« C’est pourquoi nous demandons à l’industrie du plastique de répondre de leurs agissements en prenant rapidement des mesures pour interdire les plastiques nocifs à usage unique qui ne peuvent pas être recyclés facilement ou qui ne le sont pas », a continué le ministre Wilkinson.

Les chefs du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique ont offert des exemples concrets pour illustrer leurs positions, dans des points de presse distincts.

Les entreprises ou les conservateurs peuvent nier l’impact de la présence de microparticules de plastique dans les océans, où c’est rendu un drame terrible. Je leur suggère de faire vérifier le poisson dans leur assiette, ça se peut qu’ils en mangent.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

« Dans le passé, on a vu que les entreprises ont rejeté la science, ont essayé de poursuivre les gouvernements, on peut donner un exemple de l’industrie du tabac. […] Pour moi, ce qui est important, c’est que le gouvernement doit protéger les citoyens », a soutenu Jagmeet Singh.

Les groupes de défense de l’environnement disent espérer que cette poursuite ne retardera pas la mise en place des politiques promises par les libéraux.

« Cette contestation judiciaire ne doit pas retarder les actions fédérales si indispensables, comme l’interdiction des plastiques non essentiels, pour remédier à la crise de pollution plastique qui, selon l’ONU, est la deuxième menace la plus grave après les changements climatiques », a déclaré Ashley Wallis, d’Oceana Canada.

« Nous sommes confiants que les cours de justice canadiennes vont reconnaître que le gouvernement fédéral agit de plein droit en ajoutant les produits manufacturés de plastique à la liste des substances toxiques sous la LCPE », a dit Karen Wirsig, d’Environmental Defence Canada.