(Billund) Du vaisseau de Darth Vador aux camions de pompiers de la gamme Lego City en passant par les créations Technic, toutes les constructions vendues par l’entreprise Lego sont au départ conçues et imaginées par une armée de 400 designers qui travaillent dans les immenses bureaux du siège social de l’entreprise à Billund, au Danemark.

Parmi eux : Pierre Normandin. Un Québécois natif de Stukely, dans les Cantons-de-l’Est. Comment ce géographe de formation a-t-il fini par décrocher un tel emploi ?

Enfant, Pierre Normandin adorait les Lego. Il aimait construire les structures en suivant les instructions, mais surtout, créer lui-même ses propres jouets. Pierre Normandin se souvient d’une année où avaient lieu les Jeux olympiques. « Il y avait eu le relais du flambeau. J’avais recréé la scène. Avec les voitures et tout », raconte l’homme, rencontré par La Presse lors d’un récent passage au Danemark.

Devant la petite maison de briques rouges de Billund où Ole Kirk Christiansen a conçu en 1932 le premier bloc de ce qui deviendra une multinationale du jouet, Pierre Normandin nous raconte que, comme plusieurs, il a mis de côté ses blocs Lego à l’adolescence.

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Pierre Normandin devant la maison où Ole Kirk Christiansen a conçu en 1932 le premier bloc Lego

Après avoir fait un baccalauréat en géographie, il travaillera pendant des années dans ce domaine dans différentes MRC du Québec.

C’est vers la fin des années 1990, alors que l’internet prend son essor, que Pierre Normandin tombe au fil de recherches sur des sites d’adeptes de Lego. Il entre en contact avec des passionnés du petit bloc de partout dans la province et dans le monde. « Je suis retombé dedans… », dit-il.

Pierre Normandin ressort la vieille boîte de Lego qu’il avait gardée pendant toutes ces années. Et se remet à créer.

Avec son amie Valérie Derouin, il fonde le groupe QuéLUG, qui regroupe des adeptes de Lego. Il finit par abandonner son emploi en géographie et travaille pendant deux ans chez Mega Blocks à Montréal.

« Fais-moi quelque chose »

En 2004, Pierre Normandin se rend dans un congrès de Lego à Washington. Il y rencontre par hasard un homme qui travaille au siège social de l’entreprise au Danemark. « Il m’a parlé de travailler pour Lego », dit-il. Quelques mois plus tard, le Québécois profite d’une visite chez des amis aux Pays-Bas pour faire un détour par Billund.

Avec ses 6700 habitants, Billund est une municipalité de taille semblable à celle de Plessisville, Mont-Joli ou Sainte-Anne-des-Monts. C’est là qu’a été construit le tout premier parc d’attractions Legoland au monde, en 1968. C’est là aussi que se trouve une vaste usine de fabrication de blocs qui fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Et plusieurs immenses bâtisses accueillant les 3000 employés de la multinationale. Au cours des dernières années, un immense stationnement à étages, le plus grand du Danemark, a été construit à Billund. Le centre-ville a été retapé. Et le Lego House, musée consacré à la petite brique, a été ouvert.

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Le siège social de Lego au Danemark

De passage à Billund, donc, Pierre Normandin montre son portfolio à une cinquantaine de personnes au siège social. « J’ai parlé de la communauté d’adultes fans de Lego qui était très forte et qui représentait un gros marché », dit-il.

Mais l’entreprise Lego traverse à ce moment une phase de restructuration et ne fait pas d’offre d’emploi à Pierre Normandin. Ce dernier rentre bredouille au Québec et recommence à travailler en géographie pour différentes MRC.

Son rêve de se joindre un jour à l’entreprise danoise ne s’éteint pas pour autant.

En 2007, M. Normandin remarque sur le site internet du groupe que Lego recrute. Il envoie à nouveau son CV. Puisqu’il ne détient pas de formation en design, sa candidature n’est pas retenue.

La même année, il est de retour en Europe pour assister à une exposition de Lego. Il y rencontre un autre travailleur de l’entreprise et lui soumet son portfolio. L’homme que Pierre Normandin rencontre est le chef de la gamme Lego City. Ce dernier remarque le talent du Québécois et décide de le tester. « Il m’a donné un bac de briques lousses et m’a dit de créer quelque chose », relate M. Normandin, qui fabriquera un camion de sa conception.

La construction fait son effet : on lui demande de se rendre rapidement à Billund pour rencontrer les dirigeants pour une entrevue formelle. L’entrevue se passe bien. Et le Québécois entamera sa carrière de designer chez Lego, dans la gamme Lego City, en 2008.

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Pierre Normandin

Un emploi de rêve

À quoi ressemblent les journées de Pierre Normandin ? « Dans mon bureau, j’ai une grande table avec des blocs et mon projet du moment. Je le laisse sur la table le soir et je le reprends le lendemain. Derrière moi, j’ai des tiroirs avec tous les blocs possibles », résume-t-il.

Secret professionnel oblige, n’entre pas dans les bureaux de Lego qui veut. Les édifices sont étroitement surveillés. Après avoir travaillé plus de 10 ans à la gamme Lego City, Pierre Normandin fait maintenant partie du groupe travaillant à la gamme destinée aux adultes. Un secteur en pleine croissance chez Lego.

Voyez sa première création pour cette collection : une voiture FIAT 500 jaune Voyez sa plus récente conception : un camion des années 1950

Pour créer ses projets, Pierre Normandin ne part pas de rien. « On a un budget à respecter. Et un thème », dit-il. Une fois la structure conçue, une autre équipe travaille à déconstruire le tout en étapes et à concevoir les plans et les instructions.

Aux jeunes Québécois qui espèrent un jour suivre ses traces, Pierre Normandin recommande de « toujours continuer à construire, à créer leurs propres histoires et modèles et à poursuivre leurs rêves ». Faire des études en design est aussi un plus. Quand on fait de la conception de Lego à longueur d’année, perd-on un peu la flamme ? Pierre Normandin avoue qu’il conçoit un peu moins de Lego dans ses temps libres. « Mais j’achète encore les conceptions des autres et je les fais », dit le passionné, qui a manifestement trouvé sa voie.